Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

jeudi 26 septembre 2013

"Cet homme politique qui parlait de renouveau portait un sonotone". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

¤¤¤
Pensées pour nous-mêmes:

(LE VRAI N'EST PAS FORCEMENT 
DÉJÀ ECRIT)

¤¤¤

(L'horrible suceuse de pouce était insatiable)



¤¤¤

"Une Révolution? Pfff...
Donnez-leur un portable, flattez leur Ego,
et que vogue le navire..."


Conrad Veidt

Yannick Haenel, 
« La révolution est une expérience physique »
Entretien, par Clémentine Autain

   (...) / Regards.fr. On n’écrit pas un livre sur l’irruption révolutionnaire par hasard… Qu’est-ce qui vous a conduit à ce récit ? Pourquoi ce livre ? Pourquoi maintenant ?

  -  Yannick Haenel. Je n’aurais pas eu l’idée d’écrire "Les Renards pâles" il y a dix ans. Les rapports de force se sont durcis et il y a eu des choses précises qui m’y ont conduit. J’ai été frappé par le nombre de suicides en entreprise, en France comme en Italie où je vis maintenant. Ces suicides ne sont pas seulement ceux d’employés asservis mais touchent aussi de jeunes chefs d’entreprises. Et puis, un fait divers en Grèce, que l’on retrouve dans mon livre, m’a bouleversé : un clochard qui dormait dans une benne à ordure a été broyé dans une poubelle. C’est le traitement des déchets… humains. J’ai vu l’irracontable qu’il fallait raconter : cette société qui broie et transforme les individus en déchets. J’étais en train d’écrire un livre sur un personnage tentant de reconquérir un sentiment politique. J’écrivais sans idée de suite, une sorte de panorama sur le fait que le rapport à la vie concrète politique relève du dégoût. Un sentiment antipolitique s’est diffusé.

   Dans "Les Renards pâles", le personnage ne sait même pas qu’il y a des élections le jour du vote pour la présidentielle. C’est ce non contact avec la politique que je voulais raconter, et aussi le réveil qui se produit avec des rencontres. Sous Sarkozy, quand je revenais en France alors que je vivais à Rome, mes copains me racontaient des choses terrifiantes sur l’atmosphère, notamment la violence policière, le délire sécuritaire. Le politique s’est dénaturé : il n’exerce plus son pouvoir que dans le contrôle social, l’autoritarisme. Associé au règne du libéralisme économique, il y a une cohérence dont je voulais parler.

   / En vous lisant, j’ai été frappée par la place des corps. « Être là », dites-vous : c’est la présence des corps comme geste politique, à l’instar de ce que revendiquent les Indignés par exemple. Vous parlez aussi de la mémoire, de l’histoire politique, qui « traverse les corps disponibles ». La révolution passe par le corps ?

   - La révolution est une expérience physique. Il s’agit de regagner des forces, celles de l’insurrection possible, par le corps. J’aime beaucoup cette phrase de Walter Benjamin : « Procurer à la révolution les forces de l’ivresse. » C’est la manière dont les corps sont transportés et se rencontrent, d’où la fin du livre qui met en scène une rencontre érotique. Les Indignés ou les Anonymous m’ont évidemment inspiré. Depuis quelques années, brandir un masque est devenu un acte de rébellion. Et pour cause : c’est interdit et les caméras partout nous surveillent !

   Sans slogan, sans mot d’ordre, la présence suffit. Nous sommes dans une période de saturation de la communication qui empêche l’audition : on n’entend plus le discours politique. Donc ce sont les corps des gens qui se rassemblent en silence, qui interpellent. "Les renards pâles" ne disent rien. Mais même sans mot, il y a un sens à se rebeller : le retournement complet des rapports de force. Le fait que des gens qui vivent à la marge de la société se mettent ensemble au centre, occupent le centre (dans mon livre, ils sont place de la Concorde par exemple), c’est déjà la révolution. Ceux qui n’occupent aucune place reconnue prennent la place.

   / Vous semblez faire de la figure du sans-papiers le sujet de l’émancipation aujourd’hui, la figure à caractère universelle. La façon dont vous en parlez m’a fait penser à Alain Badiou. Vous a-t-il inspiré ?

   Je suis d’accord avec cette idée mais j’ai peu lu Badiou, davantage Jacques Rancière. Selon ce dernier, la disparition du prolétaire est remplacée par l’immigré, et a fortiori le sanspapiers. C’est pourquoi les gouvernements tapent particulièrement sur cette population : c’est elle qui pourrait avoir le plus de force insurrectionnelle. Lorsque le champ politique sacrifie des individus, ceux-là ont la possibilité de construire une contre-société, un contre-monde. C’est la société des « sans » : sans-papiers, sans-abri, san semploi. 

   Dans "Les Renards pâles", il n’y a pas de substrat théorique. À travers la déambulation dans Paris, se joue un réveil des mémoires, de la Révolution française, de la Commune. J’ai plus lu Frantz Fanon qu’Alain Badiou. La population masquée que je décris ne se rallie pas autour d’une idéologie mais à partir de gestes simples quotidiens. Ces personnages n’ont pas le temps de lire des livres entiers mais en attrapent des bouts par un nom de rue, des inscriptions sur les murs, des discussions. En 2005, au moment des émeutes en banlieue, événement politique majeur présent dans mon livre, ce sont des bribes qui ont mis le feu aux poudres et non un apprentissage d’école militante.

   / Vous sentez aujourd’hui un climat pré-révolutionnaire ?

   - Toutes les conditions sont là. Mais je suis incapable de dire si la révolution est sur le point d’advenir. Il y a un climat, des bribes. Après… (...)



¤¤¤

"Si la Révolution est proche?
..."


Hertha von Walther in Wilhelm Pabst’s Die freudlose Gasse
 (The street of sorrow), 1925

¤¤¤
Benoît Barvin

Aucun commentaire: