Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

vendredi 30 novembre 2012

"Ce livre Saint pensait trop aux mamelles". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LE JUSTE N'EST PAS
FORCEMENT LE BIEN)

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(Jeune gorille très mal élevé. 
Petits n'enfants, ne prenez pas exemple 
sur ce méchant polisson!)

A young mountain gorilla (Gorilla beringei) 
enjoys the comfort of resting in its mother’s arms 
in the remote Virunga Mountains of Rwanda

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"Que Dieu bénisse cette jolie dinde qui...
- Révérend! C'est de moi que vous parlez?
- Hein? Meuh non..."


frenchiesinlex.wordpress.com

Obama, Thanksgiving 
et la peine de mort

Daniel Salvatore Schiffer 
22/11/2012

   (...) Quel grand humaniste, ce Barack Obama ! Il s'apprête en effet, son large sourire aux lèvres et sa charmante petite famille à ses côtés, à gracier deux dindes, qui viennent d'être acheminées sous escorte policière dans le luxueux hôtel W de Washington, comme il le fait chaque année, depuis son élection à la présidence des États-Unisd'Amérique. L'événement aura lieu tout à l'heure, lors d'une très officielle cérémonie, comme tous les quatrièmes jeudis du mois de novembre, à l'occasion de Thanksgiving : fête traditionnelle depuis 1671, époque des guerres amérindiennes. C'est à cette célébration populaire que remonte le premier grand repas historique que les colons anglo-saxons du Nouveau Monde concoctèrent pour remercier Dieu - d'où le nom de "thanksgiving", signifiant "actions de grâce" - de leur avoir octroyé une victoire aussi providentielle qu'inespérée (de leur point de vue) sur les indigènes. En d'autres termes, les Indiens.(...)

(...) D'où notre perplexité : étrange, donc, que ce président, Prix Nobel de la paix et dont les ancêtres furent des esclaves, se prête d'aussi bonne grâce (c'est le cas de le dire) à la commémoration de ce qui s'avéra ainsi là, via cette sanguinaire guerre de conquêtes territoriales, le prélude au premier génocide - la quasi-extermination des Indiens d'Amérique, précisément et, plus tard, leur abjecte concentration en d'infâmes réserves dites "naturelles" - de l'histoire moderne !

   Mais passons : il est vrai qu'Obama, qui n'aura strictement rien fait jusqu'ici pour mériter les honneurs de l'Académie d'Oslo, hormis quelques beaux discours théoriques (c'est plutôt le prix Nobel de littérature, censé récompenser phrases et mots, qu'il aurait alors fallu lui attribuer), n'en est plus à une contradiction ni à une baliverne près. Que la nation que ce bavard préside depuis maintenant près de cinq ans - et que l'on dit par ailleurs être (sans rire) la plus grande démocratie du monde - occupe la troisième place du podium en matière de peine capitale, juste derrière l'Iran et la Chine, mais avant même les dictatures religieuses pratiquant la charia (l'Arabie saoudite, le Bahreïn, le Qatar, la Somalie...), ne semble pas trop le déranger. Pas un seul petit mot, en effet, n'a jamais été prononcé par son illustre personne, pourtant friande donc de belles paroles, à l'égard des condamnés à mort de son pays, où la Californie vient par ailleurs de rejeter, à une écrasante majorité, l'abrogation de la peine de mort.(...)

   (...) Pensez : 218 exécutions par injonction létale (l'un des pires supplices qui soit) ont déjà été effectuées depuis que Barack Obama a été élu président des États-Unis, en 2008, sans que celui-ci trouve à redire, du moins publiquement, ni même bronche ! À ceux qui voudraient le détail des chiffres, en ce macabre décompte d'assassinats légalisés (il est vrai très "high-tech" malgré parfois leurs très cruels "ratés" pour les plus inexpérimentés de ces bourreaux) dans les pénitenciers yankees, le voici donc : 37 en 2008 ; 52 en 2009 ; 46 en 2010 ; 43 en 2011 ; 40 pour l'instant en 2012. Une bonne et très stable moyenne, apte à satisfaire ces tortionnaires en col blanc et cravate "regimental" qui ne jurent que par la Bible : "In God we trust", assure même, dans un bel encadré sur fond de billet vert, le sacré dollar ! (...)

Lire l'article:


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(Moutons extraterrestres tentant d'envahir la Terre,
de nuit, évidemment...)


(Source: pqfigurine)

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(Jolie forêt ne servant qu'à faire courir les joggeuses sexys)


« Donner un prix à la nature, 
c’est dire que les forêts 
ont plus de valeur mortes que vivantes »
Alice Médigue auteur du livre 
« Temps de vivre, lien social et vie locale ».

