Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

vendredi 6 février 2015

"Ce ouistiti prétendait avoir une faim de loup". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LA FIN DU VOYAGE N'EST QU'UN 
ÉTERNEL RECOMMENCEMENT)

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"Là... Lààà.... C'est un bon chien chien
à son maimaitre, hein?
- Wouf!"



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vernisdeconduire.com

AdBlock, comment le chevalier blanc
est devenu rançonneur

Andréa Fradin | Journaliste
   (...) Ce 1er février, le Financial Times est venu confirmer la rumeur qui n’en était plus vraiment une : oui, de grandes firmes américaines paient pour ne pas voir leur publicité filtrée par Adblock (ou plus précisément, Adblock Plus).

   Les boss d’Eyeo, du nom de la boîte allemande qui édite Adblock, ne s’en cachent d’ailleurs plus depuis un moment. Fin 2013, Till Faida confiait même dans une tribune sur Rue89: «Nous facturons à quelques grandes entités, dont les publicités sont conformes à nos normes, le fait de les placer dans notre liste blanche – nous devons nous-mêmes générer des revenus pour maintenir un produit si sophistiqué. » (...)

  (...)  La nouveauté ici, c’est qu’on en sait un peu plus sur les détails de cette transaction. Concrètement, des acteurs comme Google, Amazon, Microsoft et d’autres mettent la main à la poche pour que leurs pubs ne soient pas stoppées par les filets d’Adblock, qui revendiquaient 200 millions de téléchargements en avril 2013.

   Le tout, et c’est là que ça devient intéressant, pour un montant assez alléchant. Le Financial Times écrit en effet : « Une entreprise du numérique, qui a demandé à ne pas être nommée, a affirmé qu’Eyeo avait demandé une rémunération équivalente à 30% des revenus publicitaires additionnels qu’elle réaliserait en étant débloquée. »

   Quand on sait que le marché de la publicité en ligne est estimée à 120 milliards de dollars, pour reprendre les chiffres avancés par le FT, on se dit que 30%, c’est pas mal du tout. Surtout pour une entreprise qui comptait 33 employés en décembre dernier.

   A la même date, Frédéric Filloux, toujours bien informé, avançait de son côté : « Selon certains sites allemands, Eyeo aurait arraché 30 millions de dollars aux gros acteurs de l’Internet. »

   Des millions de dollars dans la poche d’un service que le fondateur présentait en ces termes en 2013 : « En fin de compte, nous sommes engagés dans un combat pour sauver l’âme d’Internet face à une industrie qui génère des milliards de dollars. »

   Il y a comme un bug. Pas sûr que dans l’opération, l’image d’Adblock en sorte indemne.(...)

   Un peu à l’instar d’un Google, quoiqu’à une échelle moindre, Adblock et son éditeur Eyeo tentent aujourd’hui de jouer sur deux tableaux : se présenter d’un côté comme porte-étendards des internautes, voire carrément d’un Internet idéalisé, pour se rendre, de l’autre, indispensable sur un marché très lucratif.

   Encore une fois, il suffit de lire la tribune de l’un des fondateurs du service pour s’en convaincre : Adblock y est présenté comme quelque chose de pratique, presque d’intérêt public, qui redonne du pouvoir aux individus sur Internet en bannissant les vilaines publicités qui entravent la navigation.

   Qui peut s’opposer à ça ? Personne – publicitaires mis à part. Même les plus critiques avouent utiliser le service tant la réclame est devenue invasive en ligne. Vidéos qui se lancent toutes seules sans pouvoir être stoppées, fenêtres qui s’ouvrent de partout, habillages de site qui piquent les yeux... Comme le dit Frédéric Filloux, qui accuse pourtant le modèle économique d’Eyeo de flirter avec le « racket » : « J’utilise AdBlock Plus quotidiennement. Je n’en suis pas particulièrement fier, et ne le fais pas par militantisme anti-publicité, j’utilise le blocage de publicités pour des raisons pratiques et non idéologiques. »

   Parallèlement à sa fonction de paravent publicitaire, Eyeo a peaufiné son image de chevalier de la vie privée et de la transparence, en proposant en juin dernier une fonction empêchant Facebook et d’autre de piocher dans l’historique de navigation d’un internaute dans le but de peaufiner les pubs qui lui sont destinés.

