Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.
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lundi 2 février 2015

"Ce parfum sentait bon la canaille trop argentée". Jacques Damboise in "Pensées de l'à-peu près".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LE MAÎTRE PEUT-IL
PORTER DES BASKETS?)

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CHARLIE HEBDO :
ÊTRE AIMÉ PAR DES CONS, 
C'EST DUR, ÊTRE HAÏ PAR DES AMIS, 
C'EST PIRE

Camille Emmanuelle.

   Depuis trois semaines, je dois me taire. Mariée à un dessinateur de Charlie Hebdo, Luz, je suis dans «l’oeil du cyclone». Journaliste, je suis habituée à «l’ouvrir», ou en tout cas à écrire sur le monde qui m’entoure. Mais j’écris principalement sur les sexualités, le cul, le porno, le féminisme, le genre. Pas sur le terrorisme. Et je ne veux pas être une «vampire», profitant de ma proximité, ces derniers temps, avec l’équipe survivante, pour «révéler des infos exclusives». Quelle horreur. 

   Enfin, mon rôle est ailleurs. Pas de faire des quiches et des cookies, je suis la pire cuisinière du monde. Mais de soutenir moralement l’homme que j’aime et qui va traverser une longue période de deuils, de parler des heures des amis disparus comme de l’avenir, intime et professionnel, de lui rouler des pelles, d’être forte, de lui parler des articles intelligents que j’ai lus, de rire et de pleurer, de lui offrir des livres érotiques, de rassurer nos proches, et d’essayer de vivre une vie à peu près normale, avec les trois flics qui le protègent 24h sur 24.

   Donc je dois me taire, même quand je vois des bêtises ou des contresens écrits dans les journaux et relayés sur les réseaux sociaux. Le site L’Internaute, hyper-premier degré, titre «Charb : Luz avoue avoir été son amant lors des obsèques» ? C’est drôle. Jusqu’à ce que des haters sur Twitter se lâchent et traitent de «grosses tapettes» les gens de Charlie. Dans le Plus du Nouvel Obs, une bloggeuse médias critique le fait que la dernière couv' représente le prophète avec une tête de bite ? Je suis tentée de lui conseiller de faire son métier de bloggeuse médias et de regarder les anciens Charlie Hebdo (Luz a toujours dessiné le prophète ainsi, sans jamais penser à une bite), mais aussi de lui proposer d’aller voir un psy («Docteur, dans cette tâche d’encre, je ne vois pas un papillon, mais une bite. C’est grave?»).

   Mais hier, une militante du STRASS (Syndicat du Travail Sexuel) que je lis et admire depuis des années, Morgane Merteuil, relaie sur son Facebook un article de Cécile Lhuillier, ancienne présidente d’Act Up-Paris et militante LGBT et féministe, paru sur le site de Têtu. Selon Cécile Lhuillier, Charlie Hebdo «est devenu un journal raciste, homophobe, transphobe, sexiste et tout particulièrement islamophobe». Il manque arachnophobe, non ? Sur le Facebook de Morgane, qui soutient cette tribune, il est posté en commentaires des dizaines de couvertures «prouvant» le racisme, le sexisme, la putophobie etc. de Charlie. Une douzaine de dessins, donc, sur les milliers publiés depuis plus de 20 ans.

   Etre aimés par des cons, c’est dur, mais être haïs par des «amis», ce n’est pas facile non plus. Je partage en grande partie les idées du STRASS et je tente, à mon petit niveau, de défendre les droits LGBT et féministes. Je me souviens qu’en décembre dernier, après un article que j’avais écrit sur le sujet pour les Inrocks, j’avais informé Luz de l’organisation d’une manif pour les droits des travailleurs(ses) sexuels(elles), organisée par le Strass et les Roses d’Acier, et il en avait fait un magnifique reportage, donnant la parole à ces travailleuses du sexe chinoises. Mais cela ne compte pas. On ne retient que les dessins jugés «putophobes» ou «transphobes». 

   C’est tellement plus facile, d’oublier qu’il y avait des débats houleux au sein de la rédaction sur la prostitution. C’est tellement plus facile, d’oublier que les dessinateurs de Charlie Hebdo se moquaient plus des hétéros beaufs que des gays ou des lesbiennes, qu’ils soutenaient le mariage pour tous et se moquaient violemment des manifs pour tous. C’est tellement plus cool, quand on est militant dans une organisation qui défend les «opprimés», d’être «contre» la masse, les médias, l’unité nationale. En oubliant que Charlie Hebdo conchie aussi le discours de masse et les symboles, et n’était pas, dernièrement, soutenu par grand'monde.