   (...) Depuis le milieu des années 2000, émerge un véritable marché de la biodiversité, sur le modèle du marché carbone, grâce notamment aux institutions internationales. En 2008, les ministères de l’environnement du G8 ont ainsi commandé au banquier de la Deutsche Bank, Pavan Sukhdev, un Rapport sur « l’économie des écosystèmes et de la biodiversité ». Ce rapport a stimulé le lancement en octobre 2010 du partenariat piloté par la Banque mondiale baptisé «WAVES», qui vise à « promouvoir le développement durable en garantissant l’intégration de la valeur des ressources naturelles dans les comptabilités nationales utilisées pour mesurer et planifier la croissance économique (wouah!)».

   Ces démarches visent à donner un prix à ce qui de la valeur (déterminée par?). Achim Steiner, directeur exécutif du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement) résume ainsi : « s’il se trouve, dans votre économie, quelque chose que vous ne valorisez pas, cette chose n’a aucune valeur par essence ». Pour mettre un terme à ce « vide de valeur » qui affecte les ressources naturelles, l’ONU a commandé en 2005 une « évaluation des écosystèmes », qui recense quatre principaux types de services découlant des écosystèmes, appelés « services écologiques » :

les services d’approvisionnement (comme la fourniture de bois, d’eau ou de ressources halieutiques)
les services de régulation (du climat, maîtrise des crues…)
les services culturels (usages récréatifs, valeurs spirituelles des paysages…)
les services de soutien, prodigués par les grands cycles naturels dont dépendent les trois autres, comme le cycle des nutriments ou la photosynthèse.(...)(...) Ces services concernent directement ce que la nature, par essence, prodigue aux êtres vivants pour leur survie, comme l’eau, l’air, la possibilité de vivre dans des conditions géophysiques tenables (pluie suffisante, qualité de l’air, fertilité du sol..), autant d’éléments que les régimes démocratiques considèrent comme relevant du Bien commun.

   Le sommet de Rio de juin 2012 a ensuite consacré les principes d’une «économie verte» qui encourage la financiarisation de ces biens communs naturels. Élément de contexte inquiétant : le document officiel issu des négociations de Rio+20 a été préparé en amont par un partenariat réunissant l’ONU, la Chambre internationale du commerce et de l’industrie, et le Conseil mondial des affaires pour le développement durable (WBCSD en anglais)- qui regroupe les plus grandes multinationales, dont General Motors, DuPont, Coca-Cola et Shell.(...)

   (...) Selon ce même WBCSD, le marché de la compensation de la biodiversité, voué à une croissance rapide, vaut minimum 3 milliards de dollars (miam!). Une nouvelle profession est d’ailleurs née avec les« gestionnaires de certificats commerciaux de préservation », les nouveaux traders de la biodiversité. Pour faciliter la tâche des marchés financiers, plusieurs pays sont en train de créer les bases légales du PSE (« paiement pour services écologiques »), tandis que l’ONU montre l’exemple par l’adoption récente d’un Système de comptabilité économique et environnementale (SCEE).(...)
Lire la suite, passionnante, sur:

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Benoît Barvin (avec Jacques Damboise dit le polisson)

jeudi 29 novembre 2012

"Le Chat Botté, ses bottes il les gardait à la plage naturiste, ce qui faisait jaser". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

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pensées pour nous-mêmes:

( N'IMITE PERSONNE D'AUTRE
QUE TOI-MÊME)
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(Madame D..., Maîtresse des élégances,
faisant de la retape pour Notre-Dame-Des- Landes,
une future cathédrale, à ce qu'elle avait compris)


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(Ce nouvel aéroport était écologique...
et très silencieux)

Les mauvais arguments 
de Bruno Le Roux

   Bruno Le Roux, chef de file des députés socialistes, était l'invité de l'émission "Tous politiques" sur France Inter. Comme chaque semaine, les Décodeurs reviennent sur les déclarations de l'invité(e) de l'émission dont Le Monde est partenaire.

Notre-Dame-des-Landes, 'une infrastructure qui va profiter à l’environnement'

   - Ce qu'il a dit : Notre-Dame-des-Landes “c'est une infrastructure de transport, au bénéfice de la France, au bénéfice de la région, au bénéfice des habitants, qui va d'ailleurs profiter aussi à l'environnement, et je peux avoir le débat aussi sur l'environnement avec ceux qui le souhaitent”.

   Pourquoi c’est un argument douteux : Bruno Le Roux défend la décision gouvernementale de construire le fameux aéroport de Notre-dame-des-Landes, malgré la forte opposition des écologistes. Et pour ce faire, il va loin dans ses arguments, en expliquant que cette construction va “profiter aussi à l’environnement”.

   Sans revenir sur l'interminable génèse de ce projet controversé, ni sur les débats enflammés entre pro et anti-aéroport, on peut se reporter à la plaquette descriptive de la future construction, qui évoque la question.

   Elle avance plusieurs arguments : le fait que la construction soit HQE (haute qualité environnementale), ce qui est le cas de la très grande majorité des projets de cette ampleur lancés récemment. Mais aussi un “plan de gestion agri-environnemental concerté”.

