Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

mercredi 31 octobre 2012

"Ce crétin de criquet vient de craquer pour une crécelle". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

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Pensées pour nous-mêmes:

(SONGE A TES SONGES
ET AIME-LES)

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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(52)
pcc Benoît Barvin


Brève Amitié

   J’étais condamné. 

   Les termes de « carcinome » et « d’épidermoïde » dansaient devant mes yeux à chaque fois que je les promenais sur le compte-rendu du spécialiste qui m’avait convoqué. Gauche et droite, haut et bas et recommencer… 

   Assis dans ma voiture, j’inhalai un oxygène visqueux qui coulait dans mes bronches son sirop analgésique. Il faisait si chaud, ce jour-là… Un mois d’août caniculaire qui transformait aussi mon enveloppe corporelle en liquide. Mes vêtements gorgés d’eau retenaient l’ensemble de mon organisme en un agrégat que j’imaginais au bord de la rupture. Chacun de mes mouvements se révélait étriqué, pesant, désespéré. Pas un geste de trop sous peine de… 

   J’étais là, dans mon véhicule, tenant entre mes doigts gourds mon arrêt de mort. L’intérieur de l’habitacle était un incendie permanent. J’avais choisi cette voiture avant tout parce qu’elle était minuscule. A quoi bon m’embarrasser d’une 4 portes, moi qui n’avais plus, depuis longtemps, mes enfants à mes côtés. Quant à ma compagne, elle refusait obstinément d’embarquer dans ce «cercueil sur pattes», sous prétexte qu’en plus, il ne possédait aucun airbag. 

   Un véhicule microscopique, pourvu du minimum de confort, d’où l’absence d’air conditionné, mais qui roulait sans accro, pas très vite et, à chaque soubresaut de la route, me secouait comme un shaker. A part ça, c’était un engin utile pour aller d’un point A à un point B. Ou l’inverse… 

   … Condamné. 

   Le mot avait du mal à pénétrer mes neurones anesthésiés par la chaleur de plus en plus accablante. Je voulus baisser la vitre, dus tourner la clé de contact, appuyai sur le bouton mais, devant le baiser aussitôt suffocant de l’air, je remontai bien vite le fragile rempart entre moi et l’haleine d’enfer du parking. 

   Le spécialiste m’avait reçu avec toute la componction que réclamait mon état. Pour un peu il m’aurait offert à boire pour me réconforter. Dans l’armoire de son bureau, j’avais aperçu une bouteille de whisky à demi vidée. Je n’aurais pas été contre. 

   Il était « désolé » de cette mauvaise nouvelle. Cependant, j’avais « beaucoup de chance » car mon cas avait été diagnostiqué « à temps ». Il fallait maintenant suivre la « procédure » qui consistait, évidemment, à subir une intervention chirurgicale « des plus usuelles ». C’était lui qui s’en chargerait. On allait ainsi « pratiquer l’exérèse de la lésion », puis je devrais subir une dizaine de séances de « radiothérapie ». S’il en croyait sa longue expérience – et parce que, il me le répétait, ce carcinome avait été diagnostiqué « à temps », j’avais de grandes chances de me sortir de cette épreuve « la tête haute »… 

   Maintenant le docteur souriait, en croisant des doigts boudinés et velus, comme un confesseur. Son visage rond à la chair lisse, agrémenté de lunettes colorées, surmonté d’une chevelure poivre et sel impeccablement taillée, suscitait la confiance. Seules ses lèvres charnues, étirées en une grimace obscène, me dérangeaient. Je l’imaginais calculer la catégorie dans laquelle allait entrer l’intervention, la satisfaction de son collègue chargé de la radiothérapie, celle des pharmaciens chez qui j’allais me fournir en crème «modulant l’immunité» et… 

   J’ai décroché assez vite, je le confesse. Le terme « condamné » m’irradiait le cerveau. Je n’avais plus la force de penser. Ni d’écouter d’ailleurs. La voix du spécialiste proférait des phrases dans une langue inconnue. Bientôt, il n’émit plus que des borborygmes. Quand j’en eus assez, je me levai tout de go, le remerciai en bredouillant quelque chose puis tournai les talons. Le spécialiste fut si surpris qu’il ne me rappela pas. 

   Le parking de la clinique était bombardé par les rayons. L’air vibrait et les patients allaient et venaient au ralenti, avec des faces de poisson mort. Même les véhicules roulaient au pas, leur conducteur atteint d’apoplexie. C’était comme si j’entendais le soufflet de forge de leurs poumons, incapables de se remplir de cette mélasse brûlante. 

