Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

dimanche 7 juillet 2013

"Au-delà des mots, la contrée était dangereuse". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LEVE-TOI LE MATIN
AVEC DES AILES)

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Long Texte au long cours (2/2). 
Blanche Baptiste

   La jeune Lucie commence à enquêter sur ses aïeux comme l'y pousse la discipline qu'elle a étudiée... 
HAUTES DILUTIONS



   - Si je considère cet arbre avec attention, je vois de toute évidence que le sept septembre est pour vous une date clef, et je ne peux que vous conseiller de chercher de ce côté-là. 

   Lucie est ressortie ébranlée de la séance avec son psychothérapeute. Pourtant, il ne lui a rien appris de nouveau. Elle le savait que ce jour-là, il s’était passé quelque chose de crucial pour elle et pour sa proche famille. Elle n’a aucun mal à retrouver ses souvenirs. 

   Elle avait alors tout juste dix-huit ans et venait de réussir son bac. En octobre, elle allait rentrer à l’école de laborantine de Perpignan. Elle entretenait avec la chimie un rapport étrange fait d’attirance et de répulsion, l’attraction étant cependant la plus forte. 

   Depuis toute petite, elle avait la manie des expériences et des mélanges. Sa sœur Pépita en avait un jour fait les frais et avait bien failli mourir après absorption d’un breuvage comme en concoctent souvent les petites filles en guise de dînette. Depuis ce jour, on l’appelait la espécialista et quand son père devait préparer les dosages pour les vignes, il faisait toujours appel à elle qui maniait la règle de trois avec une aisance qui peu à peu lui faisait défaut à lui qui allait vers ses cinquante-six ans. 

   C’était un fait, le régisseur Pedro Mirales, employé depuis plus de vingt cinq ans sur le domaine des Guirandes, n’était plus vraiment à la hauteur. Certains, secrètement, convoitaient sa place et se réjouissaient de ses moindres erreurs de gestion, de ses nombreux oublis et de son incompétence face à la modernité qui arrivait au galop et le dépassait, lui qui marchait encore au pas du cheval. Le tracteur, la camionnette, c’était Marcel qui les conduisait le plus souvent et bientôt, ce serait aussi la propriété qu’il conduirait si Mirales n’y prenait pas garde. 

   Le vieux Pedro se foutait bien pas mal des manigances de son second. Il savait qu’il avait encore neuf ans à tirer et que personne ne pourrait le déloger. Il avait la confiance de son patron, le propriétaire, monsieur Delmas, ambassadeur en Espagne qui ne venait en France que pour les vacances et qui appréciait les services non seulement de Mirales mais aussi de sa femme Josefa, excellente ménagère qui entretenait à merveille le manoir jouxtant la ferme. 

   Josefa n’avait alors que cinquante ans et montrait une force et une volonté à l’ouvrage peu communes. D’origine andalouse, encore fraîche et pulpeuse, elle savait mener son monde, mine de rien, tout en ayant l’air de laisser à son mari le choix des décisions. Les mensonges étouffés, la soumission feinte, les compromissions auxquelles elle avait consenties depuis son mariage avec Mirales, avaient fait d’elle, au fil des ans, une femme de tête qui exerçait sur ce dernier un ascendant sournois. 

   Depuis quelques jours, elle se démenait pour rendre un peu plus salubres les logements dévolus aux vendangeurs espagnols qui venaient chaque année de Murcia. Mais elle avait beau faire, tout cela se dégradait et elle avait honte de ces taudis mis à disposition par monsieur Delmas. Il n’y avait ni eau, ni toilettes, ni chauffage. Pourtant, un poêle aurait été bien utile, surtout à la fin septembre quand les jours se font plus venteux et qu'il vient du Canigou des senteurs de neige et de glace. Au lieu de cela, elle voyait depuis sa fenêtre ces braves gens, ces habitués de longue date, aller se laver au bassin dans la cour et courir sous la pluie jusqu’au WC de fortune. 

   Et cette année encore, ils allaient arriver avec leur chargement de vêtements et surtout de victuailles. Des kilos de chorizo, de riz, de poisson séché, de pois chiches, et tout cela serait mis en commun par ces trois familles élargies et ils mangeraient tous autour de la grande marmite. Et sa fille Lucie voudrait comme à chaque vendange se joindre à eux. Alors, le père Mirales se mettrait en colère. Il ne supportait pas que la gamine veuille se mêler à ces espagnols. C’était depuis toujours sujet à dispute violente. 

   - Tu n’as pas à traîner avec eux ! 

   - Et quand je viens vous aider à vendanger, je suis bien avec eux aussi et vous ne dites rien. 

   - Ne discute pas ! Rien ne t’autorise à partager leurs soupers ni leurs soirées. Surtout à ton âge ! Avec ces jeunes, et moins jeunes, qui n’attendent que ça ! 

   Alors la mère intervenait avec des sous-entendus et un ton perfide. 

   - Oh toi, bien sûr, vieux dégoûtant, tu sais de quoi tu parles ! 

   Le père levait la main dans un geste avorté en injuriant Josefa. Il ne restait plus à Lucie qu’à sortir de la pièce, à les laisser ressasser leur passé, à parler de cet Angel, cet enfant que son père aurait fait à une jeune femme réfugiée comme lui en France dans un camp près d’ici. Que ce n’était que des racontards. Que cette fille avait tout inventé. Bref, des histoires sordides qui dégoûtaient Lucie et Pépita parce qu’elles sentaient qu’il y avait là-dessous une part de vérité et beaucoup de souffrances laissées dans l’ombre, quelque part, des êtres qui pouvaient en vouloir à leur famille, des ennemis capables de resurgir un jour et d’apporter la honte sur les Mirales. 

   Il avait été si difficile de se faire une place. Cela avait demandé un travail acharné, beaucoup d’orgueil rentré. Et peu à peu, ils s’étaient fondus dans la masse des gens du coin, mêlant leur accent à l’accent roussillonnais, parlant un français teinté d’hispano-catalan. Et Mirales avait su se faire apprécier, véritable bête de somme, il était devenu régisseur, sa fierté. Et son fils aîné, Pierre, employé des Postes à Paris. 

   Pépita, coiffeuse, bien installée au village. Et Lucie, la dernière, bientôt laborantine, presque docteur en somme. Oui, ils avaient bien réussi. Pour les filles, leur jeunesse n’avait été qu’une succession de brimades, de restrictions et de privations, mais le résultat était là. Il ne s’agissait pas de tout foutre en l’air au dernier moment avec des gamineries ! 

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(A Suivre)


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(Adulte jetant son rêve d'un monde meilleur aux orties)


Vaclav Brozik (Czech painter)

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(Démocratie en deuil... depuis trop longtemps)


Enigme, Alfred Agache


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(Cet homme était si timide qu'il payait
pour rester seul avec des cadavres féminins
afin de leur réciter ses poèmes d'amour)


The Autopsy ~ Enrique Simonet 1890


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"Oh toi, ch't'aime, tu sais... Mmmm...
Kiss, kiss...
- Mais... Enfin! Madâme! On nous regarde!!!"


Kiss of the Sphinx (1895), Franz von Stuck

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Blanche Baptiste

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