   De quoi s’agit-il ? Selon une réponse à une question écrite d’un député, il s'agit de compenser auprès des agriculteurs dont les parcelles seraient incluses dans le projet les pertes de revenus et les modifications d’activité éventuelles, ainsi que “des mesures de protection générale, telles que la protection durable des zones agricoles, et l'impact du bruit sur les animaux”.

   Autre argument avancé par les promoteurs du projet : les pistes du futur aéroport, aménagées en parallèle, permettront de diminuer le temps de roulage des avions (qui donc émettront moins de gaz au sol avant de décoller), et limiteront le nombre de riverains exposés au bruit du décollage par rapport à l’actuel aéroport.

   Ces points théoriques établis, on peut tout de même contester cette logique. La construction d’un aéroport, de routes et autres points d’accès, sur une superficie de 2 000 hectares actuellement composée de champs et terrains agricoles en bocages ne peut pas, par définition, être plus bénéfique pour l’environnement que de laisser ces champs en l’état. Faire décoller des avions, même depuis des pistes parallèles, génère plus de nuisances sonores et de pollution qu’un champ.

   Les associations locales et les écologistes ont livré de nombreuses études sur l’impact environnemental de la construction. Ils évoquent notamment l’impact de sa construction sur l’alimentation locale en eau. Et même si cette construction est respectueuse de l’écologie, affirmer que l’aéroport va “profiter à l’environnement”, c’est à dire améliorer les choses par rapport à l’existant, semble pour le moins exagéré, pour ne pas dire mensonger.

Lire la suite édifiante sur:


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"Vous achetez la Presse pour la faire taire?

- Non, pour l'acheter.
- Et quelle est la différence?
- Il n'y en a pas."



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"Désolé... Pour une fois - hélas - vous vous trompez de Lévy"



Intouchable président-directeur général
Marie Bénilde

   Dans l’univers de la presse, M. Lévy est intouchable. Il sait pouvoir compter sur un faisceau d’amis et d’intérêts bien compris. Hormis Le Canard enchaîné et Marianne — qui dénonça sur une pleine page l’« outrance » d’un super-pactole —, bien peu de titres se risquèrent à mettre en cause le patron du troisième groupe publicitaire mondial, garant d’une part non négligeable de leurs revenus. « Prudence et modération des journaux sur le scandale des rémunérations de Maurice Lévy qui tient la pub », résuma le 28 mars Airy Routier, conseiller de la rédaction de Challenges, sur son compte Twitter. Le directeur de l’hebdomadaire, Pierre-Henri de Menthon, avait, lui, choisi d’interviewer M. Lévy sous le titre « La chasse aux patrons est ouverte » (28 mars 2012). Dans Le Figaro du 4 avril, Arthur Sadoun, le numéro 2 de Publicis, assura que Maurice Lévy était victime d’un« lynchage ».

   Ce mariage de raison ne date pas d’hier. En 2003, déjà, L’Express publiait un portrait qui dépeignait le personnage tantôt comme un« colosse de belle allure », tantôt comme « un de ces géants par ténacité ». S’il y avait une hésitation, c’était pour savoir si le patron de Publicis était davantage un « rebouteux ourlé de talents », un « orfèvre en meccano d’entreprises » ou un « médiateur véloce (...), impressionnant par les réseaux qu’il actionne ». En tout cas, « inutile de dire que l’énergie du chef force l’admiration », tranchait l’hebdomadaire (3 avril 2003). En septembre 2010, le secrétariat de rédaction de Libération ne trouva pas inopportun de mentionner que Publicis détenait la moitié de sa régie publicitaire quand le journal fit paraître un portrait cruellement intitulé… « Le roi lion » (11 septembre 2010). Le lecteur y apprenait que le patron de Publicis était un « conformiste audacieux » qui « tend la main à ceux qui, dans le business, connaissent les fortunes de mer » et qui « aura passé sa vie au chevet des éclopés de l’économie ».

   Sans doute ému par tant de sollicitude, Le Monde n’hésita pas à lui confier une tribune pour expliquer que « le capitalisme d’après crise sera éthique ou ne sera pas » (28 mai 2010), avant qu’une interview ne lui permette de légitimer sa longévité à la tête de Publicis lorsqu’il décida, à 68 ans, de prolonger son mandat : « C’est une situation classique où un conseil de surveillance voit que le capitaine tient toujours la barre de manière très active et n’a pas envie de le voir partir. Il y a une pression considérable pour que je reste »(3 juin 2010).

   Un autre entretien, un an plus tard, fournit l’occasion de mettre en avant l’audace et la vertu de son système de rétribution : « A partir de janvier 2012, je n’aurai plus de rémunération fixe »(30 novembre 2011). L’homme qui prodigue la publicité à la presse souhaitait en effet « hyper-mériter » sa rémunération, en l’indexant sur les résultats de son entreprise, elle-même « hyper-performante ». Il oubliait toutefois de préciser qu’il renonçait à la seule part fixe de son salaire, soit le quart de ses revenus annuels, et qu’une coquette somme de bonus cumulés depuis 2003 l’attendait... Quant au quotidien, il omit de mentionner le fait que Publicis est actionnaire (à 49 %) de la régie du groupe Le Monde, M Publicité. Les dirigeants successifs du journal entretiennent des relations privilégiées avec M. Lévy, au point que l’un d’entre eux, M. Eric Fottorino, a reconnu avoir renoncé, sur les conseils de cet « ami », à un éditorial dénonçant les pressions de M. Nicolas Sarkozy dans le processus de recapitalisation du groupe de presse, en 2010 (4).