   Je dois me taire. Mais quand je vois certains militants, pro-putes ou LGBT ou féministes, des gens dont je partage les combats, communiquer sur leur «différence», en crachant sur des morts qui ne peuvent plus répondre, j’enlève le bâillon que je me suis mise moi-même sur la bouche. Quitte à mettre encore plus d’huile sur le feu, quitte à être récupérée ou à ne pas être comprise. M’en fous. Faut pas pousser mémé dans les orties.

   Je ne me tais plus.

   J’ai été élevée au sein d’une famille de gauche, et dans la bibliothèque parentale, il y avait le saint triptyque : «Reiser - Franquin - Manara». Ce n’est pas tout à fait «Jésus-Marie-Joseph», mais j’ai appris dès 6 ans ce que voulait dire «couilles», «peine de mort» et «clitoris». La base. En grandissant, je me suis un peu éloignée de la culture anarcho-coco-gaucho-manu-chao. Tout en admettant que j’avais heureusement reçu une culture internationale, antiraciste, antimilitariste, antilibérale, anticolonialiste, féministe et remplie de dessins de gens qui baisaient joyeusement, j’ai préféré acheter Les Inrocks plutôt que Charlie, et lire Anaïs Nin plutôt que Derrida. Petite bourgeoise que je suis.

   Mais, plusieurs années plus tard, je suis tombée amoureuse d’un «mec de Charlie». Je n’avais pas lu ce journal depuis le lycée quand je l’ai rencontré. Donc je l’ai ouvert, 15 ans après. J’ai ri en lisant la BD qu’il fait avec Sarah Constantin,Stouf le skin. J’ai découvert avec émotion les chroniques de Patrick Pelloux sur les urgences. J’ai dévoré les textes antilibéraux de Bernard Maris. J’ai détesté la dernière couv' de Charb sur la GPA, mais ri très fort à chacun de ses Maurice et Patapon et à ses «Fatwa». Je suis tombée amoureuse du dessin de Catherine Meurisse. J’ai été jalouse du talent de narratrice de Sigolène. J’ai râlé sur la façon dont Wolinski dessinait les femmes. J’ai lu les textes de Laurent Léger en me disant qu’il restait peu d’enquêteurs de cette envergure, en France. J’ai voulu rencontrer Zineb El Rhazoui pour lui poser des questions sur les putes mecs au Maroc. 

   Je me suis demandée comment Simon, le webmaster, gérait la haine quotidienne sur les réseaux sociaux. J’ai appris avec étonnement que la dessinatrice Coco était aussi jeune. J’ai adoré voir mon mec dessiner chaque semaine des bonhommes et des bonnes femmes, tandis que moi, dans la pièce d’à côté, j’écrivais sur les femmes et sur les hommes. On partait de temps en temps en reportage ensemble. Il m’a emmené en week-end à l'université d’été de la Manif pour Tous, pour démonter, ensuite, chacun dans notre journal, avec humour, leurs idéologies. Je l'ai emmené dans des soirées fetish berlinoises, il en fait un reportage pour Charlie, trash, sexy, et drôle. Rhaaaa l'amour.

   Quand en octobre, il a appellé Charb, son rédac' chef et ami, pour lui dire «hé, ça te dit un reportage sur un festival à Berlin? C’est un festival de films pornos féministes et queers», Charb lui a répondu «toi… tu pars en week-end avec ta femme, non? Ok vas-y, super, fais-nous une page». Car c’est ça aussi Charlie. Un putain de journal où tu peux faire une page entière de reportages sur le Porn Film Festival de Berlin. Moi, journaliste, féministe pro-sexe, pro-porno, pro-putes (cisgenre et blanche hein, désolée, nobody’s perfect) et payée moins de cinquante euros le feuillet, je suis jalouse de sa liberté. 

   Charlie Hebdo, c’est un journal non-pas symbole de la liberté d’expression, mais un journal dans lequel les journalistes et les dessinateurs sont libres. Ce n’est pas un journal de Lagardère. Il plaît, il est détesté, il est poétique, politique ou vulgaire. Ses couvs' ne font pas rire la Terre entière, et certains les ont utilisées pour justifier leur folie terroriste et meurtrière. Mais personne ne nous oblige à acheter ce journal ou à rire de chaque dessin. Traitez-les de tous les noms d’oiseaux. A base de «-phobe». Mais ce n’est pas la peur, le sujet de ce journal imparfait. C’est ce monde absurde, complexe, bordélique, et finalement risible.

