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Pensées pour nous-mêmes:
(NE DÉLÈGUE PAS AU PASSE
LES CLÉS DE TON AVENIR)
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(Une fois encore, la jupette sexy allait se
faire la malle)
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(Le Trombone rigolard avait été nommé
chef du personnel)
chteuchteu.com
Le spleen d’une chargée
de mission territoriale qui ne sert à rien
Jennifer P. | Chargée de mission
Le spleen d’une chargée
de mission territoriale qui ne sert à rien
Jennifer P. | Chargée de mission
(...) Fermez les yeux. Nous sommes peut-être des dizaines de milliers dans le même cas après tout. Imaginez des bureaux alignés, des hiérarchies empilées et vous, tout en bas de l’organigramme. Imaginez d’un côté des élus du peuple, qui se réunissent en assemblée, en bureau, en commission. De l’autre, une grosse machine bureaucratique qui sert à soumettre des projets, à préparer les votes de ces mêmes élus et à suivre l’exécution de leurs décisions.
Moi je suis du côté de la grosse machine. Je suis chargée de mission dans une grosse collectivité territoriale qui emploie près de 400 personnes et dont le budget annuel 2013 s’élève à 500 millions d’euros. Je bosse depuis quelques années en tant que contractuelle dans une direction qui gère un service public en délégation. Pas facile d’expliquer, pas facile de simplifier.
Sur le papier, nous gérons un budget public de 200 millions d’euros et tous les jours, nous sommes censés suivre sa bonne utilisation. En réfléchissant, notre principale occupation est de faire circuler l’information. Celle-ci effectue un circuit plutôt intéressant qui pourrait paraitre aux plus cyniques, absurde.
Prenez une feuille blanche, mettez un point A tout en bas de la feuille. Ce point A c’est moi. Tirez une flèche vers un point B un peu plus haut, puis vers un point C encore plus haut puis vers un point D et enfin un point E tout en haut de la feuille. Laissez-vous le temps de la réflexion et tracez des flèches effectuant exactement le chemin inverse tout en passant bien par chaque point.
Pendant que vous y êtes, enfermez le point A dans un cercle bien à lui et empêchez-le à tout prix de communiquer avec les points Z, X, Y et autres hurluberlus, et obligez-le à ne communiquer qu’avec B. Appliquez ce principe à tous vos points sauf E, qui décide tout finalement sous ses airs sympas. (...)
(...) Faire circuler l’information, ça ne remplit pas 39 heures par semaine. On me dit cadre, responsabilité, autonomie. Moi je dis gros foutage de gueule. On me dit action publique, contrôle des dépenses, responsabilité des agents. Moi je dis stratégies individuelles d’éviction des risques, aplatissement des consciences.
J’ai la trentaine, un bac +5, un bon revenu, un cerveau pas trop déficient. Une petite vie tranquille, ni trop calme ni trop animée. J’aime bien faire mon travail, je pense être honnête. Aujourd’hui, sous mes airs presque normaux, je suis au bord.
Si j’essaie de réfléchir à ce qui a fait que j’en suis arrivée là, ça me fout le tournis. Il a suffi d’un changement dans la hiérarchie, de créations de poste venues squelettiser le mien déjà bien mince, et le ronron de la mécanique générale d’un cou s’enfouissant la tête dans le sable s’est amplifié. Ou alors prenons l’exemple de ce jeu : la bombe. C’est ce jeu d’enfant pendant lequel on s’envoie le ballon tout en comptant jusqu’à un certain nombre. Celui qui a le ballon à ce moment-là « explose » et est sorti de la partie. Ici, c’est le sport local, appliqué aux dossiers. L’art de savoir se refiler le boulot, les dossiers merdiques. En général, le perdant est le plus consciencieux.(...)
(...) Je me dis que le plus angoissant dans mes journées, c’est le silence. Le silence de mon téléphone, le silence de l’ordinateur qui chauffe pour rien, le silence qui remplit mon bureau et le silence de mes chefs sur ma situation qui ne va pas tarder à faire beaucoup (trop) de dégâts chez moi. Et dans tout ce silence, à moi me vient l’envie irrépressible de faire chier le monde.
C’est comme ça, je n’attends qu’à être occupée pour être enfin sage, pourquoi personne ne le comprend ? Pour avoir du travail, pour faire du bruit, pour que l’on me voie, j’en ai déjà fait beaucoup. J’ai fait des « points », de nombreux « points » avec un chef, deux chefs, trois autres chefs aux ressources humaines (j’en ai vu des chefs), j’ai fait le « point » avec moi-même, avec mes collègues, avec ma famille, avec ma toubib. Pendant huit mois.
J’ai dit sur tous les tons possibles (douce, calme mais sèche, énervée, hystérique, colérique, vulgaire, douce, calme mais sèche, énervée, etc.) que ça n’allait pas, que j’étais sous-occupée, que je ne comprenais plus ce que l’on attendait de moi. J’ai fait des e-mails, des dizaines. J’ai fait des propositions pour améliorer les choses ; ah oui au fait, parce qu’on m’a déjà dit qu’il fallait avoir l’esprit d’initiative ici.
Alors là je suis désolée mais je suis explosée de rire derrière mon écran. Mon chef, à chaque fois qu’on va le voir avec une idée il dit non, c’est aussi simple qu’un mot de trois lettres : non. A chaque fois qu’on dit que peut-être on pourra améliorer ceci ou cela, il dit « ça a toujours été comme ça et ça marche ». (...)
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(Dans la mondialisation,
le dialogue social laissait à désirer)
…PATRICK LEGER ...
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Luc Desle
2 commentaires:
Elle est tronc bonne ! Je parle de l'histoire du trombone rigolard.
Pour la photo de la ravissante jeune femme qui tire sur sa jupe, je dirais qu'elle m'émeut tout particulièrement, je peins souvent des vues de dos comme celle-ci (http://wizzz.telerama.fr/castortillon/photos/3723604047).
"Le spleen d’une chargée de mission territoriale qui ne sert à rien", très bon article, édifiant. Si tant est que ça a édifié quelque chose pour Jennifer P.
Trop gentil... On en rougit de plaisir... Merci.
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