Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.
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lundi 28 octobre 2013

"Lassé du mensonge des hommes politiques, il avala une vraie couleuvre". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LA PAIX EST DANS TON ÂME
PAS DANS TON PORTEFEUILLE)

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"J'adore l'automne... quand les illusions se ramassent à la pelle..."


Calvin and Hobbes
Bill Watterson


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"M'dâme, pourquoi vous me regardez pas?
Pass que je suis noire?
- Non, parce que tu es pauvre"


ELSIE FERGUSON - STAGE & SILENT FILM STAR 1921

« Chavs » : comment on diabolise
 la classe ouvrière (Dewereldmorgen)

Lode VANOOST
Traduction du néerlandais par Anne Meert pour Investig’Action

   (...) Avec « Chavs : diabolisation de la classe ouvrière britannique », le journaliste britannique Owen Jones a écrit une analyse percutante de la société britannique après quarante années de destruction sociale par le néolibéralisme. L’élite politico-économique britannique a redistribué les cartes vers le haut, avec les syndicats comme ennemi n° 1. Plus besoin d’une autorité socialement responsable. Il n’y a que des profiteurs… les « chavs » ?...  L’origine de l’insulte anglaise « chavs », dans le titre du livre n’est pas claire du tout. Selon certains cela remonte à un terme romani pour « enfant ». Selon d’autres c’est l’acronyme de « Council Housed And Violent » (habitant un logement social et violents). Aujourd’hui « chavs » est le terme généralement utilisé pour diaboliser la couche sociale inférieure et privée de sa dignité sociale. « Chavs » ? C’est bien leur propre faute, non ? (...)

   (...) Après ses études, Owen Jones (1984) a travaillé comme chercheur sur les syndicats et le parlement. Il écrit une chronique hebdomadaire dans le quotidien britannique The Independent. Son inspiration est clairement de gauche, ce qui est tout sauf évident dans le paysage médiatique britannique aujourd’hui (du moins si on ne confond pas « la gauche » avec ce qui passe pour la gauche dans le Labour, le parti travailliste)Le grand succès du livre a amené l’auteur à ajouter un bref « avant-propos » à la deuxième édition anglaise. Owen Jones ne donne qu’une explication : « Le succès du livre est bien plus lié au fait que la notion de « classe » fait son retour après disparition ... Chavs est ma contribution modeste et limitée pour briser le silence autour de la problématique des classes».

   Owen Jones a écrit ce livre il y a deux ans, à peine âgé de 27 ans. Ce n’est donc pas l’œuvre d’un sexagénaire radotant qui a tout vécu lui-même. Au contraire, l’auteur est un jeune novice qui a grandi sous Tony Blair.

   Il argumente sa thèse en huit chapitres . Il commence par un certain nombre d’exemples de stéréotypes qui reviennent sans cesse dans les sitcoms britanniques. La plupart nous sont plutôt inconnus, sauf peut-être la série « Keeping Up Appearances » (Sauver les apparences), avec l’éternel fainéant bordélique Onslow et la ridicule petite-bourgeoise Hyacinth. La Grande-Bretagne est une société où l’inégalité des chances est coulée dans le moule du système. On assiste toutefois à une résistance car on se rend compte que cela ne peut pas durer (ce dont témoigne notamment le succès de ce livre). (...)

   (...) C’est dans la période aux affaires du Premier ministre Margaret Thatcher (1979-1990) que l’auteur voit le début d’une stratégie délibérée d’anéantissement du rôle social correcteur des pouvoirs publics. Les assertions « There is no such thing as society, there are only individuals » et « There is no alternative » sont de sa bouche.

   Mais Thatcher n’était pas seulement une forte personnalité avec une opinion. Ses idées sur le rôle de l’État n’avaient rien de neuf mais remontaient à une vieille tradition au sein du Parti Conservateur. La première raison d’être de ce parti avait toujours été l’exercice permanent du pouvoir et le maintien des privilèges pour les uns basés sur l’exploitation des autres. Le livre mentionne quelques politiciens conservateurs qui s’en réclament clairement. (...)