   J’ai arrêté de me taire hier soir. Et j’ai essayé de me calmer, de ne pas trop m’énerver toute seule devant mon ordi. Puis ce matin, dans un article de LaDépêche.fr très problématique à différents points de vue, Nancy Huston, auteur féministe dont j’apprécie la plume romanesque, déclare qu’elle a «toujours détesté l'image des femmes et des homosexuels qui transparaissaient dans les dessins deCharlie Hebdo». C’est son droit. Liberté d’expression, nanani, nanana… Mais putain, ce sont des caricatures, bordel ! Je sais que c’est un argument «facile», mais c’est le seul qui ait du sens. Je ne me tais plus mais je ne trouve plus les mots.

  Heureusement, une amie Facebook, Abnousse, a une réponse qui résume ma pensée : «C’est tout à fait idiot ce qu'elle dit-là. En tant que femme, des caricatures qui rient de la femme comme objet sexuel volontaire, comme mère de famille rétrograde ou jeune fille décérébrée n'insultent pas ma dignité. En tant que femme, les caricatures sur les femmes aliénées volontairement me font rire. Comme toute formes de caricatures qui détournent les dogmes, les préjugés, les intolérances pour les ridiculiser et détruire par le rire leur pouvoir néfaste. En tant que femme, ce qui me choque, ce n'est pas le "problème de virilité" des dessinateurs de Charlie mais le problème de la discrimination des femmes. En tant que femme, j'aimerais être caricaturée comme un homme, parce que je suis pas en sucre et que j'ai de l'humour et de l'intelligence».

   Pour revenir au premier sujet de mon courroux, ou plutôt de ma tristesse - l’article de Cécile Lhuillier, relayé par Morgane du STRASS -, se positionner politiquement «anti-unité-nationale-je-suis-Charlie», c’est logique. En tant que militants de mouvements qui défendent le droit à la différence, cela leur redonne une légitimité de «hé, regardez, nous on n’est pas des moutons !». Mais c’est un aveuglement idéologique. Et la fable de La Fontaine Le Coq, le Mouton et le Dindon m’a appris très jeune qu’il fallait mieux parfois être un mouton qui «parle rarement, et n'en pense pas davantage» plutôt qu’un dindon avec de «sots discours et des airs fanfarons, des extases sur son plumage, des mots, des cris, un caquetage, à troubler tous les environs». Je vais de mon côté, avant de devenir une dinde, revenir dès à présent à ma position de mouton taiseux.

   Evidemment je continuerai, personnellement et professionnellement, à soutenir le STRASS et bien sûr les causes LGBT et féministes. Car je ne mets pas tout le monde dans le même sac (à vomi). Mais je continuerai aussi à lire Charlie Hebdo. 

   Je vous préviens : le premier qui me fait rire a gagné.


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Luc Desle

jeudi 14 mars 2013

"Après sa création, Dieu comprit qu'il avait échoué à son examen". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LA TERRE EST UN GRAIN DE BLÉ
DANS L'IMMENSE UNIVERS)

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"Enfin on nous rend hommage...
Appelez-moi m'am'zelle Tarzan"


Singeries
Guillaume Liégard

   (...) En énonçant que l’homme descend du singe, Charles Darwin provoqua un beau scandale. On sait depuis que la réalité est bien pire : l’homme ne descend pas du singe, il est un singe comme les autres !

   
Les deux clades ci-dessus indiquent la même chose sur le fond, mais n’induisent pas nécessairement la même symbolique.

   - Le premier très traditionnel place l’homme en bout de chaîne et sous-tend le message suivant : l’homme est plus proche du chimpanzé que du gorille. A part quelques créationnistes acharnés, c’est une conclusion tout à fait admise.
   - Le second, tout aussi vrai, ne dit pas autre chose. Mais si on se place du point de vue du chimpanzé, on peut le traduire de la manière suivante : le chimpanzé est plus proche de l’homme que du gorille. Si cette affirmation ne fait pas de doute du point de vue de la biologie moléculaire, testez-là autour de vous et vous verrez qu’elle ne relèvera pas de la même évidence que la première conclusion.

   Excepté la haute opinion que nous avons de nous-mêmes, il n’y a pas lieu d’un point de vue phylogénétique de constituer deux groupes séparés entre l’homme d’un côté et les grands singes de l’autre. Il existe d’ailleurs un débat pour savoir s’il faut inclure, ou non, les chimpanzés dans le genre homo. De plus, il est désormais bien établi que ce qui a été longtemps considéré comme le propre de l’homme, par exemple l’utilisation d’outils, la transmission culturelle ou la sexualité existe aussi chez d’autres grands mammifères en particulier chez les grands singes. Mais alors que nous reste-t-il ? (...)

