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Pensées pour nous-mêmes:
(SI EN PARLANT TU T’ÉCOUTES,
LES AUTRES, EUX, NE LE NE FERONT PAS)
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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(51)
pcc Benoît Barvin
Happy Birthday
L’oncle me racontait, pour la centième fois, une de ses histoires où il avait le beau rôle, du temps où il habitait les colonies. Il s’arrêta net. Il resta fixé quelques secondes sur la place vide, entre une Matra des années soixante dix et une 4/4, une Lada je crois. Puis il ouvrit la bouche et se mit à jurer: "Bon Dieu ! On me l’a volée... On m’a volé ma bagnole... Ma Duesenberg Royalton ! "
Cette voiture était sa fierté. Le prix jouxtait les 30 mille euros et l’oncle était venu avec, six mois auparavant, dans notre ville moyenne. Inutile de dire que tous les habitants avaient défilé autour de la « merveille ».
Il s'agissait d'un cabriolet de 5,7 mètres de long, noir et blanc, avec un toit amovible, ce qui lui donnait l’allure d’un gigantesque squale qui aurait pris ses aises, après quelques affaires bien juteuses et bien sûr en marge de la loi. Une immense roue de secours était coincée contre le moteur, près de la porte du conducteur. Nous, ses deux neveux et sa nièce, nous pouvions nous amuser à rester sur le marchepied pendant que l’oncle faisait avancer son magnifique bolide à allure majestueuse dans les rues peu encombrées.
L’oncle avait d’ailleurs adopté un style de vieux richard revenu de tout. Il portait des costumes d’alpaga et des chaussures à bout rond. Il n’oubliait jamais de poser des pinces à l’endroit de ses jambes de pantalon et portait une casquette ressemblant à celles portées par les noceurs de la côte sud de la France.
Une moustache à l’anglaise rehaussait son côté vieux beau et, ma foi, en étant attentif, on pouvait remarquer le ballet incessant des regards admiratifs des jeunes dames de la ville sur son passage. L’oncle s’en allait souvent, le soir, pour faire quelques courses solitaires et il nous interdisait toujours de venir avec lui. Mon père sous-entendait souvent que ces virées avaient de très beaux yeux bleus, et ma mère, les lèvres pincées, lui rétorquait : « Pas devant les enfants ! De toute façon, tu ne sais pas ce que tu dis ! »
L’oncle nous aimait beaucoup. Mon père et lui étaient des frères, assez dissemblables d’ailleurs. Le premier ne dépensait son argent qu’avec parcimonie, le comptant et le recomptant sans cesse, cet argent venu de l’exploitation de la propriété. Il bougonnait quand ma mère lui demandait quelques billets pour s’acheter le « strict nécessaire ». Par désœuvrement Maman - à l’époque sa longue chevelure était d’un roux flamboyant et sa taille de guêpe faisait sa fierté - se laissait courtiser par l’oncle...
J’avais remarqué qu’il lui lançait des œillades et plutôt que de froncer les sourcils, ma mère lui renvoyait un sourire de connivence, ses joues se colorant alors d’une délicate rougeur. Je voyais la chose d’un très mauvais oeil. J’étais l’aîné et jaloux de tout mâle qui approchait trop près d'elle. Mon frère cadet, Joachim, était encore enfant; quant à ma soeur Joanna, elle ne s’intéressait qu’à ses poupées de chiffon.
L’oncle avait rapidement compris qu’il fallait faire de moi un allié fidèle, sous peine d’être constamment espionné. Il m’avait donc traité comme un « grand » et ses souvenirs, sa voiture, ses succès mêmes, m’impressionnaient favorablement. Même si je ne le lui avouais jamais. Je me méfiais cependant de sa trop grande assurance. Un soir il avait essayé de me mettre dans une confidence plus « pénible que les autres » avait-il confessé, mais j’avais prétexté une fatigue subite pour éviter d’être pris dans la nasse d’un secret trop lourd à porter.
Les jours coulaient avec insouciance. Nos vacances étaient joyeuses, surtout depuis la venue impromptue de l’oncle, que nous n’avions plus revu depuis cinq longues années. Mais, insensiblement, plus les jours de son départ approchaient, et plus l’humeur générale s’assombrissait.