   Je sortis pour me mêler à l’atmosphère accablante, avec l’idée secrète que, peut-être, les poumons vidés, j’allais glisser à terre, déjà dans un état semi-comateux, ce qui me priverait de la kyrielle de « soins » que le spécialiste m’avait énumérée. La vie n’a aucune imagination. Elle vous crache au visage, vous transperce de ses éructations romantico-suicidaires et vous interdit tout espoir. 

   J’étais contre la porte ardente de mon véhicule lorsque je perçus un frémissement. Malgré la luminosité aveuglante, j'entrevis une silhouette emplumée, de petite taille, qui froissait ses ailes dans ma direction. Un moineau voletait jusqu’à moi et, ivre de fatigue, s’abattit à mes pieds. 

   L’ombre de quinze heures était squelettique, pourtant la voiture en laissait une, comme une sale trace de pisse, sur le bitume excorié du parking. Le corps de l’oiseau tressaillit avant que, dans un ultime effort, le volatile se traînât à l’ombre du véhicule. Je me penchai en avant et agrandis au sol la tache sombre dans laquelle s’engloutit le moineau. 

   Nous restâmes tous deux immobiles un long moment. Je sentais, sur mon cou et mes épaules, peser les rayons du soleil. Ils me transperçaient au travers de mon t-shirt, touillant ma chair, à la recherche du carcinome, lové au milieu de mes omoplates. Je n’avais maintenant plus un « poil » de sec. Je n’étais plus que de la viande sur pattes, bientôt calcinée par les rais brutaux qui faisaient monter mon corps en température. 38°5… 39… 39°5… Mais l’oiseau, lui au moins, était à l’ombre… 

   Condamné… Il ne l’était pas encore. Il allait survivre, du moins est-ce ce que je me suis dit, à un moment, les yeux rivés sur cette boule de plumes souillées et légèrement frémissantes. Je n’osais bouger, de peur de rompre ce vénéneux enchantement qui donnait du sens à l’intrusion, dans mes pensées amères, de cette soudaine virgule de vie. 

   Effet de mon cerveau incandescent ? J’étais de plus en plus persuadé que nos destins étaient liés. Frères de misère, nous nous devions de nous entraider afin de survivre l’un et l’autre. 

   Sans l’avoir prémédité, je me mis à genoux devant le moineau, scrutant cette boule de plumes grisâtre, anxieux à l’idée qu’elle puisse expirer, soudain, et me laisser seul. En cette seconde, c’était la seule attache tangible qui me retenait à l’existence. J’avais le sentiment que lui et moi ne faisions plus qu’un. J’avais retrouvé mon jumeau, perdu depuis si longtemps et il n’était pas question, cette fois, que je l’abandonne… 

   De près, le volatile était commun : c’était un petit tas grisâtre, les paupières closes, le bec minuscule. Ses pattes griffues remuaient mollement et j’entrevis un souffle léger déformer sa gorge, couverte d’un fin duvet. J’avançai un doigt pour vérifier que je n’étais pas sujet à une illusion d’optique, le cœur déjà débordant de joie. 

   C’est alors que l’oiseau me piqua méchamment l’index et, alors que je poussai un cri de douleur, il prit son envol et disparut dans la lumière aveuglante.

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(Il s'inclina bien bas devant la Trilogie Divine.
Le bourreau en profita pour lui trancher la tête)

"Oldies" exhibe ses tatouages réalisés par l'artiste Josh Lin, 
lors de la 8e convention internationale London Tatoo,
 au Tobacco Dock, à Londres, le 28 septembre. 
(AFP PHOTO / ADRIAN DENNIS)

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(Bon, d'accord, j'avais été injuste sur la grosseur
de sa poitrine... Mais cela ne valait pas une telle
réaction hystérique...)

Les féministes du collectif Femen ont investi le Ikea de Gonesse, 
dans le Val-d'Oise, pour protester contre la disparition des femmes 
dans le catalogue saoudien du distributeur de meubles. 
(KENZO TRIBOUILLARD/AFP)

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(Je retirai brusquement ma main 
et ce crétin d'écureuil se vautra par terre.
J'ai toujours eu horreur des animaux)


Un écureuil gourmand s'est découvert des trésors de souplesse 
pour aller trouver la main qui lui proposait de la nourriture, 
à Minsk, en Biélorussie, le 21 octobre. 
(TATYANA ZENKOVICH/EPA/MAXPPP)


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(Bisous, bisous, me dit-il, et moi, bonne pomme,
j'accepte. Alors il me mord une partie du trapèze,
ce dingue!)



