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Pensées pour nous-mêmes:
(MÊME COURBÉ,
TIENS-TOI TOUJOURS DROIT)
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COURTS RÉCITS AU LONG COURS (83)
pcc Benoît Barvin
from The Fairies and The Christmas Child,
illustrated by Willy Pogany
Van(5)
Il s'agissait d'un van miniature, aux parois vivement colorées, un van Volkswagen, si j'en croyais l'inscription faite en rond de bosse sur le châssis A part quelques "pétouilles" ici ou là, la miniature était en bon état - les roues semblaient neuves, par exemple. Il n'y avait que la porte latérale qui paraissait bloquée, mais je ne doutais pas d'arriver à l'ouvrir en la faisant glisser délicatement.
Je ramenai ma trouvaille chez moi, la dissimulant dans mon sac à dos et je la rangeai religieusement dans le meuble prévu à cet effet, au-milieu de mes autres modèles réduits, exclusivement des véhicules des années 60/70. J'avais la nostalgie de cette époque où mes parents s'étaient rencontrés, où ils s'étaient aimés, où ils m'avaient eu et où nous étions heureux... Ce qui n'était plus le cas quinze ans plus tard: ils étaient à présent divorcés et ma mère, qui m'avait à sa charge, passait d'un type à l'autre en buvant sec.
Je m'étais réfugié peu à peu dans un rêve d'enfant. J'allais donc sur mes seize ans, le sexe - hélas - me taraudait, mais j'avais décidé de ne pas y céder. Pour ce que ça avait rapporté à mes parents! Je restais donc calfeutré dans mon enfance et dans ma chambre où, après avoir soigneusement fait mes devoirs, je m'occupais de ma collection.
Celle-ci, comme je l'ai dit, ne comportait que des véhicules de ces années heureuses, il y en avait une bonne cinquantaine. J'avais, certes, des voitures américaines, des allemandes, deux bolides de course, mais j'étais plus enclin à collectionner les véhicules utilitaires, notamment des vans de toutes nationalités. C'était pour moi l'image même du bonheur, une image miniaturisée, certes, mais très "vraie"...
C'est le soir-même que je m'occupai de mon nouvel achat. Je l'observais sous toutes les coutures, trouvant ça et là quelques autres menus problèmes - essentiellement des éclats de peinture. Cela ne me dérangeait pas, j'étais passé maître dans la restauration de mes véhicules. Ce qui m'embêtait le plus, c'était la porte latérale qui, malgré mes efforts, refusait de s'ouvrir. Je ne voulais pas forcer de manière inconséquente pour ne pas abîmer le van. J'allai donc me coucher en me promettant d'étudier le problème afin d'y trouver une solution.
Pendant la nuit, je fus réveillé pour un besoin naturel. Alors que je me levai, j'aperçus une forme, près du van, qui semblait vivante. J'allumai la lampe donnant sur le meuble. Il y avait une espèce de fourmi près du véhicule dont la porte latérale était ouverte, je le remarquai tout de suite. Une fourmi qui, surprise par la puissance de la lampe, restait pétrifiée, de sorte que j'eus le temps de la détailler: Il s'agissait, certes, d'un insecte banal, d'un noir de jais avec ses antennes frémissantes, ses yeux en forme de lentilles, ses mandibules menaçantes et ses six pattes... Sauf qu'elle se tenait sur deux pattes, à la manière d'un humain et qu'elle portait une robe.
J'ai toujours eu pour habitude de réagir dans la seconde. La fourmi étant tétanisée, j'avais la possibilité de l'écraser de toute la force de ma haine - j'ai en horreur les insectes. Quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsque je l'entendis me parler... "S'il te plaît! Ne me fais pas de mal! Je ne suis pas un banal insecte... Regarde". Et, devant mes yeux écarquillés, je vis distinctement la fourmi se débarrasser de sa carapace, dévoilant la silhouette adorable d'une jeune fille. Nue.
Je rougis, détournai la tête, très gêné, mais l'être n'en profita pas pour s'enfuir - ni se rhabiller, d'ailleurs. Elle continua à parler, en approchant de mon visage qui était penché sur la rangée où j'avais placé le van. "Je m'appelle N'Gamma, dit-elle, d'une voix que je trouvai mélodieuse. Je viens du centre de la Terre. J'appartiens à une tribu de liliputiens - les Blefuscus - qui viennent régulièrement s’approvisionner à la surface de la planète. Mais comme notre apparence pourrait susciter des interrogations - et puis, nous connaissons trop bien l'esprit curieux de vos savants, hein... - nous préférons nous déguiser de la sorte et apparaître sous la forme anodine de fourmis. Tu as d'autres questions?"