   « Heureusement, j’ai Maurice Lévy », disait l’ancien président de la République à la fin de son mandat, lorsqu’il comptait ses soutiens médiatiques (Lettre A, 27 janvier 2012). Dès le 13 mars 2012, un colloque de l’AFEP sur « Les défis de la compétitivité », organisé en partenariat avec Le Monde, réunissait trois candidats à l’élection présidentielle : M. François Bayrou, M. Sarkozy et M. Hollande. Objectif affiché — sur RTL — par le président de l’AFEP : « Nous attaquer avant toute chose aux dépenses publiques. » « Avec Elisabeth Badinter, Simon et Jean-Yves Naouri, ex-conseiller de Dominique Strauss-Kahn au ministère de l’industrie, Maurice Lévy saura sans peine retrouver le chemin de l’Elysée si François Hollande y accède »,prédisait la Lettre A (Ibid.). L’homme, il est vrai, était déjà un proche de M. Dominique Strauss-Kahn, l’ancien homme fort du PS avec lequel il cofonda le Cercle de l‘Industrie, selon lui injustement maltraité par la presse (« Quel besoin de charrier à longueur de journée des anecdotes invérifiables qui participent à l’instruction à charge d’un homme à terre ! », L’Express, 31 mai 2011).

   On trouve dans les archives électroniques du Monde cinq cent sept articles sur le patron de Publicis : c’est presque deux fois plus que les occurrences des noms de M. Christophe de Margerie, président de Total et première capitalisation du CAC 40 (289), ou de M. Franck Riboud, patron de Danone, l’une des plus importantes multinationales françaises (268). Sur le site du Figaro, le score (392) dépasse aussi celui de MM. Margerie (124) et Riboud (285). (...) 

(1) Lire « Publicis, un pouvoir », Le Monde diplomatique, juin 2004. Lire également « Les dernières astuces publicitaires », Le Monde diplomatique, décembre 1998.

(2) « La vérité sur le super bonus de Maurice Lévy », Challenges, 24 mai 2012.


(4) Mon Tour du “Monde”, Gallimard, Paris, p. 489.

Lire l'article sur:


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Luc Desle (avec le concours de Jacques Damboise)

mercredi 28 novembre 2012

"La Bête se ruinait en shampoings". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet"

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Pensées pour nous-mêmes:

(TU ENGENDRES TOI-MÊME
TA PROPRE MISÈRE)

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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(56)
pcc Benoît Barvin

Joyeux quadrille

   Tenace, la bruine sale s'étendait sur la ville depuis le début de la matinée, tissant une gigantesque toile d'araignée humide. J'aurais reconnu Albert entre mille. Il portait toujours son vieux trench‑coat Bogartien, arborait un visage en lame de couteau avec le nez cassé, signature d'une ancienne rixe, du temps où il jouait les gros bras dans les boîtes interlopes de la côte. 

   Il était mal dissimulé sous une porte cochère mais l'indic ne m'avait pas menti. C'était bien l'Albert que je connaissais; l'homme à qui j'avais, un soir, sauvé la mise alors que, venant d'évacuer un para qui parlait trop fort, il s'était retrouvé face à un poignard de combat qu'une main couturée de cicatrices s'apprêtait à lui fourrer dans le ventre. 

   J'étais intervenu avec la célérité qui me caractérise. Rapide tranchant de la main sur celle du soûlard et, pour parfaire le travail, coup violent du genou dans la face rougeaude du para, face qui avait craqué. Le type s'était effondré en arrière comme un arbre mort. 

   Depuis, Albert et moi nous étions les meilleurs amis du monde. Amis... enfin, façon de parler. Des potes, plutôt. Quand j'avais besoin d'un tuyau garanti or premier carat, d'une adresse complaisante ou bien de tout autre service de ce genre, je savais compter sur Albert. 

   J'avais sûrement dû abuser, d'ailleurs, car il avait soudainement disparu deux années auparavant. Et voilà que je remettais la main dessus, trempé et l'air morose, le visage vieilli prématurément. L'air aussi gai qu'un entrepreneur de pompes funèbres qui vient d'apprendre qu'un savant a découvert le secret de la vie éternelle. 

