Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

mercredi 31 octobre 2012

"Ce crétin de criquet vient de craquer pour une crécelle". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

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Pensées pour nous-mêmes:

(SONGE A TES SONGES
ET AIME-LES)

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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(52)
pcc Benoît Barvin


Brève Amitié

   J’étais condamné. 

   Les termes de « carcinome » et « d’épidermoïde » dansaient devant mes yeux à chaque fois que je les promenais sur le compte-rendu du spécialiste qui m’avait convoqué. Gauche et droite, haut et bas et recommencer… 

   Assis dans ma voiture, j’inhalai un oxygène visqueux qui coulait dans mes bronches son sirop analgésique. Il faisait si chaud, ce jour-là… Un mois d’août caniculaire qui transformait aussi mon enveloppe corporelle en liquide. Mes vêtements gorgés d’eau retenaient l’ensemble de mon organisme en un agrégat que j’imaginais au bord de la rupture. Chacun de mes mouvements se révélait étriqué, pesant, désespéré. Pas un geste de trop sous peine de… 

   J’étais là, dans mon véhicule, tenant entre mes doigts gourds mon arrêt de mort. L’intérieur de l’habitacle était un incendie permanent. J’avais choisi cette voiture avant tout parce qu’elle était minuscule. A quoi bon m’embarrasser d’une 4 portes, moi qui n’avais plus, depuis longtemps, mes enfants à mes côtés. Quant à ma compagne, elle refusait obstinément d’embarquer dans ce «cercueil sur pattes», sous prétexte qu’en plus, il ne possédait aucun airbag. 

   Un véhicule microscopique, pourvu du minimum de confort, d’où l’absence d’air conditionné, mais qui roulait sans accro, pas très vite et, à chaque soubresaut de la route, me secouait comme un shaker. A part ça, c’était un engin utile pour aller d’un point A à un point B. Ou l’inverse… 

   … Condamné. 

   Le mot avait du mal à pénétrer mes neurones anesthésiés par la chaleur de plus en plus accablante. Je voulus baisser la vitre, dus tourner la clé de contact, appuyai sur le bouton mais, devant le baiser aussitôt suffocant de l’air, je remontai bien vite le fragile rempart entre moi et l’haleine d’enfer du parking. 

   Le spécialiste m’avait reçu avec toute la componction que réclamait mon état. Pour un peu il m’aurait offert à boire pour me réconforter. Dans l’armoire de son bureau, j’avais aperçu une bouteille de whisky à demi vidée. Je n’aurais pas été contre. 

   Il était « désolé » de cette mauvaise nouvelle. Cependant, j’avais « beaucoup de chance » car mon cas avait été diagnostiqué « à temps ». Il fallait maintenant suivre la « procédure » qui consistait, évidemment, à subir une intervention chirurgicale « des plus usuelles ». C’était lui qui s’en chargerait. On allait ainsi « pratiquer l’exérèse de la lésion », puis je devrais subir une dizaine de séances de « radiothérapie ». S’il en croyait sa longue expérience – et parce que, il me le répétait, ce carcinome avait été diagnostiqué « à temps », j’avais de grandes chances de me sortir de cette épreuve « la tête haute »… 

   Maintenant le docteur souriait, en croisant des doigts boudinés et velus, comme un confesseur. Son visage rond à la chair lisse, agrémenté de lunettes colorées, surmonté d’une chevelure poivre et sel impeccablement taillée, suscitait la confiance. Seules ses lèvres charnues, étirées en une grimace obscène, me dérangeaient. Je l’imaginais calculer la catégorie dans laquelle allait entrer l’intervention, la satisfaction de son collègue chargé de la radiothérapie, celle des pharmaciens chez qui j’allais me fournir en crème «modulant l’immunité» et… 

   J’ai décroché assez vite, je le confesse. Le terme « condamné » m’irradiait le cerveau. Je n’avais plus la force de penser. Ni d’écouter d’ailleurs. La voix du spécialiste proférait des phrases dans une langue inconnue. Bientôt, il n’émit plus que des borborygmes. Quand j’en eus assez, je me levai tout de go, le remerciai en bredouillant quelque chose puis tournai les talons. Le spécialiste fut si surpris qu’il ne me rappela pas. 

   Le parking de la clinique était bombardé par les rayons. L’air vibrait et les patients allaient et venaient au ralenti, avec des faces de poisson mort. Même les véhicules roulaient au pas, leur conducteur atteint d’apoplexie. C’était comme si j’entendais le soufflet de forge de leurs poumons, incapables de se remplir de cette mélasse brûlante. 

