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Pensées pour nous-mêmes:
(POUR DEVENIR LE SAGE,
SOIS D'ABORD TOI-MÊME)
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(POUR DEVENIR LE SAGE,
SOIS D'ABORD TOI-MÊME)
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COURTS RÉCITS AU LONG COURS (88/8)
pcc Benoît Barvin
Tom Drake, agent du FBI, enquête, dans les années 30, sur l'explosion criminelle qui a détruit le "Blue Circle", une boîte de nuit où les seuls victimes sont les danseuses elles-mêmes. Parmi elles une certaine Doris, avec laquelle sortait son collègue, Peter Duncan. Doris... qui n'était autre que sa demi-soeur. Lorsque les deux tourtereaux l'ont su, l'une s'est suicidée, l'autre a tenté d'étouffer le scandale en donnant de l'argent à un mystérieux corbeau... Mais, d'après Eliot Ness, patron de Drake, les choses sont plus complexes...
8
L’homme nous avait reçus en affichant une certaine surprise. Comme Ness et moi, il vivait seul. Mais là s’arrêtait la ressemblance. Car il résidait dans un ancien hôtel particulier et c’est un majordome à l’ancienne qui nous avait ouvert.
- Vous prendrez bien un verre ? proposa le procureur Davidson en nous priant de nous asseoir.
Nous acceptâmes. J’étais nerveux. Je sentais que les choses, là aussi, allaient se précipiter et je tâtai, discrètement, la bosse que faisait mon arme, dans son holster.
- Que me vaut le plaisir de votre visite ? s’enquit le procureur.
Il arborait un costume trois-pièces, comme s’il s’apprêtait à présider une quelconque réunion électorale.
- Je venais vous parler de la mort de mon agent, Peter Duncan.
- Triste histoire, fit Davidson en examinant le contenu de son verre comme s’il le voyait pour la première fois. Un rien sordide… Même si ce n’est pas la faute de votre agent, cette relation contre nature, tout de même…
Je percevais une indubitable ironie dans ces propos. Je ne connaissais le procureur que par ouï-dire. Ses décisions étaient toujours sévères et l’on disait qu’il n’attendait qu’un faux pas de Capone pour, enfin, couper définitivement la tête de l’hydre mafieuse. A part ça, il n’attirait guère la sympathie en raison de jugements à l’emporte-pièce venus d’une rigueur morale qui le faisait surnommer « le père la pudeur ». Une animosité sous-jacente régnait dans la pièce. Indubitablement, le procureur et le patron ne s’aimaient pas.
- Cette relation… contre-nature, comme vous dites Monsieur le procureur, Duncan et Doris n’en auraient jamais eu connaissance, si quelqu’un ne leur avait pas envoyé une lettre anonyme qui vendait le morceau.
Davidson haussa les sourcils et posa précautionneusement son verre sur la petite table en verre autour de laquelle nous nous trouvions.
- Tiens, donc ! Première nouvelle.
- Tom Drake, ici présent, a suivi Duncan qui se rendait à un rendez-vous avec son informateur. Ou plutôt, avec son maître-chanteur… Puisque Tom a constaté que son malheureux collègue trimbalait avec lui une valise pleine de beaux billets. Certainement pour acheter le silence de l’individu.
Le procureur sursauta à peine mais le sourire qui lui servait de passeport se figea. Il ne regarda pourtant pas dans ma direction en demandant.
- Des billets ? Tiens donc ? Et où les avait-il pris ? Car je suppose que ce n’est pas avec sa maigre solde que votre agent a pu faire taire… l’autre homme.
- C’est tout à fait exact, approuva Ness.
Il se pencha en avant et fixa son interlocuteur droit dans les yeux. Quand il faisait ça, il était difficile de résister à son regard hypnotique. Cependant Davidson ne se démonta pas. Seul un tic nerveux fit tressaillir sa pommette droite.
- L’argent a été prélevé dans le coffre-fort du « Blue Circle », susurra Ness Une belle somme provenant à la fois des recettes « normales » et d’autres, un peu moins avouables.
- Issues du trafic avec la Mafia, c’est ça ?
- Exactement Monsieur le procureur, approuva le patron. Car le «Blue Circle», comme beaucoup d’autres boîtes, trempe dans différents trafics. Pour cet établissement, il s’agit de traite des blanches. On fait transiter des filles par la piste de danse avant de les envoyer un peu partout dans les grandes villes du pays. Des filles qui n’ont généralement aucun parent…
Le procureur reprit son verre et se leva. Il fit quelques pas dans la pièce, suivi par notre double regard. Près de la grande fenêtre aux lourds rideaux donnant sur le parc, il s’arrêta et, sans se retourner, demanda.
- Et vous avez une idée de l’identité du maître-chanteur ?
- Plus qu’une idée, Monsieur le Procureur. Tom a distingué les traits de l’homme alors qu’il s’emparait de la valise tendue par Duncan. Il vous a reconnu…
Davidson et moi nous sursautâmes en même temps. Le procureur pivota et foudroya Ness du regard.
- Pardon ? Ai-je bien entendu ?