   ‑ Ah, c'est toi? Si tu pouvais te casser... Je travaille, a‑t‑il grogné en faisant mine de sortir de sa cachette et de suivre une silhouette incertaine, là‑bas, près du passage clouté. Incertaine mais gironde, me sembla‑t‑il. 
   ‑ J'ai envie de t'accompagner. En souvenir du bon vieux temps

   Albert s'est retourné brutalement. Ses yeux avaient changé de couleur. Ils étaient gris, cette fois, et durs. Coupants comme le silex. 
   ‑ Je viens de te dire... 
   ‑ J'ai entendu. 
   ‑ Et si je te cassais la gueule, en souvenir, justement... 
   ‑ Je t'ai sauvé la vie. Tu te souviens? (et sans lui laisser le temps de répliquer, j'ai ajouté). J'ai une affaire à te proposer. Facile et bien payée. On se cherche un endroit moins venteux, O.K.? 

   Il a pesé le pour et le contre. Son visage aux sourcils épais au bord desquels perlait une goutte se sont relevés. Il a fini par esquisser un vague sourire qui a découvert des dents aurifiées. 
   ‑ Tu pouvais pas le dire tout de suite? 
   ‑ J'adore faire des surprises. 
   - Je sais, a-t-il soufflé, en faisant la grimace.

*** 

   C'est lui qui a choisi le troquet. Un tripot peu ragoutant, mais je n'avais pas oublié d'où je venais. C'était comme un retour aux sources. Fallait pas trop faire le difficile... J'ai trempé délicatement mes lèvres dans la mousse d'une bière tiédasse. 
   ‑ L'affaire, j'ai commencé, est à la portée d'un gosse. Tu dois suivre une fille, une dénommée Isabelle. Tu la files pendant la journée, en faisant gaffe à pas te faire repérer. Tu rends compte de la filature à vingt heures tapantes, à ce numéro (je lui tendis un bout de papier avec un numéro de téléphone hâtivement griffonné). C'est tout. C'est payé cent cinquante billets par jour. 
   ‑ Puisque c'est si facile, qu'il a fait en buvant d'un coup la lavasse comme s'il s'était agi de petit lait, pourquoi tu fais pas le boulot toi‑même? 
   ‑ Je travaille en tant qu'intermédiaire, voilà pourquoi. Et j'ai pensé à toi. Je te devais bien ça. Pour effacer quelques cadavres qu'on a entre‑nous. 

   Il a hoché la tête, à commandé une autre bière ‑ moi, j'ai refusé, le coeur au bord des lèvres ‑ et il a empoché le bout de papier. Il s'est gratté délicatement le nez. Sa peau luisait de sueur. Ses cheveux étaient collés tels une vieille moumoute, sur le haut du crâne. Il donnait l'impression d'avoir vieilli de vingt ans, depuis notre dernière rencontre. 

   ‑ On peut pas dire que l'autre fois, tu m'as facilité la tâche, a‑t‑il enfin laissé tomber dans l'atmosphère bourrée jusqu'à la gueule de conversations tonitruantes. Quand, avec les autres, tu as filé en me laissant en arrière‑garde, les flics n’étaient pas loin. J'ai dû me carapater par les toits et c'était glissant ce jour‑là. Je suis tombé, une de mes pattes en a pris un coup... 

   J'ai examiné ses yeux pendant qu'il parlait avec cette étrange voix calme. J'ai vu un brin de rancune dans son regard mais le ton de sa voix démentait mon impression. Un débit lent, des mots bredouillés et incertains. J'avais bien raison: Albert était un pauvre cave. 

   ‑ Je voulais même te buter, a‑t‑il quand même laissé filer, dans un relatif silence. 
   ‑ Mais tu y as renoncé car tu t'es souvenu des bons moments passés ensemble... Et puis tu t'es dit que je l'avais pas fait exprès, que c'était qu'une coïncidence... Tu avais raison, bien sûr. 

   Il a fini sa bière en faisant des bruits de siphon écoeurants. 
   ‑ Bien sûr aussi, tu ne me donneras pas le nom du commanditaire? 
   ‑ Et toi... le nom de la fille que tu filais, tout‑à‑l'heure? 
  ‑ C'était ma femme, a‑t‑il lâché brusquement, les maxillaires crispés. Je voulais voir chez qui elle allait s'envoyer en l’air, cette garce.

*** 

   Ça n'était pas sorcier de suivre ce brave Albert. L'enfance de l'art même. Faut dire qu'Isabelle faisait  tout  pour ne pas se laisser distancer. 

   Le plan était très simple: Isabelle avait un amant. L'amant voulait la mort du mari. Mais il fallait que ça ait l’air d'un accident ou, du moins, d'un malheureux concours de circonstances. Bien que nouveau dans le métier de tueur, je savais où j'allais. Engagé par l'amant, je devais concocter un gentil scénario afin de faire passer le cocu de vie à trépas. 

   C'est alors que j'avais pensé à Albert. La conversation dans le tripot m'avait édifié. Mon pote me gardait toujours une dent pour cette malheureuse histoire, c'était visible. Dommage que les flics, que j'avais appelés, aient eu du re­tard, à cause d'un stupide accident de la circulation qui les avait ralentis. Sinon... Ils seraient venus juste à temps pour coffrer Albert. Nous, ses potes, nous avions tous un solide alibi. Pour parfaire le plan, dans la piaule d'Albert, nous avions poussé la délicatesse jusqu'à y dissimuler quelques billets usagés et nu­mérotés. Pour faire plus vrai. Mais notre pote avait filé ce jour‑là et nous ne l'avions plus revu. 