Deux culturistes s'enlacent à l'occasion des 
46èmes championnats de culturisme d'Asie,
 le 23 septembre en Chine.
(CHINA OUT AFP PHOTO)




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Jacques Damboise

mardi 30 octobre 2012

"Sur cet océan de larmes, beaucoup de bateaux ont coulé". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

°°°
Pensées pour nous-mêmes:

( LE MIROIR QU'ON TE TEND
NE TE REFLÈTE PAS)

°°°

"Tiens? Voilà cette cruche de jeune actrice...
Actrice, mon oeil, oui! Elle couche avec cet abruti
de metteur en scène... Et elle me sourit, la garce!
Tu vas voir, tout-à-l'heure, sur le plateau,
comme je vais te me la manger toute crue..."

Joan Crawford on the balcony of her suite 
at the Beau-Rivage in Lausanne, Switzerland, 1961

°°°
"Moi, les femmes, je les veux
sous mes pieds..."


Julia Gillard, 
une superwoman contre le sexisme
(Titre... hem... un rien stupide,
mais, bon, avec les journalistes, hein?)
Debra Johnson 

   (...) Il n'est pas surprenant que la voix de Julia Gillard, le Premier ministre australien, ait frémi d'une rage trop longtemps contenue quand elle a passé un savon à Tony Abbott, le chef de l'opposition, sur le sexisme il y a quelques semaines au Parlement. La vidéo a récolté plus de deux millions de visites sur YouTube.

   L'année dernière, Abbott avait dénoncé en public [lors d'une manifestation] sa politique de lutte contre le changement climatique devant des panneaux grossiers proclamant : "Virons la sorcière !" et l'accusant d'être la "pute" du chef du parti des Verts. D'après Julia Gillard, le chef de l'opposition lance régulièrement des propos sexistes dans les micros du Parlement mais à un volume trop faible pour que les magnétophones qui servent à retranscrire les débats puissent les capter (et courageux, en plus...).

   "Je ne me laisserai pas donner des leçons sur le sexisme et la misogynie par cet homme, certainement pas... S'il veut savoir à quoi ressemble la misogynie dans l'Australie moderne, il n'a qu'à prendre un miroir", a-t-elle déclaré au Parlement. Ses propos lui ont valu les applaudissements du monde entier, par exemple du site féministe américain Jezebel, qui l'a qualifiée de "sacrée putain !". Julia Gillard a évoqué un entretien avec un journaliste dans lequel Abbott s'était dit d'accord pour que les garçons et les filles aient les mêmes chances avant d'ajouter : "Et si les hommes étaient, par leur physiologie ou leur tempérament, plus adaptés à l'exercice de l'autorité ou au fait de donner des ordres ?"

   Julia Gillard avait laissé tomber le ton robotique qui la fait parfois paraître distante et inhumaine et qui s'explique par une vie passée dans une zone de guerre sexuelle tout en cherchant à donner à l'opinion l'impression d'être imperturbable, d'être une femme qui contrôle la situation. Sa position a ceci de paradoxal que, dans un monde postféministe, on attend des femmes de pouvoir qu'elles oublient leur sexe et feignent l'apathie quand elles sont confrontées à la misogynie de peur d'être accusées de mal se tenir. (...)

Lire sur:

°°°
"Tu es heureuse de ma demande 
en mariage, hein, chérie?
- ...
- Chérie? 
-..."

Joan Crawford dans" Grand Hotel", 1932


°°°
"Le petit chat est mort.
- C'est dommage; mais quoi! 
Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi. 
Lorsque j'étais aux champs, n'a-t-il point fait de pluie?"
(Molière. L'Ecole des femmes)


(Ce nouveau rideau de fer n'empêchait pas
la culture de passer)

°°°
Le nouveau Rideau de fer

   (...) Il y a encore vingt ans, la Lituanie et la Biélorussie appartenaient à l’Union soviétique. Les deux voisines n’étaient séparées que formellement, par une ligne sur une carte. Aujourd’hui, un grillage marque la frontière, une sorte de nouveau rideau de fer érigé, lui, après la chute du communisme. Alors que la Lituanie est devenue membre de l’OTAN, de l’Union européenne et appartient à l’espace Schengen, le régime autocratique d’Alexandre Loukachenko règne sur la Biélorussie.