Joachim fut surpris, dans le foin, à « faire quelque chose de sale » et il fut puni pendant deux jours. Joanna tomba malade et le docteur passa chaque matin vérifier l’évolution de son état. Mon père et ma mère, d’ordinaire diserts et très amoureux l’un de l’autre, commencèrent à se chamailler sans raison.
L’oncle, cependant, gardait le sourire. Mais je surpris d’étranges conciliabules entre lui et Maman et, un soir, alors que j’avais du mal à dormir et que je m’étais réfugié dans mon arbre favori, via la fenêtre de ma chambre près de laquelle une branche forte étendait sa ramure, j’entendis des murmures de voix. Je me penchai. C’était l’oncle et ma mère, tendrement enlacés, qui chuchotaient .
Je ne révélai pas ma cachette. Je me laissai aller à écouter leurs paroles qui m’arrivaient peu à peu par bribes. « ... Partir... Quitter tout le monde » disait l’oncle. « ... Impossible... Les enfants » lui répondait ma mère en sanglotant.
C’est le lendemain,jour de l'anniversaire de Maman, que la voiture de l’oncle fut volée.
- Ma Duesenberg, gémit encore ce dernier, ayant soudain perdu toute sa superbe... Qui a bien pu...?
Il me saisit le bras, me força à le regarder, alors qu’on s’attroupait autour de nous et il gronda, sourcils froncés :
- Tu n’as rien vu ? Tu étais là, dehors, pendant que j’achetais quelque chose pour ta mère... Tu étais chargé de surveiller la voiture ! Alors ?
Plus il parlait et plus la pression de ses doigts s’accentuait sur mon bras. Je ne dis rien mais me mis soudain à pleurer sous l’effet de la douleur.
- Allons, laissez-le ! Vous terrorisez cet enfant ! argumenta un marchand honorablement connu de la ville. Vous n’avez qu’à faire une déclaration de vol aux gendarmes. Ils vous la retrouveront votre bagnole... En tout cas, vous voilà prévenu ! On ne parade pas impunément dans les rues d’une petite ville avec une telle automobile !
- Qu’est-ce que vous voulez dire ? rétorqua l’oncle en me lâchant et en se retournant vers l’importun, les poings serrés.
Les deux hommes s’affrontèrent du regard mais c’est l’oncle qui céda le premier. Il haussa les épaules et, à grands pas, se dirigea vers la gendarmerie pendant que le marchand me faisait signe de le suivre en vue de m’offrir quelques bonbons bienvenus.
Cette journée, quand j’y repense, fut des plus curieuses. Dans le lointain, un orage grondait. On entendait, dans les montagnes voisines, tempêter le tonnerre et les zébrures des éclairs claquaient comme autant de coups de fouets.
C’est ce jour-là que ma soeur put se lever et nous sourit enfin, après une semaine de semi-coma. Ma mère tendit la main à mon père qui, avec une hésitation, l’accepta. Mais ils ne furent pas réunis par leur baiser coutumier.
A l’heure du repas, l’oncle téléphona, furieux, arguant que tous les gradés du monde étaient des imbéciles et qu’il était obligé de rester en ville afin d’accélérer les recherches. J’écoutais la conversation qu'il eut avec ma mère, grâce au combiné téléphonique du premier étage. Aux tremblements de sa voix, je compris que l’oncle n'était pas dans son assiette.
La famille - et simplement elle - fut réunie pour fêter l’anniversaire de Maman. Le cadeau de mon oncle lui fut offert, mais sans le mot doux que j’avais auparavant pris la précaution d’ôter. Ma mère reçut la statuette antique du Dieu Cupidon en rosissant et je m’empressai de dire que l’instigateur en était mon père.
Cette fois elle blêmit légèrement mais, se reprenant, elle demanda qu’on lui pardonne car, ces derniers temps, elle avait été un rien « souffrante ».
Dans l’après-midi, mon oncle téléphona de nouveau. C’est moi qui prit la communication. Non, ma mère n’était pas là, dis-je en souriant intérieurement. Mais mon père pouvait venir le chercher. L’oncle avait l’air ennuyé, comme vidé de sa force habituelle mais, finalement, il accepta.