   Retrouver Albert n'avait pas été aisé. Le supprimer proprement, par contre, grâce à ce contrat, ne poserait pas beaucoup de problèmes. "Le mari est un minable, m'avait affirmé l'amant. Un type sans intérêt. Pas besoin de le décrire, c'est un passe‑muraille. Il sera chez lui vers les vingt heures et quart. Le loquet de la porte ne sera pas fermé. Il vous suffira d'utiliser une lame de couteau pour entrer... 
   ‑ Vous serez là? 
   ‑ Ce serait un peu stupide... Non, j'attendrai pas très loin, m'avait‑il nasillé au téléphone. On conviendra d'un signe pour me faire venir..."

   Une affaire facile, donc, mais qui demandait une grande détermination. J'avais voulu savoir comment Albert s'en sortait. Le tester en quelque sorte. Il ne m'avait toujours pas repéré, au bout de trois jours, obnubilé, semblait‑il, par la femme qu'il suivait. De loin, elle paraissait bien en chair d'ailleurs. Mais je ne m'en préoccupais pas. Je n'étais pas là pour ça. 

   La veille du jour H, l'amant me retéléphona. 
   ‑ Tout est O.K.? 
  ‑ Oui. C'est Albert qui me renseignera sur l'arrivée du mari. Nous monterons immédiatement après. Nous attendrons cinq à dix minutes, puis nous entrerons et je m'arrangerai pour faire assommer le mari. Après il me suffira de tirer sur Albert. Quant au mari, il se suicidera d'une balle en plein coeur. Les empreintes sur l'arme confirmeront la thèse du suicide. Ce ne sera qu'un banal fait divers... 

*** 

   Je venais de rejoindre mon "associé" en bas de l'immeuble. Il m'avait appelé un quart d'heure plus tôt pour me signaler l'arrivée de l'époux. J'étais en train de lui expliquer le déroulement des opérations. Nous pénétrerions dans l'appartement afin de faire peur à l'amant de la femme... 
   ‑ L'amant? Tu m'avais parlé du mari... Qu'est-ce que c'est que cette embrouille?
   ‑ Ne t'inquiète pas, lui ai-je répondu, avec aplomb. Jusqu'à présent, tu as été payé rubis sur l'ongle. On rentre dans la maison, on flashe les amants en train de faire ce que tu devines, et on file vite fait. Après, ça sera à l'épouse et au mari de se débrouiller... Tu vois, rien de bien compliqué.
   Il n'avait pas l'air convaincu. J'ai détourné la conversation.
   ‑ Et en ce qui concerne ta femme? Tu m'avais dit...
   ‑ Tout est en ordre, à présent, m'a-t-il coupé. Bon, on y va ou on continue à bavasser? 

   On a grimpé deux étages sur la pointe des pieds. Une porte s'est ouverte, au quatrième, et on a dû aller se réfugier dans le réduit aux poubelles, par précaution. Enfin nous sommes arrivés devant la porte du type. Il n'y avait aucun nom. Juste un emplacement plus clair à la place qu'aurait dû occuper la carte de visite. 

   J'ai ouvert sans difficulté la porte, avec une tige métallique. Nous nous sommes glissés dans un vestibule sentant l'encaustique, encombré de meubles à l'ancienne surmontés de quelques souvenirs d'Afrique. 

   ‑ La turne du bourgeois par excellence, j'ai ricané. 

   Derrière moi, je sentais le souffle chaud d'Albert. 

   Nous nous sommes guidés sur le bruit. Il provenait de la chambre.  Par la porte entrouverte j'ai distingué des fesses, des mains, des seins, tout ça s'agitant en tous sens. Le mari et la femme jouaient à la bête à deux dos. Cette nana était une sacrée s...! Elle s'envoyait en l'air avec un mec qui (elle le savait) allait la quitter pour de bon dans quelques minutes... 

   J'ai pivoté vers Albert. Il avait sorti son flingue, le visage pâle, dévoré de tics nerveux. 

   ‑ Tu rentres en criant Haut les Mains, d'ac? j'ai murmuré. C'est pour faire peur à cet enfoiré qui saute une bourgeoise sans avoir demandé la permission, tu comprends? 

   Il ne m'a rien répondu, m'a repoussé sans ménagement, a donné un violent coup de pied dans la porte qui s'est ouverte en cognant contre le mur. 
   J'ai entendu la voix de la femme qui criait: 

   ‑ Albert ! Mais... Albert! Non! 

   J'ai juste eu le temps de flasher sur le mec qui se dégageait difficilement des cuisses de la femme. Puis il y a eu une terrible détonation. Le type a été arraché du lit par une main invisible et s'est écrasé contre la paroi, avant de se recroqueviller par terre, comme un tas de linge sale. 