- Je dis que vous êtes le mystérieux corbeau qui a poussé la pauvre Doris au suicide et qui est responsable de la mort de mon agent. C’est vous qui lui avez écrit, exigeant qu’il s’empare de l’argent que contenait le coffre-fort du « Blue Circle ». Autrement vous le dénonceriez... Duncan n’a pas poussé la réflexion très loin. Sur les suppliques de sa demi-sœur, il a fait ce que vous demandiez. C’est lorsqu’il a eu connaissance de l’attentat qui a fait un si beau carnage qu’il a pris peur. Il savait à présent que sa vie, mais surtout celle de Doris, était en jeu. Bien qu’ayant accepté de vous rencontrer, il a laissé derrière lui une confession que j’ai reçue au courrier, ce matin. Il y explique tous les tenants et les aboutissants de l’affaire. Ses aveux, joints à un calepin trouvé chez lui, écrit de la main de sa demi-sœur, sont largement suffisants pour vous impliquer, Monsieur le Procureur.
L’homme réagit dans la seconde qui suivit. Il fit un geste rapide en direction de sa poche intérieure. De concert je sortis mon arme et, sans viser, tirai deux fois dans sa direction. L’homme s’effondra aussitôt, telle une poupée de chiffons. Ness se précipita, fouilla dans le costume du procureur, en sortit une arme qu’il plaça dans la main droite de Davidson.
- Pourquoi faites-vous ça, patron ? demandai-je en m’approchant, encore éberlué par la soudaineté des évènements.
Je ne réalisai pas vraiment ce qui s’était passé. Puis, en regardant les yeux aussi fixes que des billes du procureur, je compris qu’il avait cessé de vivre.
- Je fais ça pour appuyer la thèse selon laquelle vous avez tiré en légitime défense.
Je m’accroupis près du mort. Ness l’observait, le visage impassible.
- Je n’ai jamais vu le visage du maître-chanteur, vous le savez, n’est-ce pas ? glissai-je, alors qu’on entendait des bruits de pas précipités dans l’escalier. Certainement ceux du majordome.
- Je ne l’ignore pas. Mais il fallait forcer un peu le trait pour obtenir une réaction... satisfaisante.
Eliot Ness leva son visage. Ses yeux brillaient d’une lueur féroce. Quand il me parla, sa voix était froide et déterminée. Elle me fit froid dans le dos. C’est à cet instant que je réalisai combien les années à venir allaient être plombées.
- Je fais mon boulot le mieux possible, Tom. Face à des salauds de cette espèce, tous les coups sont permis. Ce type-là, sous couvert de lutter contre le crime, a soudain perdu les pédales. Il a utilisé une histoire somme toute banale pour son profit personnel. Tout cela me débecte. Maintenant, le procureur Davidson ne polluera plus la société.
Je ruminai quelques instants sur ce qui venait d’être dit, pas certain d’approuver le fond de la pensée de Ness.
- Ce n’est quand même pas lui qui a fomenté cet attentat contre le « Blue Circle » ?
- Bien sûr que non. Ce sont des gens à Capone qui, se rendant compte que le coffre-fort avait été pillé, se sont affolés. On le sait par Dogson, le patron de la boîte, qui a fini par manger le morceau. En l’absence de leur chef, lui et quelques complices ont échafaudé un plan catastrophique… et stupide. En fait, leur bombe ne devait détruire le bâtiment qu’une fois tout le personnel parti se coucher… C’est un travail d’amateur. De peigne-cul !
Ness n’ajouta plus rien ce jour-là. Il avait bien trop à faire avec le commissaire divisionnaire, la presse et le Ministère de la justice. Il m’envoya me reposer, ce que je fis avec empressement. La manière dont les choses s’étaient déroulées me dépassait. « La fin justifie les moyens », dit le dicton populaire. Un dicton que Ness semblait avoir fait sien. Il m’avait manipulé lors de cette confrontation. Je lui en voulais confusément. « C’était pour la bonne cause », m’expliquerait-il plus tard, sans pour autant me convaincre.
Lors de mon retour chez moi, dans un froid polaire, je me dis que cette première enquête m’avait révélé bien des choses sur la nature humaine.
La plus évidente étant qu’on ne fait jamais d’omelette sans casser des œufs. La seconde, c’est que j’étais embringué, bien malgré moi, dans un sac de nœuds peu ragoûtant. La seule chose à faire, c’était d’oublier cette histoire. Ou bien de tenter de le faire. Pas sûr que j’y arrive un jour…
Au lieu d’aller me pieuter, j’entrai dans le premier troquet ouvert et, malgré l’interdiction, je commandai un verre de schnaps. On me le servit sans difficulté.
Ce fut le premier d’une longue série, ce matin-là, alors qu’une neige sale et collante noyait peu à peu la ville…
FIN
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"Tu crois qu'on va plaire?
- Moi, oui. Toi, c'est moins sûr..."
Sid Kaplan, a master black-and-white printer and photographer
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(Avant de faire exploser ses poupées,
Astrid les photographiait soigneusement)
Dorothy prepares to squeeze a bulb shutter while photographing her dolly
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(Air chanté:
- Aaahhhh... As-tu vuuuu mon beau chapeauauauauau?
- Tu eeeeeeessss Ridicuuuule, tu saiiiiiissss...")
Sid Kaplan, a master black-and-white printer and photographer
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(Le tueur de chapeaux exposant sa macabre collection)
Hat weaver in Tunis, 1920s
Lehnert & Landrock
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Jacques Damboise
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