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Pensées pour nous-mêmes:
(PARFOIS,
PENSE A TE DÉBRANCHER)
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COURTS RÉCITS AU LONG COURS (82)
pcc Benoît Barvin
Enfance
Cette petite fille, c'était moi. Moi à son âge. Moi qui n'avais pas été aimée, que l'on avait frappée, qui avait bu à satiété le lait du malheur. Moi qui traînais encore, des années après, les séquelles de ce que ma Mère m'avait fait subir... Une mère qui, jusqu'à 7 mois de grossesse, ne s'était, soi-disant, "rendu compte de rien". Elle qui était allée voir le médecin pour un "kyste" et auquel le praticien avait lancé, en riant - paraît-il: "Votre kyste, il a des pattes, chère madame...".
La petite fille venait de recevoir une gifle. Sa mère était à l'image de la mienne: une petite bourgeoise BCBG, habillée à la dernière mode, avec un visage exaspérant car fardé à outrance, des yeux charbonneux, une bouche qu'on imaginait dans des positions interdites... Cette "sucette humaine" portait un caraco sous lequel les seins dansaient librement à chaque mouvement - quand elle giflait, par exemple. Un jean moulant accentuait le côté "p... mais pas trop" de cette mère indigne, forcément indigne, puisque considérant sa gamine comme une propriété taillable et corvéable à merci.
Ma décision était prise à la seconde même où j'aperçus la petite fille - une blondinette fragile aux yeux d'un bleu de lagon - qui se recroquevillait, attendant la calotte qui, à cet instant, immobilisée dans l'air, s'apprêtait à retomber sur sa joue à la vitesse de l'éclair . Une gifle manucurée, aux longs doigts aristocratiques, accompagnée par la voix furieuse de la Mère: "Petite idiote! Un bas de filé... A cause de toi, godiche, qui ne sais pas avancer droit".
Je suivis le couple - Matonne/détenue - jusqu'au jardin d'enfants où, enfin délivrée, la petite blonde alla se réfugier sur une balançoire. Elle avait encore les yeux remplis de larmes. Je percevais la douleur de la main sur ma propre joue qui flambait. La Mère, pendant ce temps, se repoudrait le nez... La décision, "ma" décision donc, de soustraire l'enfant à cette "Femme" était désormais ma seule préoccupation.
J'observais la mère un moment. Je la vis qui, l'air de rien, regardait autour d'elle, cherchant à attire l'intérêt des mâles qui gardaient leur progéniture, après un divorce douloureux. Elle accaparait leur attention, leur envie et je les imaginais bandant comme des fous, ces pauvres tarés, prêts à tous les compromis pour passer un moment entre les bras de cette mère indigne.
J'eus envie de me lever, de leur crier qu'elle était "indigne, indigne"! Mais je me retins. La blondinette se balançait mollement, solitaire, observant les enfants qui, à quelques mètres d'elle, sans lui prêter attention, se poursuivaient, éclataient de rires hystériques ou bien fondaient soudain en larmes, tout en se précipitant vers leur génitrice qui, elle, les réconfortait...
La saleté de mère indigne permettait à un beau garçon de s'asseoir sur son banc. Elle minaudait, déjà poule, déjà l'entrejambes humide... J'en profitai. J'avançai, l'air de rien, de la balançoire, la contournai et surgis, en souriant, près de la petite fille. Elle ne sursauta pas. Elle me regarda, curieuse, avec cet air sérieux qu'arborent les enfants face à un nouvel adulte. C'était comme si elle m'évaluait, se demandant si elle devait ou non me faire confiance.
Mon sourire s'accompagna de paroles de réconfort et miraculeusement dans ma main parut une sucette à la vanille. La petite la prit, descendit de la balançoire, me suivit sans rechigner, pendant que sa p... de mère riait aux éclats, seins presque à l'air, cuisses offertes à ce printemps chaleureux et aux mains rudes du beau mec.
Tout en me demandant comment j'allais, ensuite, procéder pour garder la petite avec moi, pour la chérir, pour faire en sorte qu'aucune des Autorités du pays ne vienne l'arracher de mes bras aimants, j'allongeai le pas, la petite main fragile de l'enfant dans la mienne, plus large, protectrice... Nous atteignîmes mon véhicule, je l'installai derrière, la priant de se blottir pour que personne ne la voit - n'ayant même pas besoin d'inventer un quelconque prétexte, tellement elle me faisait confiance, elle qui ne pensait qu'à suçoter ce sucre délicieux que j'avais enduit d'un mélange de mon invention, aux vertus calmantes.
Sortir de la ville fut un jeu "d'enfant". Nous cacher dans ma petite résidence secondaire, à une vingtaine de kilomètres au-milieu des bois, également. J'avais tout prévu: la télé fonctionnait; des tas de Blu-Ray de dessins animés étaient soigneusement rangés dans leur meuble; le frigo débordait de nourriture et de boissons. La petite fille ne serait pas malheureuse en ma compagnie. Moi qui ne pouvais pas avoir d'enfant et qui, grâce à elle, en adopterait un à ma convenance.
Vers le soir, alors qu'elle dormait toujours dans sa chambre où je l'avais installée, glissée sous les draps, admirée pendant une bonne heure, fascinée par ses cheveux d'ange, ses traits si purs, écoutant le souffle régulier de sa respiration - une musique céleste... C'est vers le soir, donc, que je me branchai sur le Web pour savoir si, par hasard, on parlait de cette disparition.
Sur la page actualité de Google s'étalait, en premier titre, la phrase: "disparition inquiétante". On y lisait que la petite Marianne, échappant à la surveillance de sa mère (tu parles!), s'était évaporée d'un jardin public de la ville. On y voyait une photo de la disparue, on avait droit à une interview filmée de la mère qui parlait, en sanglotant, de sa jolie petite fille (simagrée!), mais entre les lignes on comprenait qu'il n'y avait aucun témoin, que pour un moment, la blondinette et moi, on serait tranquilles. Heureux et au calme...
J'éteignis mon ordinateur portable, allai me débarbouiller. J'enlevai avec regret ma perruque, ôtai mon maquillage, passai sur mes joues, bleuies d'une barbe de presque 24 heures, une main lasse... J'étais éreintée mais ravie. Transportée, même, comme si tout le bonheur du monde m'était offert.
J'allais bien m'occuper de ma jolie poupée. J'allais enfin rattraper une enfance détestable qui, selon les psychiatres, avait "perverti le sens de mes responsabilités" et "détruit l'identité sexuelle du sujet". Charlatans! J'allais leur montrer que ce charabia ne recouvrait aucune réalité...
Je me blottis confortablement dans le fauteuil du salon et réfléchis à l’ordonnancement des jours à venir. Mais, d'abord, changer le prénom de ma petite chérie:
Astra me plaisait bien...
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Astrée : Astrée, parfois aussi nommée Astra ou Astraea, est une puissante déesse de la justice, dont le nom signifie “étoile”. Ses propriétés ésotériques touchent tout ce qui est en relation avec la pureté et la justice. Elle apporte l’équilibre.
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(La discussion avec cette fille était impossible)
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"Heu, Maître, vous avez l'air un peu...
- Un peu quoi?
- Ben... A plat...
- A qui la faute, hein?
- QUOI!!!"
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"Peuh...
Cette nouvelle drogue ne me fait aucun effet!
GRRR..."
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(Cet écrivain savait comment punir tous ceux
qui venaient goûter, en catimini, son Cognac)
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Blanche Baptiste
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