   Je sortis pour me mêler à l’atmosphère accablante, avec l’idée secrète que, peut-être, les poumons vidés, j’allais glisser à terre, déjà dans un état semi-comateux, ce qui me priverait de la kyrielle de « soins » que le spécialiste m’avait énumérée. La vie n’a aucune imagination. Elle vous crache au visage, vous transperce de ses éructations romantico-suicidaires et vous interdit tout espoir. 

   J’étais contre la porte ardente de mon véhicule lorsque je perçus un frémissement. Malgré la luminosité aveuglante, j'entrevis une silhouette emplumée, de petite taille, qui froissait ses ailes dans ma direction. Un moineau voletait jusqu’à moi et, ivre de fatigue, s’abattit à mes pieds. 

   L’ombre de quinze heures était squelettique, pourtant la voiture en laissait une, comme une sale trace de pisse, sur le bitume excorié du parking. Le corps de l’oiseau tressaillit avant que, dans un ultime effort, le volatile se traînât à l’ombre du véhicule. Je me penchai en avant et agrandis au sol la tache sombre dans laquelle s’engloutit le moineau. 

   Nous restâmes tous deux immobiles un long moment. Je sentais, sur mon cou et mes épaules, peser les rayons du soleil. Ils me transperçaient au travers de mon t-shirt, touillant ma chair, à la recherche du carcinome, lové au milieu de mes omoplates. Je n’avais maintenant plus un « poil » de sec. Je n’étais plus que de la viande sur pattes, bientôt calcinée par les rais brutaux qui faisaient monter mon corps en température. 38°5… 39… 39°5… Mais l’oiseau, lui au moins, était à l’ombre… 

   Condamné… Il ne l’était pas encore. Il allait survivre, du moins est-ce ce que je me suis dit, à un moment, les yeux rivés sur cette boule de plumes souillées et légèrement frémissantes. Je n’osais bouger, de peur de rompre ce vénéneux enchantement qui donnait du sens à l’intrusion, dans mes pensées amères, de cette soudaine virgule de vie. 

   Effet de mon cerveau incandescent ? J’étais de plus en plus persuadé que nos destins étaient liés. Frères de misère, nous nous devions de nous entraider afin de survivre l’un et l’autre. 

   Sans l’avoir prémédité, je me mis à genoux devant le moineau, scrutant cette boule de plumes grisâtre, anxieux à l’idée qu’elle puisse expirer, soudain, et me laisser seul. En cette seconde, c’était la seule attache tangible qui me retenait à l’existence. J’avais le sentiment que lui et moi ne faisions plus qu’un. J’avais retrouvé mon jumeau, perdu depuis si longtemps et il n’était pas question, cette fois, que je l’abandonne… 

   De près, le volatile était commun : c’était un petit tas grisâtre, les paupières closes, le bec minuscule. Ses pattes griffues remuaient mollement et j’entrevis un souffle léger déformer sa gorge, couverte d’un fin duvet. J’avançai un doigt pour vérifier que je n’étais pas sujet à une illusion d’optique, le cœur déjà débordant de joie. 

   C’est alors que l’oiseau me piqua méchamment l’index et, alors que je poussai un cri de douleur, il prit son envol et disparut dans la lumière aveuglante.

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(Il s'inclina bien bas devant la Trilogie Divine.
Le bourreau en profita pour lui trancher la tête)

"Oldies" exhibe ses tatouages réalisés par l'artiste Josh Lin, 
lors de la 8e convention internationale London Tatoo,
 au Tobacco Dock, à Londres, le 28 septembre. 
(AFP PHOTO / ADRIAN DENNIS)

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(Bon, d'accord, j'avais été injuste sur la grosseur
de sa poitrine... Mais cela ne valait pas une telle
réaction hystérique...)

Les féministes du collectif Femen ont investi le Ikea de Gonesse, 
dans le Val-d'Oise, pour protester contre la disparition des femmes 
dans le catalogue saoudien du distributeur de meubles. 
(KENZO TRIBOUILLARD/AFP)

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(Je retirai brusquement ma main 
et ce crétin d'écureuil se vautra par terre.
J'ai toujours eu horreur des animaux)


Un écureuil gourmand s'est découvert des trésors de souplesse 
pour aller trouver la main qui lui proposait de la nourriture, 
à Minsk, en Biélorussie, le 21 octobre. 
(TATYANA ZENKOVICH/EPA/MAXPPP)


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(Bisous, bisous, me dit-il, et moi, bonne pomme,
j'accepte. Alors il me mord une partie du trapèze,
ce dingue!)



Deux culturistes s'enlacent à l'occasion des 
46èmes championnats de culturisme d'Asie,
 le 23 septembre en Chine.
(CHINA OUT AFP PHOTO)




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Jacques Damboise

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