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Pensées pour nous-mêmes:
(SI TU PEUX PEU
TU PEUX QUAND MEME)
pcc Jacques Damboise
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COURTS RÉCITS AU LONG COURS (69)
pcc Benoît Barvin
Eau
C'était une maison d'un étage, édifiée à l'orée d'un petit bois. Je l'avais achetée pour une bouchée de pain, après un divorce douloureux qui me poussait à rechercher la solitude. Pour me ressourcer. Le village n'était distant que de deux kilomètres mais c'était suffisant pour que je me sente à mon aise. L'agent immobilier, un jeune de la Ville voisine, m'avait fait du gringue et j'avais trouvé cela réconfortant. Pour une fois... J'avais même répondu, juste ce qu'il fallait pour me sentir revivre - hum, ce bref baiser sur la bouche... - et je me disais, en emménageant moi et mes maigres affaires, que le Renouveau était en marche.
Le bâtiment était une vieille demeure campagnarde rénovée, disposant de tout le confort nécessaire. Je pouvais envoyer courriel sur courriel, converser sans problème avec la Capitale pour mon travail de maquettiste. De plus, m'avait dit le beau jeune homme, je disposais d'un puits, un vrai, avec de l'eau potable venant d'une source dont l'existence se perdait dans les tréfonds de l'Histoire. La maison, je l'appris bien vite en faisant mes courses dans le village, avait une "histoire". Ses différents occupants se succédaient sur un rythme rapide car ils - ou elles - n'étaient que des gens de la Ville qui étouffaient bien vite dans cette ruralité rêvée mais durement vécue.
J'eus fort à faire pour rassurer les villageois. "Moi, je suis ici jusqu'à mon dernier soupir," avais-je prétendu, lors d'une soirée, provoquant un moment de gêne car je l'appris bien vite, les gens de la campagne sont superstitieux. "On ne plaisante pas avec ces Choses", me dit la buraliste, une grosse femme soudain sérieuse. Salomon, l'agent immobilier, me prit par le bras, le visage blême et, cette nuit-là, nous fîmes pour la première fois l'amour. C'était assez brutal, mais cela me donna du courage...
Deux mois plus tard, je croulais sous les commandes, Salomon venait régulièrement me voir, j'avais été adoptée par les villageois qui, régulièrement, m'offraient des "cadeaux" que je ne pouvais refuser. La buraliste, par exemple, m'avait tendu une immonde faïence représentant une espèce de biche agonisante, car percée par les flèches de plusieurs chasseurs qui ressemblaient à des gnomes. L'exécution était malhabile et, pour la première fois, je regrettai que le rituel "Made in China" ne fut pas inscrit sur le socle de... hem... l'oeuvre.
Le printemps se finissait. Salomon était absent pour quinze jours en raison de son boulot. Cela me convenait, car je voulais réfléchir plus avant sur la profondeur de notre relation. Je dormais en laissant, la nuit, la fenêtre de l'étage ouverte. Les mille parfums de la nature me parvenaient, entêtants... et aussi le coassement d'un crapaud. Ce dernier était si bruyant que je finis, sur un coup de tête, par sortir dans la nuit éclairée par une Lune pleine pour chasser l'importun.
Il s'était placé sur la margelle du puits. Quand il m'aperçut, il détala vite fait. J'étais bien, dans cette fraîcheur nocturne, et je m'avisai que je n'avais jamais goûté à "ma" source naturelle. J'allai chercher le seau attaché à une corde rangé dans la remise, et je prélevai un peu de cette eau qui, sous ma langue, avait un goût délicat. Aussitôt, j'eus envie de chanter. Ce que je fis et, bientôt, des trilles absolument divines s'échappèrent de mon ventre, faisant vibrer mes cordes vocales. C'était d'autant plus surprenant que je n'avais jamais eu l'oreille musicale...
Plusieurs essais, et plusieurs semaines après, j'en étais convaincue: l'eau du puis était miraculeuse. Elle agissait sur mon larynx, le transformant en celui d'une cantatrice hors pair. Bien entendu, je ne chantais que le soir, quand personne ne pouvait me voir et encore moins m'entendre. Des airs d'opéra venaient naturellement à ma mémoire et je compris que ce nouveau don pouvait m'ouvrir de nouveaux horizons. Le seul problème, c'était que les effets de l'eau ingérée ne duraient qu'une journée... et encore. Je devais donc boire exclusivement cette potion magique pour que ma voix reste de pur cristal.
Ce n'est qu'au bout de quelques mois que je réalisai le contre-coup induit par l'ingestion du liquide merveilleux. Il me transformait, lentement mais sûrement, en un être étrange, couvert d'un léger duvet vaguement roussâtre et qui avait le plus grand mal à se tenir debout. Je compris vite que la source me métamorphosait en biche.
J'aurais pu accepter cette modification temporelle, si la saison de la chasse ne s'était pas ouverte et si, un soir, Salomon n'avait pas frappé à ma porte, armé d'un fusil semi automatique Escort Camo. J'entendis au loin l'aboiement de chiens du village et j'aperçus des torches qui zébraient une nuit aussi sombre que l'intérieur d'une tombe.
Je sautai prestement par la fenêtre du premier étage, m'attendant à tout instant à recevoir une décharge dans les flancs. Je m'éloignai en quelques bonds de ma demeure, m'enfonçai dans le bois, espérant que Salomon soit mon exécuteur.
Je savais qu'il ne me ferait pas souffrir.
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(La chauve-souris n'était pas chauve)
Daredevil #7 cover by Alex Maleev.
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(L'arme n'était pas parfaite)
Uncanny X-Men #4 cover by Chris Bachalo.
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(La libellule qui volait peu)
Pixie by Phil Noto.
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(Le Batman ne voulait pas)
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(Le vrai Superman était...
Hem... Super Ridicule?)
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Blanche Baptiste
4 commentaires:
"Eau" : très beau texte, ça ne va pas me réconcilier avec la chasse.
Joli, le coup de l'assiette.
Venant d'un amateur "gudulesque" ( ça se dit?), ton commentaire nous va droit au coeur. Bienvenu à Tu Quoque, cher Castor, et que Ton Saint Nom soit sanctifié (par de pittoresques jeux de maux, évidemment...)
"Bienvenue à" serait plus dans la norme, quand même...
Oh, le masculin me va bien au teint.
Et puis chacun ses petites boulettes, cher benoît : je parle d'une assiette, mais une faïence n'en est pas forcément une.
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