   (...) Que nous dit Lucien Sève (auteur d'un article, dans l'Humanité, consacré au film de Disney "Chimpanzés) :« Ce qui fait frontière entre les grands singes et nous, ce n’est pas une série de propres individuels mais un gigantesque propre social : le cumul historique continu de productions collectives ».

   Il est absolument incontestable que « ce cumul historique »marque une vraie spécificité entre nos sociétés d’aujourd’hui et les populations de grands singes, mais du coup se posent immédiatement deux questions. Comment caractériser homo sapiens jusqu’à la révolution néolithique, c’est à dire au mieux jusqu’à 10/12 000 ans avant le temps présent ? Et comment définir les populations, certes numériquement très faibles, de chasseurs/cueilleurs qui subsistent dans les grandes forêts primaires d’Amazonie, de Papouaisie, voire d’Afrique équatoriale ? 

   Incontestablement ces populations d’hier et d’aujourd’hui font bien partie de la même espèce que nous et d’ailleurs personne ne le conteste, mais il n’y a pas de doute que ces populations n’ont pas organisé la production sociale des moyens de subsistance. Le travail ne saurait donc être un discriminant suffisant. Il est donc inutile et peut-être dangereux d’identifier comme le fait Sève le propre de l’humanité avec l’existence d’atelier. Une phrase comme celle-ci, « ce qui a produit le passage d’Homo sapiens au genre humain civilisé, ce n’est pas la nature mais l’histoire sociale » peut aussi avoir une interprétation détestable. (...)


Lire l'article sur:

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"Si je m'habille tous les jours comme ça?
Evidemment, cette question!"

photo by Peter Basch 1963

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"Croix de bois, croix de fer,
si je mens, je le dis à l'UMP
qui ne rectifiera pas"

Vite fait, bien faux
Pierre Rimbert

   (...) Quoi de plus savoureux qu’une fausse information rebondissant de support en support au gré des reprises non vérifiées ? Le 7 janvier 2011, le journaliste Jean Quatremer met en ligne sur son blog Coulisses de Bruxelles un texte sobrement intitulé « Jean-Luc Mélenchon aime la dictature cubaine et le dit (bis) ». Sur la base d’une information communiquée par un internaute, il écrit à propos du coprésident du Parti de gauche : « Comme me l’a signalé Toral, voici ce qu’il[M. Mélenchon] déclarait au Monde diplomatique daté du 5 juillet 2010 : “(…) Je félicite Cuba, sa résistance et les contributions qu’elle a faites à la science, à la culture, au sport et à l’histoire universelle.”» Las, la référence est (doublement) erronée : non seulement le propos de M. Mélenchon n’a pas été publié par Le Monde diplomatique, mais ce journal, arrimé depuis 1954 à une périodicité mensuelle, n’est daté d’aucun jour particulier comme un simple coup d’œil à la « une » suffit à s’en convaincre. Il n’y a donc pas plus de Monde diplomatique « daté du 5 juillet 2010 » que de beurre en broche.

   Cette vétille aurait pu s’abîmer sans bruit dans la fosse commune des bévues de presse si la négligence de Quatremer n’avait cette fois fonctionné comme un test collectif de paresse intellectuelle. En effet, la référence falsifiée réapparaît le 17 avril 2012 — cinq jours avant le premier tour du scrutin présidentiel — dans un article de l’essayiste anticastriste Jacobo Machover publié par le site d’information Atlantico. On y lit : « “Je félicite Cuba, sa résistance et les contributions qu’elle a faites à la science, à la culture, au sport et à l’histoire universelle”, déclarait Jean-Luc Mélenchon dans Le Monde diplomatique de juillet 2010. » La précision « daté du 5 » a disparu mais la fausse référence demeure, Machover, parfois décrit comme « universitaire », n’ayant pas jugé utile de la vérifier.

   L’idée n’a pas davantage effleuré M. Jean-François Copé. Dans sonManifeste pour une droite décomplexée (Fayard, 2012), le secrétaire général de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) se lance dans une diatribe contre M. Mélenchon et le Front de gauche. « Quel leader politique peut affirmer sans rire qu’il “félicite Cuba, sa résistance et les contributions qu’elle a faites à la science, à la culture, au sport et à l’histoire universelle ? (1)” Jean-Luc Mélenchon ! », écrit-il page 188. Une note précise : « 1. Le Monde diplomatique, 5 juillet 2010. » Copié-collé : signe d’usure, style d’avenir. (...)

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Benoît Barvin