   Ce grillage métallique surmonté de pelotes de fil barbelé n’a pas uniquement séparé deux pays, mais aussi un village. La partie lituanienne d’un côté, connue pour son château restauré du XVIème siècle et son festival de musique Be2gether, s’appelle Norviliskes ; la partie biélorusse de l’autre, Piackunai. Certaines familles ont été séparées, d’autres personnes éloignées de leurs voisins, de l’église ou du cimetière.

   “Ma tante habite de l’autre côté de la frontière. Nous pouvons nous parler au travers. Ni les Biélorusses, ni les Lituaniens ne l’interdisent. Nous avons seulement besoin de l’aide des voisins pour nous mettre d’accord sur l’horaire”, raconte Stanislaw Alencenowiczius dont la maison marque la fin du territoire lituanien. La frontière passe juste au milieu de son champ de pommes de terre. (...)

   (...) Alors que les deux parties du villages sont distants de quelques pas, de l’autre côté de la frontière, on arrive dans un autre monde. Au nord-ouest du champ de Stanislaw Alencenowoczius, le château blanc de Norviliskes se distingue entre les arbres. A l’est, ce ne sont que des masures de bois abandonnées, alignées derrière une double rangée de grilles. 

   Autrefois l’homme, né en Lituanie, avait l’habitude de recevoir la visite de ses proches de Biélorussie, où il se rendait lui-même fréquemment. Aujourd’hui, pour aller chez sa tante qu’il peut interpeller de chez lui à voix haute, il doit faire 40 kilomètres jusqu’à la ville de Salcininkai pour y recevoir un visa au centre culturel biélorusse, avant de se rendre jusqu’au poste-frontière. Le chemin qui passe devant la maison de Stanislaw Alencenowiczius bute sur une porte fermée à double tour. A quelques pas de la frontière, du côté lituanien, aucun signe de vie dans le conteneur métallique vert. De l’autre côté, pas un seul Biélorusse en faction. Mais il ne faut pas se méprendre : il est interdit de jeter des objets de l’autre côté de la frontière, ou d’essayer de grimper. A peine avons-nous commencé à longer le grillage, qu’un minibus vert foncé sans signe distinctif est arrivé. Il s’est arrêté quelques minutes et est reparti aussi discrètement qu’il est arrivé. (...)

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Luc Desle (et Jacques Damboise)

lundi 29 octobre 2012

"Cet ange fut arrêté car il volait trop haut, trop vite et sans permis". Benoît Barvin in "Pensées pensées".


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Pensées pour nous-mêmes:

(TON COEUR EST UNE CHAMBRE
DONT LA PORTE EST GRANDE OUVERTE)

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« Moi, les gestes de l'amour 
me mènent à l'enfance. »
Philippe Delerm

Bizarro Superman final. Eric Spitler

"Tout à fait d'accord avec ce type"


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« Créer, c’est toujours 
parler de l’enfance. »
 Jean Genet



Pour rappel:
Décès de Georges Chaulet, 
le papa de « Fantômette »

   (...) Georges Chaulet, le père de « Fantômette », la célèbre héroïne masquée au collant noir et à la tunique jaune aux 15 millions d’exemplaires vendus, est décédé le 13 octobre à l’âge de 81 ans.

   Créateur d’avant-garde, féministe avant l’heure, Georges Chaulet avait fait naître en 1961 avec « Fantômette » l’un des premiers rôles féminins actifs, intelligents et autonomes de la littérature jeunesse, souligne Hachette. La justicière qui a bercé des générations de lecteurs et de lectrices est désormais orpheline… 

   Son créateur Georges Chaulet était l’un des piliers depuis plus de 50 ans de la collection Bibliothèque Rose. « Je dois autant à Fantômette qu’à Marguerite Duras » l’envie de devenir écrivain, confiait la romancière Marie Darrieussecq à l’occasion du 50e anniversaire de la justicière masquée. (...)

   (...) Né en 1931 à Paris, Georges Chaulet écrit dès l’adolescence ses premiers romans, des polars. Bac en poche, il s’inscrit aux Beaux Arts de Paris. En 1952, il part faire son service militaire en Allemagne. « Un cauchemar», avouera-t-il. Il se réfugie alors dans l’écriture et décide d’en faire son métier. En 1957, il publie le premier tome de la série « Les 4 As » aux éditions Casterman avant de donner le jour à « Fantômette » en 1961.

