Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

jeudi 28 mars 2013

"Ce piètre orateur, quand on le tortura, le resta". Jacques Damboise in "Pensées inconvénientes"

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Pensées pour nous-mêmes:

(L'ESSENTIEL EST VISIBLE
PAR LE COEUR)

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"Après les Trente Glorieuses, tu crois qu'on
sera comment?
- Vieux."


Robert Castel: 
«Tout ne s'est pas effondré, mais...»

   (...) En 2009, le grand sociologue, mort mardi 12 mars à 79 ans, répondait aux questions de «l'Obs». Il analysait le passage de la précarité transitoire d'antan au système actuel du «précariat», et réclamait l'institution d'une «Sécurité sociale minimale garantie». (...)

   (...) . Le Nouvel Observateur/France-Culture En France, la cohésion sociale est mise à mal par les difficultés du service public - hôpital, école, université -, par la crise permanente des banlieues et la montée actuelle du chômage. Que révèle la crise et qu'est-ce qu'elle accentue ?

   / Robert Castel 
   Je n'ai aucune nostalgie des Trente Glorieuses, comme on appelle souvent en France la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Avec les guerres coloniales, la persistance des injustices et des inégalités, la rigidité des fonctionnements institutionnels, cette période a été assez peu «glorieuse». Mais il s'était progressivement constitué une forme de compromis entre d'un côté les intérêts du marché assurant la compétitivité et la productivité des entreprises - ce fut quand même un moment de développement économique et social et de modernisation de la société française assez exceptionnel - et de l'autre un certain nombre de garanties de sécurité, de protections, qui concernaient à peu près l'ensemble de la population. 

   Par exemple la «misère travailleuse», qui avait été le lot séculaire de ce qu'on appelait autrefois le peuple, avait été pour l'essentiel jugulée. Dans les années 1970, presque tout le monde pensait que demain serait meilleur qu'aujourd'hui, c'est ce qu'on appelait le progrès social.

   Aujourd'hui nous sommes placés face à l'incertitude des lendemains, avec le sentiment que si le pis n'est pas certain, le mieux n'est certainement pas assuré. Certes, le terme de «crise» est vague et ambigu mais, vers le milieu des années 1970, il s'est à coup sûr produit une bifurcation essentielle dans la marche de la société. Nous sommes entrés dans un nouveau régime d'un capitalisme plus sauvage, de concurrence exacerbée. Tout ne s'est pas effondré, mais on observe la dégradation de positions qui paraissaient assurées. Par exemple, depuis dix ans en France on reparle de «travailleurs pauvres», alors qu'on croyait que c'était une figure révolue du passé.

   . En France, un peu plus de 13% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté (c'est-à-dire 880 euros mensuels pour une personne seule). Allons-nous vers une «institutionnalisation du précariat» et des travailleurs pauvres ?

   D'une certaine façon, nous y sommes. C'est-à-dire que la reconfiguration actuelle de l'organisation du travail fait qu'un nombre croissant de travailleurs ne tirent plus de leur emploi les conditions minimales de leur indépendance économique et sociale. On peut appeler cet état «précariat» pour le distinguer de la précarité d'hier, qui n'était souvent qu'un mauvais moment à passer, par exemple pour les jeunes en attente d'un emploi durable. On constate désormais que des gens s'installent en permanence dans ces situations d'activité en deçà de l'emploi classique. Il y a incontestablement un processus de vulnérabilisation qui traverse le monde du travail.

   . La crise actuelle a révélé un certain nombre de scandales du monde de la finance. Est-ce que ça n'entraîne pas une montée du sentiment d'injustice. Et n'est- il pas lié à un sentiment d'impunité des élites ?

   Il y a des inégalités qui ne sont pas perçues comme injustes. Le fait par exemple, pour un ouvrier qui a fait peu d'études, qu'un cadre ait un salaire supérieur au sien n'est pas en soi vécu comme une injustice. Par contre, des salaires ou des rétributions qui valent plusieurs centaines de fois le smic apparaissent à juste titre scandaleux. Mais au-delà de ce sentiment d'injustice se fait en ce moment une prise de conscience que quelque chose ne marche pas à un niveau plus fondamental. 

   On nous a répété depuis plus de vingt ans que les protections sociales étaient trop rigides, que le rôle de l'Etat était trop pesant, que le droit du travail faisait obstacle au libre déploiement des entreprises, et un certain nombre de réformes libérales ont été prises dans le sens de leur réduction. Le résultat, c'est un emballement du marché lorsqu'il est laissé à lui-même. On pourrait interpréter l'explosion du capitalisme financier comme l'expression ultime du fonctionnement d'un marché uniquement conduit par la recherche du profit pour le profit, la maximisation à outrance de son intérêt, quel qu'en soit le coût social.

   Pour l'instant les réactions restent sporadiques, comme ces séquestrations de dirigeants qui expriment l'exaspération de ceux qui se retrouvent brusquement dépossédés. Ce sont comme de petites explosions qui surviennent en ordre dispersé. Sont-elles susceptibles de déboucher sur un mouvement social d'ensemble qui passerait par une collectivisation de ces actions ? Il faudrait être prophète pour en décider aujourd'hui. (...)

Lire sur:

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"Heu... Tu es sûr qu'il ne te manque pas 
quelque chose, en haut?
- J'en ai deux petites en bas...
- Petit coquin!"