   (...) Un peu plus tôt, c’est la fonctionnalité pratique mais très invasive qui permet de voir quand un interlocuteur lit un message sur Facebook qui était visé par le système Adblock. Une fois encore, irréprochable.

   Là où le vernis se craquelle, c’est quand on voit les clients qu’Eyeo accepte, contre monnaie sonnante et trébuchante, de sortir de son dispositif de blocage. L’exemple le plus frappant est celui de Taboola, cité, aux côtés des géants du Net habituels, dans l’article du Financial Times. Le nom ne vous dit peut-être rien mais vous avez probablement déjà croisé sans le savoir ce service.

   Comme le racontait Slate il y a quelques mois, Taboola est l’une des sociétés responsables des contenus bizarres, aux titres racoleurs, qui s’affichent parfois au bas des articles publiés sur les sites d’information. Ces contenus n’ont rien à voir avec la rédaction de ces sites. Il s’agit de publicités. Le problème c’est que l’affichage de ces publicités est souvent trompeur : elles s’intègrent parfaitement aux sites d’informations et les lecteurs les confondent souvent avec des articles de la rédaction. (...)

   (...) Sur les forums dédiés aux services, les utilisateurs d’Adblock n’ont d’ailleurs pas manqué de relever ce grand écart : « Taboola est par défaut sur la LISTE BLANCHE d’Adbock désormais ? C’est littéralement insensé. Je comprends mieux maintenant pourquoi j’arrête pas de revoir ces bêtises. Je vais désactiver toutes les publicités sur la liste blanche désormais et conseiller mes amis d’en faire de même. C’est une espèce de mauvaise blague d’Adblock. »

   « J’espère que vous êtes grassement payé pour ça, parce que ça va vous coûter énormément de crédibilité, et j’ai mis [la fonction] “Permettre certaines publicités non intrusives sur NON.”(...)

   (...) Finalement plus si déterminé à combattre la publicité, et à sauver l’âme d’Internet, Adblock et Eyeo risquent non seulement de perdre leur crédibilité auprès des internautes mais aussi de remonter encore davantage les éditeurs de presse contre eux.

   Engagés depuis des mois contre les bloqueurs de pub, certains sites, notamment d’informations, vivant presque exclusivement des revenus de la pub, vont voir d’un très mauvais œil la place d’intermédiaire rémunéré que s’est creusée Eyeo sur le marché de la publicité. Pour rappel, c’est ce qu’une partie d’entre eux a longtemps reproché à Google, avant d’obtenir, en France, l’instauration d’un fonds d’aide à l’innovation financé par le géant.

   En décembre, Les Echos annonçaient“Une plainte devrait être déposée dans les prochains jours par les éditeurs et annonceurs français contre ces logiciels qui permettent de cacher la publicité sur Internet, ou contre Adblock Plus, le leader du marché.”

   Si les sites allemands ont déjà franchi le pas, rien n’a été encore fait de ce côté-ci du Rhin. Contacté, le Geste, qui représente des éditeurs, nous confirme qu’aucune action judiciaire n’a été entamée.

   En revanche, l’institution réfléchit à des solutions : pas plus tard que le 16 janvier, elle passait en revue différentes formules permettant aux sites de contourner Adblock. Parmi les solutions : l’ubuesque blocage du bloqueur de pubs (à quand un bloqueur de bloqueur de bloqueur de pubs ?) ou la création d’un abonnement mensuel pour les lecteurs souhaitant se passer de pubs.


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Luc Desle

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