   Cinquante-deux titres plus tard, le succès est toujours au rendez-vous. 5 millions d’exemplaires ont déjà été vendus. (...)


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"RAAAHHH!!!
J'vais tuer la Mort qu'a tué M'sieur Chaulet!"


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(Le même est-il l'identique?)


Le bon filon de la philo
Oliver Pironet

   (...) Décloisonner les champs du savoir, détricoter les frontières entre la sphère des idées, la science, la culture, l’art et la société, convier la philosophie à se confronter aux objets du quotidien, à parler du monde, de la vie, de l’amour, du sexe, en faisant usage de références culturelles insolites… Telle est la tâche que s’assignent désormais un certain nombre de philosophes, penseurs et intellectuels désireux de répondre à une « demande de sens » formulée par une part croissante du grand public. Se réclamant en particulier de Gilles Deleuze, ils entendent poursuivre le travail qu’il mena sur la « pop’philosophie », une expression forgée à l’origine pour désigner la démarche consistant à investir la culture populaire pour en proposer une approche philosophique.

   Or, loin de former un champ de recherche et encore moins une discipline constituée — ce que revendiquent d’ailleurs ses tenants [1] —, celle-ci s’avère plutôt un concept fourre-tout associé à une mode intellectuelle. Et représente un filon éditorial, dans lequel se sont engouffrés des auteurs habitués des ondes radiophoniques et des plateaux de télévision, sollicités à l’envi par les médias pour commenter l’actualité ou débattre de sujets de société [2] — comme si le fait de posséder un diplôme de philosophie légitimait ce genre de prestations.

   Située au croisement de la réflexion théorique, de l’analyse esthétique et peut-être surtout du marketing publicitaire, la « Semaine de la Pop Philosophie » qui s’est ouverte hier à Marseille (22 octobre) en est pour ainsi dire la grand-messe. Son credo : « Il faut absolument être pop » [3]

   Passé notamment par le film publicitaire avant d’officier comme « concepteur d’événements intellectuels », Jacques Serrano, le grand manitou du festival, a lancé cette opération annuelle à Marseille en 2009 afin de « réuni[r] des philosophes, des écrivains et des sociologues autour d’objets de la pop culture et de la culture médiatique. » Il espère drainer plusieurs milliers de personnes [4] dans des endroits aussi divers qu’improbables — ici, le Théâtre national de Marseille (un haut lieu de la haute culture), là, l’Espace Pernod (un club associatif dédié à la célèbre boisson alcoolisée), la boîte de nuit Le Trolleybus (antre de l’hédonisme et du divertissement), le pub-restaurant La Maison Hantée (un bar rock et gothique), l’Hôtel de ville (un symbole du pouvoir), etc. Le public est invité à méditer sur la pop fiction, la littérature jeunesse, la pornographie, les schtroumpfs, la drogue, la carte de fidélité, la corrida, la célébrité, le monde de l’entreprise, l’iPhilosophie, le football, le rap, le rétro-futurisme et les médias, à l’occasion de conférences-débats et de tables rondes menées par une trentaine d’intervenants. 

   Lesquels pourront faire l’article pour leurs ouvrages respectifs, puisqu’un « travail de promotion du livre est engagé en amont et au cours de cette semaine de rencontres-débats, en partenariats avec des éditeurs, des librairies et des bibliothèques ». (...)

Notes

[1] « C’est que “pop’philosophie” est beaucoup moins une notion qu’un mot d’ordre, certainement pas une discipline constituée ou même un champ de recherche clairement délimité, mais plutôt une injonction et un étendard. » (Stéphane Legrand, « La Pop Philosophie », dossier de presse du festival). A l’exception de celles référencées en notes de bas de pages, toutes les citations sont extraites du dossier de presse (PDF).

[2] « Nous appartenons à une génération qui a dévoré de la pub, ce qui nous a appris la vitesse et les codes pour savoir comment marquer des points à l’oral. » (Vincent Cespedes, cité par Claire Chartier, « La philo dans le micro », L’Express, 23 février 2011.) Sur ce sujet, lire Christophe Baconin, « Philosopher sans peine »,Le Monde diplomatique, janvier 2012.

[3] Stéphane Legrand, op. cit.