   La femme hurlait, à présent: 
   ‑ Albert! Mon chéri... Ce n'est pas ce que tu crois... Je t'en prie... 

   Quelque chose m'échappait. Mon flingue était toujours dans ma poche, lorsque un nouveau coup de feu à tonné dans la chambre. Une fleur rouge a éclaté sur la peau nacrée d'Isabelle. Sa tête a heurté violemment la chambranle du lit. Déjà Albert s'était tourné vers moi. La gueule noire de son arme me fixait d'un sale oeil. 

   ‑ Tu m'as facilité la tâche, gros malin! a‑t‑il ricané. Tu bouges surtout pas et tu écoutes mon histoire... Il était une fois un gentil mari appelé Albert qui apprend que sa femme le trompe. Il suit la garce, repère l'amant et cherche un moyen de s'en débarrasser. C'est à ce moment qu'apparaît dans sa vie un salopard à qui il réservait un chien de sa chienne... Toi, mon gentil pote. Tu veux que je continue? 

   Je levai les mains, une sueur malsaine obstruant ma vision. Je me suis mis à trembler. 

   ‑ Pas... la peine, j'ai coassé. Je t'ai amené ta vengeance sur un plateau... Et dire que je te prenais pour un taré! C'est toi, le  mari que j'étais chargé de liquider... Mais lui - je désignais mon commanditaire, l'amant à la sale gueule, barbouillée de sang ‑, lui... qu'est ce qu'il fout ici? 
   ‑ J'ai téléphoné à ce monsieur pour lui dire, de ta part, que l'affaire était reportée. Et ma chienne de femme savait, de son côté, que je ne rentrerais pas ce soir... Je savais qu'ils ne pourraient pas résister à une nouvelle partie de jambes en l'air...

   Le flingue ne tremblait pas dans sa main. J'essayais d'imaginer les dégâts que ferait la balle. J'étais un véritable con. Albert m'avait eu jusqu'au trognon. Il s'était débrouillé comme un vrai chef, je devais le reconnaître, me manipulant, en prenant la place de mon commanditaire. Je me disais bien, au téléphone, que la voix me semblait contrefaite. J'étais une vraie buse.

   - Tel est pris qui croyait prendre, c'est ce qu'on dit, n'est-ce pas? fit mon pote en appuyant sur la queue de détente. 

   L'enfoiré: il savait pourtant que je détestais les proverbes...

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"Oui, Mon Chéri, évidemment que l'on restera
toujours ensemble... Au moins jusqu'à ce que
ton cadavre ne sente pas trop mauvais..."

A powerful novel of emotional blackmail and the morality of love

(Cette meurtrière avait un étrange sens de l'humour)

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"Fumer tes ignobles clopes te tuera,
qu'elle disait... Ahaha..."


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"Mon... Aie! Chéri... Je te jure,
ce n'est pas moi qui ai pris ton doudou!"


From the back:
The lure of the stage makes a perfect bait 
for enticing young girls into the nefarious
 white-slave trade. A dancing school is the perfect blind
 to cover up these activities. Little do the victims suspect
 what fate has in store for them until it is too late, 
too late to escape, almost too late for help

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"Je vous en prie, entrez... Les docteurs partouzeurs
n'attendent plus que vous"


@@@ 

Blanche Baptiste (dans l'esprit de Jacques Damboise...)

"La Fée Carabosse poursuivit Quasimodo de ses assiduités". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

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Pensées pour nous-mêmes:

(AIME JUSQU’À EN PERDRE LA RAISON
POUR LAQUELLE TU AIMAIS)

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(Derrière sa chevelure mal coiffée,
la voyeuse s'adonnait à son vice)

(via mimin)
(via anzu69)

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(Indienne se passant d'Internet
et revenant à la bonne lampe à huile
pour interroger le Génie)


INDE .
"Deux filles arrêtées pour 
des commentaires en ligne inoffensifs"
The Times of India

   (...) "Une honte !" Le quotidien indien n'y va pas de main morte pour dénoncer l'arrestation le 19 novembre de deux jeunes femmes, qui avaient critiqué sur Facebook le blocage total de la ville de Bombay, en raison des funérailles de la figure nationaliste locale, Bal Thackeray. Accusées d'avoir "porté atteinte au sentiment religieux", elles ont été libérées sous caution après avoir été entendues par un tribunal. Bal Thackeray est mort le 17 novembre à l'âge de 86 ans. Cet admirateur de Hitler (?) a pesé sur la politique locale pendant quarante ans. (...)


Balasaheb Keshav Thackeray 

( 23 Janvier 1926 - 17 Novembre 2012) 


   (...) Homme politique indien, fondateur et chef de la Shiv Sena , une droite nationaliste hindoue , et le marathi ethnocentrique parti actif principalement dans l'ouest de l'Inde état ​​de Maharashtra . Ses disciples l'appelaient le hindoue Hriday Samraat («empereur des coeurs hindoue"). 