Mon père et moi – j'avais tenu à l'accompagner - nous mîmes deux bonnes heures à faire l’aller et le retour de la propriété à la ville. Nous chargeâmes l’oncle à la sortie de la cité. Nous ne rencontrâmes personne. La voiture de mon père eut un étrange hoquet près de l’étang qui jouxtait la propriété. Mon père et l’oncle descendirent. Mon père tenait à la main une clef anglaise.
Pour mettre le corps de l’oncle dans le coffre, ce ne fut pas chose aisée. Manoeuvrer plus tard sur la berge nous prit un long moment, car le terrain boueux nous interdisait de prendre le moindre risque. J’étais tenaillé par la peur que ma mère nous surprenne, ce qui était invraisemblable, évidemment... Mon père suait sang et eau, les lèvres closes. Enfin, sortant le corps de l’oncle de sa cachette improvisée, nous lui attachâmes autour du cou une corde, lestée d’une lourde pierre. Papa s’avança sur le petit promontoire qui dominait l’étang, à cet endroit, en soutenant son frère, assommé et il poussa le corps inerte en avant.
L’oncle coula d’un seul bloc, comme aspiré par une quelconque monstrueuse gueule invisible.
Nous n’alertâmes les gendarmes que le lendemain soir. Le temps pour nous d’ôter à la Duesenberg - dissimulée dans un coin de la vieille grange, sous plusieurs balles de foin - les fauteuils de cuir fauve et de prendre les liasses entières de billets qui y étaient dissimulés. Il y avait également des extraits de journaux concernant un hold-up datant de quelques années et de la somme phénoménale qui avait été dérobée. Le journaliste précisait que les billets étaient non numérotés. On parlait également de plusieurs complices encerclés. Certains avaient été abattus, d’autres emprisonnés. Mais le cerveau de la bande était passé au travers des mailles du filet. Le dernier extrait relatait la fin misérable des deux derniers survivants, lors d’une tentative d’évasion ratée de la prison de Fresnes.
Les gendarmes nous interrogèrent sur les habitudes de l’oncle. Nous détaillâmes son genre de vie et, après ce récit édifiant, ils en conclurent que, ulcéré par le vol de sa voiture, l’oncle avait préféré s’en aller. Ne nous considérait-il pas tous comme des « pecnos », ainsi qu’il l’avait si élégamment asséné aux braves pandores. Mon père, la larme à l’œil, reconnut en sus que son frère avait toujours eu une vie « bizarre».
Le gradé serra la main de mon père avant de partir et assura qu’il ferait tout son possible pour retrouver la « vieille bagnole ».
Plusieurs jours plus tard nous reçûmes une lettre de l’oncle, postée de Buenos-Aires.
- N’est-ce pas la ville dans laquelle tu as ton vieil ami avocat ? demanda ma mère à mon père, qui lui tendait le mot.
- Cela fait longtemps qu’il a déménagé, répondit-il.
Ma mère lut la lettre, la posa sur la table et regarda mon père, les yeux plein de larmes.
- C’était la seule solution, je suppose...
Mon père lui ouvrit les bras. Un bonheur sans nuage m’envahit. Tout était comme avant. Joanna babillait dans sa chambre. Joachim, lui, avait dû retourner dans la paille pour vérifier l’intégrité de son anatomie. Cette fois, je me promis de ne plus jouer les rapporteurs...
Je sortis dans la cour, jetai un œil en direction de la vieille grange où reposait la Royalton que mon père m’avait donnée comme jouet et je me dirigeai vers la vieille bâtisse, l'esprit tranquille.
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"Hé, toi le voyeur!
A la queue, comme tout le monde!"
(tutshieから)
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(L'étoile des neiges, engluée dans le sable,
n'en avait plus pour très longtemps)
starfish
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(Le chat de ma Belle-Mère lui ressemblait
comme deux gouttes d'eau:
en plus aimable)
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"Hmmm...
- Qu'ess'tu dis...
AAAAAHHHH!!!"
(出典: corpsie (go-bananas-70sから)
(Cette intarissable bavarde venait de perdre
une occasion de se taire)
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Jacques Damboise (dit Jacquot le mauvais esprit)
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