[4] La dernière édition à rassemblé au total près de trois mille participants. De l’aveu même de son directeur, ce raout intellectuel et culturel ne vise pas tant à toucher un public populaire qu’à susciter l’intérêt d’une élite peu friande de culture de masse : « Le public dont je rêve (…), c’est celui qui méprise les séries », confiait-il à l’occasion de la saison 2010 (« La Pop Philo vous attend à Marseille », Nouvelobs.com, 17 octobre 2010.).

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Luc Desle

dimanche 28 octobre 2012

"Cet alcoolique buvait plus vite qu'il ne respirait". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

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Pensées pour nous-mêmes:

(SI EN PARLANT TU T’ÉCOUTES,
LES AUTRES, EUX, NE LE NE FERONT PAS)

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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(51)
pcc Benoît Barvin


Happy Birthday

   L’oncle me racontait, pour la centième fois, une de ses histoires où il avait le beau rôle, du temps où il habitait les colonies. Il s’arrêta net. Il resta fixé quelques secondes sur la place vide, entre une Matra des années soixante dix et une 4/4, une Lada je crois. Puis il ouvrit la bouche et se mit à jurer: "Bon Dieu ! On me l’a volée... On m’a volé ma bagnole... Ma Duesenberg Royalton ! "

   Cette voiture était sa fierté. Le prix jouxtait les 30 mille euros et l’oncle était venu avec, six mois auparavant, dans notre ville moyenne. Inutile de dire que tous les habitants avaient défilé autour de la « merveille ». 

   Il s'agissait d'un cabriolet de 5,7 mètres de long, noir et blanc, avec un toit amovible, ce qui lui donnait l’allure d’un gigantesque squale qui aurait pris ses aises, après quelques affaires bien juteuses et bien sûr en marge de la loi. Une immense roue de secours était coincée contre le moteur, près de la porte du conducteur. Nous, ses deux neveux et sa nièce, nous pouvions nous amuser à rester sur le marchepied pendant que l’oncle faisait avancer son magnifique bolide à allure majestueuse dans les rues peu encombrées. 

   L’oncle avait d’ailleurs adopté un style de vieux richard revenu de tout. Il portait des costumes d’alpaga et des chaussures à bout rond. Il n’oubliait jamais de poser des pinces à l’endroit de ses jambes de pantalon et portait une casquette ressemblant à celles portées par les noceurs de la côte sud de la France. 

   Une moustache à l’anglaise rehaussait son côté vieux beau et, ma foi, en étant attentif, on pouvait remarquer le ballet incessant des regards admiratifs des jeunes dames de la ville sur son passage. L’oncle s’en allait souvent, le soir, pour faire quelques courses solitaires et il nous interdisait toujours de venir avec lui. Mon père sous-entendait souvent que ces virées avaient de très beaux yeux bleus, et ma mère, les lèvres pincées, lui rétorquait : « Pas devant les enfants ! De toute façon, tu ne sais pas ce que tu dis ! » 

   L’oncle nous aimait beaucoup. Mon père et lui étaient des frères, assez dissemblables d’ailleurs. Le premier ne dépensait son argent qu’avec parcimonie, le comptant et le recomptant sans cesse, cet argent venu de l’exploitation de la propriété. Il bougonnait quand ma mère lui demandait quelques billets pour s’acheter le « strict nécessaire ». Par désœuvrement  Maman - à l’époque sa longue chevelure était d’un roux flamboyant et sa taille de guêpe faisait sa fierté - se laissait courtiser par l’oncle...

   J’avais remarqué qu’il lui lançait des œillades et plutôt que de froncer les sourcils, ma mère lui renvoyait un sourire de connivence, ses joues se colorant alors d’une délicate rougeur. Je voyais la chose d’un très mauvais oeil. J’étais l’aîné et jaloux de tout mâle qui approchait trop près d'elle. Mon frère cadet, Joachim, était encore enfant; quant à ma soeur Joanna, elle ne s’intéressait qu’à ses poupées de chiffon. 

   L’oncle avait rapidement compris qu’il fallait faire de moi un allié fidèle, sous peine d’être constamment espionné. Il m’avait donc traité comme un « grand » et ses souvenirs, sa voiture, ses succès mêmes, m’impressionnaient favorablement. Même si je ne le lui avouais jamais. Je me méfiais cependant de sa trop grande assurance. Un soir il avait essayé de me mettre dans une confidence plus « pénible que les autres » avait-il confessé, mais j’avais prétexté une fatigue subite pour éviter d’être pris dans la nasse d’un secret trop lourd à porter. 