Je n'en avais aucune. N'Gamma avait répondu à toutes celles que j'aurais pu lui poser. Comme s'il s'agissait d'un discours qu'elle avait maintes fois articulé. J'avoue que sa nudité néantisait toutes mes interrogations. La jeune femme dut le comprendre car, en un tour de mains, elle se revêtit de sa carapace, mais en laissant son visage nu.
Nous échangeâmes des informations une bonne partie de la nuit. Elle m'apprit beaucoup de choses sur son peuple: ses façons de vivre, de manger, de se déplacer, de pratiquer l'art et les différents sports qu'ils aimaient. En fait, je n'avais nul besoin de parler. Il suffisait que je pense et N'Gamma, qui lisait dans ma tête, me répondait aussitôt.
Ces conversations se poursuivirent plusieurs nuits de suite. La jeune Blefuscusienne me plaisait de plus en plus. J'attendais le moment de son apparition avec fièvre, observant le van et la porte latérale qui, soudain, glissait et dévoilait son impeccable silhouette. L'engin était la "porte" m'avait-elle expliqué qui permettait l'accès entre nos deux mondes. A chaque fois N'Gamma portait une tenue différente qui, au bout d'un moment, laissait toujours un sein jaillir, ou une cuisse apparaître, de sorte que ce qui devait arriver arriva: un soir, elle se percha dans le creux de ma main et nous nous embrassâmes...
J'en fus si bouleversé que, lorsqu'elle disparut dans le van, je mis du temps à m'endormir. Je sentais encore le contact épidermique sur mes lèvres qui... mes lèvres que... Je m'aperçus que peu à peu ma bouche s'insensibilisait. Je voulus lever le bras... celui-ci resta immobile, aussi lourd que du plomb. Je m'entendis pousser un cri qui resta dans ma gorge...
Là-bas, exactement dans mon champ de vision, la portière du van venait de glisser. Une fourmi, puis un autre, suivie de beaucoup d'autres encore, sortaient du véhicule et, avec célérité, descendaient le long du cordon de la lampe jusque sur le plancher. De là elles se dirigèrent vers mon lit, grimpèrent via la couverture qui traînait par terre... Une horde d'insectes s'affairait autour de moi, maintenant, me liant à l'aide de fils solides qui sourdaient de leur gueule aux mandibules menaçantes.
Et puis apparut M'Gamma. Elle se hissa jusqu'à mon poitrail, toujours aussi diaboliquement belle. Elle me sourit et je sentis mon coeur fondre. "Cher amour, dit-elle, j'aurais tellement préféré que tu ne cède pas à mes avances... Mais les hommes sont faibles. Tous tant qu'ils sont, même les plus jeunes... Tu sais ce qui va t'arriver, n'est-ce pas?". Je n'avais pas besoin d'utiliser mes cordes vocales, de toute façon inutilisables depuis que le poison qu'elle m'avait instillé faisait son office.
"Oui, pensai-je. Oui, je sais. Je ne te demande qu'une chose, N'Gamma. " "Laquelle?". "S'il te plaît, sois la première à planter tes mandibules dans ma jugulaire...". "Avec plaisir, cher amour" fut sa réponse.
Et j'attendis, frémissant, cette nouvelle et cette fois mortelle étreinte...
(Il lui affirma qu'avec lui la vie ne serait pas ostentatoire
mais elle ne fut pas convaincue)
Coby Whitmore
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(Elle avait arrêté ce taxi mais hésitait sur la destination
et le chauffeur, bonne pâte, attendait patiemment,
en fumant une cigarette)
Coby Whitmore
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(La blague lui fit tellement peur qu'elle s'en alla immédiatement,
furieuse, et qu'il passa le reste de la nuit à se
reprocher ses blagues idiotes)
“Bunny Fun” by Bill Randall, c. 1950s.
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("Hou, hou, Barbichou! Où te caches-tu?" fit la jeune femme
en riant alors que, derrière une tenture, exaspéré, Barbe Bleue
affûtait son coutelas)
Good morning you sexy thing you!
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Blanche Baptiste
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