   Thackeray a commencé sa carrière professionnelle en tant que dessinateur avec le quotidien de langue anglaise The Free Press Journal de Mumbai , mais il quitte en 1960 pour former son propre hebdomadaire politique Marmik . Sa philosophie politique a été largement façonnée par son père Keshav Thackeray Sitaram , une figure de proue dans le Maharashtra Samyukta mouvement(Royaume Maharashtra mouvement), qui préconisait la création d'un État séparé linguistique du Maharashtra. Grâce à Marmik , il a fait campagne contre l'influence croissante des Gujaratis , Marwaris , et les Indiens du sud de Mumbai.  

   En 1966, Thackeray a formé le Shiv Sena parti qui défend plus fermement la place de Maharashtrians à Mumbai. Dans les années 1960 et début des années 1970, Thackeray a construit ce partie en formant des alliances temporaires avec la quasi-totalité des partis politiques du Maharashtra.  Thackeray était également le fondateur du journal  Saamana en langue marathi et  Dopahar ka saamana , journal en langue hindie. Il a fait l'objet de nombreuses controverses, en raison de son admiration pour Hitler. À sa mort, il lui a été accordé des funérailles nationales, plus de 2.000.000 personnes étaient en deuil. (notons la teneur de l'article, extrêmement prudent) (...)


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"Oui, oui, nous sommes soeurs jumelles et...
Comment ça, je suis une menteuse?
Goujat!"

brassai

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(Célèbre mafieux faisant un geste de bienvenue
à ses adversaires de tous bords)

La mafia au cœur de l’Etat
Moisés Naím

   (...) (C)es dernières décennies, une série de mutations politiques et économiques profondes au niveau international a donné naissance à ce que j’appelle les «Etats mafieux». Des pays dans lesquels les notions traditionnelles de «corruption», de «crime organisé» ou d’entités publiques «noyautées» par des groupes criminels n’embrassent pas le phénomène dans toute son ampleur et sa complexité.

   Là, ce n’est pas l’Etat qui est la victime de la subornation et du racket des fonctionnaires par les criminels; c’est lui qui a pris le contrôle des réseaux criminels. Non pas pour les éradiquer, mais pour les mettre au service des intérêts économiques des gouvernants, de leurs proches et de leurs partenaires.

   Dans des pays comme la Bulgarie, la Guinée-Bissau, le Monténégro, la Birmanie, l’Ukraine, la Corée du Nord, l’Afghanistan ou le Venezuela, les intérêts nationaux et ceux du crime organisé sont inextricablement liés. Ainsi, le député et ex-patron du contre-espionnage bulgare, Atanas Atanasov, a indiqué que «d’autres pays ont une mafia; en Bulgarie, c’est la mafia qui a le pays». Au Venezuela, l’ancien président de la Cour suprême, Eladio Aponte, a apporté de multiples preuves qui confirmeraient que des hauts fonctionnaires de l’Etat sont à la tête d’importants groupes criminels transnationaux.(...) 

   (...) En 2008 déjà, les Etats-Unis avaient accusé le général Henry Rangel Silva d’apporter un «soutien matériel au trafic de drogue». Début 2012, le président Hugo Chávez l’a nommé ministre de la Défense. En 2010, un autre Vénézuélien, Walid Makled, accusé par divers gouvernements de diriger l’un des plus gros cartels du pays, a soutenu, au moment de son arrestation, qu’il détenait des documents, vidéos et enregistrements impliquant pas moins de 15 généraux vénézuéliens (parmi lesquels le chef du Renseignement militaire et le directeur du Bureau de lutte contre les stupéfiants) ainsi que le frère du ministre de l’Intérieur et cinq députés.

   En Afghanistan, Ahmed Wali Karzaï, le frère du président et gouverneur de la province de Kandahar, assassiné en 2011, a été régulièrement accusé de participer au trafic d’opium – la principale activité économique de ce pays. Selon le Financial Times, la fuite des capitaux sous forme de billets de banque transportés dans des mallettes par des trafiquants et des hauts fonctionnaires équivaut peu ou prou au budget de l’Etat.(...)

   (...) Cette confusion entre gouvernements et criminels ne concerne pas exclusivement des pays dans la tourmente, comme l’Afghanistan, des Etats en échec, tels que la Guinée-Bissau, ou des nations qui sont les otages du narcotrafic. Pour prendre un autre exemple, il est impossible de comprendre chacun des rouages qui régissent les prix, les intermédiaires ou la structure des réseaux d’approvisionnement du gaz russe qui arrive en Europe (en transitant, entre autres, par l’Ukraine) sans tenir compte du rôle du crime organisé dans ce business très lucratif. Ne serait-il pas naïf de croire que les élites au pouvoir dans ces pays ne sont que des victimes ou des spectateurs impuissants? On constate ce genre de manœuvres partout, en Afrique, en Asie, dans les Balkans ou en Europe…(...)

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Luc Desle (avec Jacques Damboise)