   Les jours coulaient avec insouciance. Nos vacances étaient joyeuses, surtout depuis la venue impromptue de l’oncle, que nous n’avions plus revu depuis cinq longues années. Mais, insensiblement, plus les jours de son départ approchaient, et plus l’humeur générale s’assombrissait. 

   Joachim fut surpris, dans le foin, à « faire quelque chose de sale » et il fut puni pendant deux jours. Joanna tomba malade et le docteur passa chaque matin vérifier l’évolution de son état. Mon père et ma mère, d’ordinaire diserts et très amoureux l’un de l’autre, commencèrent à se chamailler sans raison. 

   L’oncle, cependant, gardait le sourire. Mais je surpris d’étranges conciliabules entre lui et Maman et, un soir, alors que j’avais du mal à dormir et que je m’étais réfugié dans mon arbre favori, via la fenêtre de ma chambre près de laquelle une branche forte étendait sa ramure, j’entendis des murmures de voix. Je me penchai. C’était l’oncle et ma mère, tendrement enlacés, qui chuchotaient . 

   Je ne révélai pas ma cachette. Je me laissai aller à écouter leurs paroles qui m’arrivaient peu à peu par bribes. « ... Partir... Quitter tout le monde » disait l’oncle. « ... Impossible... Les enfants » lui répondait ma mère en sanglotant. 

   C’est le lendemain,jour de l'anniversaire de Maman, que la voiture de l’oncle fut volée. 

   - Ma Duesenberg, gémit encore ce dernier, ayant soudain perdu toute sa superbe... Qui a bien pu...? 
   Il me saisit le bras, me força à le regarder, alors qu’on s’attroupait autour de nous et il gronda, sourcils froncés : 
   - Tu n’as rien vu ? Tu étais là, dehors, pendant que j’achetais quelque chose pour ta mère... Tu étais chargé de surveiller la voiture ! Alors ? 

   Plus il parlait et plus la pression de ses doigts s’accentuait sur mon bras. Je ne dis rien mais me mis soudain à pleurer sous l’effet de la douleur. 
   - Allons, laissez-le ! Vous terrorisez cet enfant ! argumenta un marchand honorablement connu de la ville. Vous n’avez qu’à faire une déclaration de vol aux gendarmes. Ils vous la retrouveront votre bagnole... En tout cas, vous voilà prévenu ! On ne parade pas impunément dans les rues d’une petite ville avec une telle automobile ! 

   - Qu’est-ce que vous voulez dire ? rétorqua l’oncle en me lâchant et en se retournant vers l’importun, les poings serrés. 
   Les deux hommes s’affrontèrent du regard mais c’est l’oncle qui céda le premier. Il haussa les épaules et, à grands pas, se dirigea vers la gendarmerie pendant que le marchand me faisait signe de le suivre en vue de m’offrir quelques bonbons bienvenus. 

   Cette journée, quand j’y repense, fut des plus curieuses. Dans le lointain, un orage grondait. On entendait, dans les montagnes voisines, tempêter le tonnerre et les zébrures des éclairs claquaient comme autant de coups de fouets. 

   C’est ce jour-là que ma soeur put se lever et nous sourit enfin, après une semaine de semi-coma. Ma mère tendit la main à mon père qui, avec une hésitation, l’accepta. Mais ils ne furent pas réunis par leur baiser coutumier. 

   A l’heure du repas, l’oncle téléphona, furieux, arguant que tous les gradés du monde étaient des imbéciles et qu’il était obligé de rester en ville afin d’accélérer les recherches. J’écoutais la conversation qu'il eut avec ma mère, grâce au combiné téléphonique du premier étage. Aux tremblements de sa voix, je compris que l’oncle n'était pas dans son assiette. 

   La famille - et simplement elle - fut réunie pour fêter l’anniversaire de Maman. Le cadeau de mon oncle lui fut offert, mais sans le mot doux que j’avais auparavant pris la précaution d’ôter. Ma mère reçut la statuette antique du Dieu Cupidon en rosissant et je m’empressai de dire que l’instigateur en était mon père. 
   Cette fois elle blêmit légèrement mais, se reprenant, elle demanda qu’on lui pardonne car, ces derniers temps, elle avait été un rien « souffrante ». 