Bathing Suits
vogue/hoyningen-huene 1928        & &
² 
 è-('=
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(Ce terroriste désamianteur amateur
était amateur de Zorro, le renard rusé)


Pourquoi la SNCF envoie en douce 
ses trains amiantés en Roumanie
Anna Rousseau

   (...) Les trains ont du mal à se cacher pour mourir. A Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), à Culoz (Ain), à Baroncourt (Meuse), à Vesoul (Haute-Saône), des convois sont garés sur des voies secondaires et attendent en pourrissant d'être envoyés à la casse. Locomotives, voitures de voyageurs et wagons de fret s'accumulent. Près de 3.700 en tout, soit "150 kilomètres mis bout à bout", selon Arnaud Aymé, du cabinet Sia Conseil, effaré par la masse de travail qui attend... les désamianteurs.

   C'est là que le bât blesse. Démolir un train, c'est beaucoup de force physique et de bons chalumeaux. Mais avant de découper la tôle et de la vendre aux ferrailleurs, encore faut-il extraire l'amiante de tous ces trains construits entre les années 1950 et 1980. Cette matière toxique est présente dans les enduits extérieurs, dans les joints et dans les protections de chauffage. La retirer exige un travail lent, précautionneux, dans des hangars adaptés, par des ouvriers spécialisés équipés de scaphandres. 

   Or il n'y a que deux centres de désamiantage ferroviaire en France: Recylux dirige celui de Baroncourt, en "restructuration technique" depuis juillet 2012. Il reste celui de SME, situé à Culoz. Bon an, mal an, l'entreprise, située entre le Jura et les premiers contreforts des Alpes, parvient à désamianter environ 150 "caisses" par an, alors que la SNCF en a sorti 1.200 - huit fois plus - de sa flotte en 2012. (...) 

   "La SNCF nous dit qu'il y a là dix ans de boulot », explique Jocelyn Portalier, secrétaire du collectif matériel à la CGT-Cheminots. Mais ce boulot n'est pas pour les cheminots. Il est sous-traité. Un peu gênée aux entournures, la SNCF a du mal à dire pourquoi elle ne désamiante pas ses trains elle-même. "Dans nos ateliers, notre coeur de métier est la maintenance et la réparation des trains, explique Jacques Damas, directeur général délégué de la SNCF. Vis-à-vis de l'amiante, nous nous limitons le plus souvent à la dépose de pièces, ce qui représente des niveaux d'exposition faible pour lesquels nos personnels sont strictement équipés en conformité avec la réglementation." Un autre dirigeant du groupe public fait très clairement comprendre pourquoi les cheminots ne démolissent pas leurs trains: "Nous sommes le monde des trains vivants. Le désamiantage, ce sont leurs pompes funèbres."

   Or les syndicats, eux, réclament depuis des années de récupérer cette activité au nom de la préservation de l'emploi. Mais ils suivent aussi de très près le dossier pour de simples raisons de salubrité publique: le centre de désamiantage du Mans, confié à un sous-traitant, a été fermé en 2011 par ordre de l'inspection du Travail, suite aux plaintes des cheminots et des riverains. Les trains étaient désamiantés à l'air libre, laissant les particules se disperser allègrement dans la nature, et les ouvriers n'étaient pas protégés!

  En attendant, les files de trains "radiés", comme on les appelle en jargon SNCF, garés sur les voies de service, s'allongent inéluctablement. La SNCF a pris un retard considérable et n'arrive plus à faire face. Mais tout n'est pas sa faute. L'évolution des normes de sécurité, de plus en plus strictes, a considérablement ralenti le travail de démolition des trains. "Pour obtenir une certification, il faut entre neuf et quatorze mois", estime Michel Bonfils, l'un des dirigeants de SME, qui a investi près de 7 millions d'euros pour mettre toutes ses installations aux normes. (...) 

   Parallèlement, les régions, depuis la loi de décentralisation de 2002, sont devenues autorités organisatrices en matière de transport, et elles en ont profité pour entièrement remplacer le parc de leurs TER, envoyant les vieux à la casse. L'Ile-de-France s'est ainsi débarrassée fin janvier de ses "petits gris", entrés en service en... 1965. Les prochains seront les anciens RER A, environ 400 voitures de voyageurs datant de 1967. Mais si tant de retard a été pris, c'est aussi que la SNCF ne sait plus très bien ce qu'elle peut faire de ses trains. Avant les premières réglementations sur l'amiante, en 1996, la question ne se posait pas: chaque caisse, revendue à un ferrailleur, lui rapportait 3.000 euros.

   Aujourd'hui, avant de pouvoir revendre la tôle nettoyée entre 6.000 et 9.000 euros aux mêmes démolisseurs, la SNCF doit la faire désamianter, ce qui lui coûte entre 30.000 et 35.000 euros. Elle perd donc entre 21.000 et 29.000 euros par caisse! Pour sortir de ce cauchemar, la SNCF s'est décidée à investir. En septembre prochain, deux sites de désamiantage ouvriront: l'un à Chalindrey, sous la houlette de sa filiale Geodis, qui traitera 250 caisses en 2014, et l'autre au Mans, qui sera confié à un sous-traitant, avec comme objectif de se débarrasser de 300 caisses par an. Les lieux de garage devraient commencer à se vider à partir de 2015.(...)

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Luc Desle (avec le concours graveleux de Jacques Damboise)

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