   Dans l’après-midi, mon oncle téléphona de nouveau. C’est moi qui prit la communication. Non, ma mère n’était pas là, dis-je en souriant intérieurement. Mais mon père pouvait venir le chercher. L’oncle avait l’air ennuyé, comme vidé de sa force habituelle mais, finalement, il accepta. 

   Mon père et moi – j'avais tenu à l'accompagner - nous mîmes deux bonnes heures à faire l’aller et le retour de la propriété à la ville. Nous chargeâmes l’oncle à la sortie de la cité. Nous ne rencontrâmes personne. La voiture de mon père eut un étrange hoquet près de l’étang qui jouxtait la propriété. Mon père et l’oncle descendirent. Mon père tenait à la main une clef anglaise. 

   Pour mettre le corps de l’oncle dans le coffre, ce ne fut pas chose aisée. Manoeuvrer plus tard sur la berge  nous prit un long moment, car le terrain boueux nous interdisait de prendre le moindre risque. J’étais tenaillé par la peur que ma mère nous surprenne, ce qui était invraisemblable, évidemment... Mon père suait sang et eau, les lèvres closes. Enfin, sortant le corps de l’oncle de sa cachette improvisée, nous lui attachâmes autour du cou une corde, lestée d’une lourde pierre. Papa s’avança sur le petit promontoire qui dominait l’étang, à cet endroit, en soutenant son frère, assommé et il poussa le corps inerte en avant. 

   L’oncle coula d’un seul bloc, comme aspiré par une quelconque monstrueuse gueule invisible. 

   Nous n’alertâmes les gendarmes que le lendemain soir. Le temps pour nous d’ôter à la Duesenberg - dissimulée dans un coin de la vieille grange, sous plusieurs balles de foin - les fauteuils de cuir fauve et de prendre les liasses entières de billets qui y étaient dissimulés. Il y avait également des extraits de journaux concernant un hold-up datant de quelques années et de la somme phénoménale qui avait été dérobée. Le journaliste précisait que les billets étaient non numérotés. On parlait également de plusieurs complices encerclés. Certains avaient été abattus, d’autres emprisonnés. Mais le cerveau de la bande était passé au travers des mailles du filet. Le dernier extrait relatait la fin misérable des deux derniers survivants, lors d’une tentative d’évasion ratée de la prison de Fresnes. 

   Les gendarmes nous interrogèrent sur les habitudes de l’oncle. Nous détaillâmes son genre de vie et, après ce récit édifiant, ils en conclurent que, ulcéré par le vol de sa voiture, l’oncle avait préféré s’en aller. Ne nous considérait-il pas tous comme des « pecnos », ainsi qu’il l’avait si élégamment asséné aux braves pandores. Mon père, la larme à l’œil, reconnut en sus que son frère avait toujours eu une vie « bizarre». 
   Le gradé serra la main de mon père avant de partir et assura qu’il ferait tout son possible pour retrouver la « vieille bagnole ». 

   Plusieurs jours plus tard nous reçûmes une lettre de l’oncle, postée de Buenos-Aires. 

   - N’est-ce pas la ville dans laquelle tu as ton vieil ami avocat ? demanda ma mère à mon père, qui lui tendait le mot. 
   - Cela fait longtemps qu’il a déménagé, répondit-il. 
   Ma mère lut la lettre, la posa sur la table et regarda mon père, les yeux plein de larmes. 
   - C’était la seule solution, je suppose... 

   Mon père lui ouvrit les bras. Un bonheur sans nuage m’envahit. Tout était comme avant. Joanna babillait dans sa chambre. Joachim, lui, avait dû retourner dans la paille pour vérifier l’intégrité de son anatomie. Cette fois, je me promis de ne plus jouer les rapporteurs... 

   Je sortis dans la cour, jetai un œil en direction de la vieille grange où reposait la Royalton que mon père m’avait donnée comme jouet et je me dirigeai vers la vieille bâtisse, l'esprit tranquille.

***

"Hé, toi le voyeur!
A la queue, comme tout le monde!"

(tutshieから)

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(L'étoile des neiges, engluée dans le sable,
n'en avait plus pour très longtemps)

starfish
source (zindeloから)


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(Le chat de ma Belle-Mère lui ressemblait
comme deux gouttes d'eau:
en plus aimable)



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"Hmmm...
- Qu'ess'tu dis...
AAAAAHHHH!!!"

(出典: corpsie (go-bananas-70sから)

(Cette intarissable bavarde venait de perdre
une occasion de se taire)


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Jacques Damboise (dit Jacquot le mauvais esprit)