   (...) C’est à cette époque qu’a commencé l’agression contre les organisations sociales qui protégeaient le mieux la population laborieuse : les syndicats. En achetant du charbon polonais et sud-africain (en dépit du boycott onusien contre le régime d’apartheid), Thatcher a su faire plier le syndicat des mineurs après une grève d’une année. Les syndicats britanniques n’ont jamais réussi à se relever de cette défaite.

   Mais selon Owen Jones, Thatcher n’est pas a seule cause de la destruction sociale. Ce qui a eu tout autant d’influence c’est la décision du Labour de rompre définitivement avec sa base historique. Le Labour est devenu le New Labour : un parti de la classe moyenne. « Working class » est devenu une insulte.

   Ces trente dernières années la Grande-Bretagne a été bouleversée en profondeur. Pourquoi, se demande l’auteur, le terme « Working class » est-il devenu injurieux alors qu’il définit justement ce qu’est une grande partie de la population britannique ? Pourquoi préfère-t-elle s’appeler « lower middle class » alors qu’au niveau des salaires elle diverge à peine (et gagne parfois moins) de ces « ouvriers » tellement méprisés ?

   La raison de cette attitude est que pendant des années, les partis politiques, les grandes entreprises et les médias ont diabolisé ceux qui sont juste en-dessous d’eux (et souvent aussi à côté d’eux). Les « classes moyennes » ont fini par croire que si cette population échouait, elle était elle-même coupable de son sort. Elle faisait son propre malheur. Donc, pas besoin de se sentir responsables ou solidaires. (...) 

   (...) Les partis politiques n’ont pas seulement diabolisé via les médias. Ils ont aussi fait de leur mieux pour diffuser de « l’information ». Récemment encore, en 2010, le Parti Conservateur publiait un pamphlet intitulé « Labour’s Two Nations » (« les deux nations du Parti travailliste »). Il visait notamment à montrer qu’une grave épidémie de grossesses d’adolescentes sévissait dans les quartiers pauvres.

   On pouvait y lire : « Dans les quartiers les plus arriérés, 54 % sont enceintes avant leurs 18 ans, comparé à seulement 19 % dans les quartiers moins arriérés ».Les chiffres semblaient exacts, à une virgule près … Le vrai chiffre était : 5,4 %. On ne disait pas non plus que ce chiffre baissait sans interruption depuis 10 ans. Un petit mensonge pour la bonne cause ?

   En réalité en 2007 environ 11,4 % de toutes les Britanniques étaient enceintes avant leur vingtième anniversaire. « C’est à peu près autant que dans les années ’50, l’âge d’or des valeurs familiales conservatrices ». (...) 

   L’auteur cite notamment l’historien de la politique Ross McKibbin, selon qui la fonction du Parti Conservateur est de « défendre l’inégalité. Cela a toujours été le cas. C’est ainsi partout dans le monde avec les partis conservateurs. Ils sont là pour défendre les inégalités et les privilèges sociaux ». (comme la Droite française?)

   Non pas que ce soit mieux chez l’autre grand parti. « La philosophie du New Labour ne s’enracine pas dans l’amélioration du sort de la classe ouvrière, mais dans l’évasion hors de la classe ouvrière ». Le Labour tablait sur le fait que les travailleurs qui voulaient devenir membres de la classe moyenne continueraient de voter pour lui et que les autres - « les travailleurs qui ne voulaient pas progresser » - n’avaient nulle autre parti où aller et n’allaient sans doute même pas voter. (...) 

   Owen Jones dans son livre : « La classe ouvrière britannique est systématiquement ridiculisée dans les journaux, à la télévision, sur Facebook et dans les conversations de tous les jours. C’est cela qu’implique la diabolisation de la classe ouvrière. Et pourtant, presque quatre hommes sur dix travaillent toujours comme travailleurs manuels ... Plus de huit millions de Britanniques « effectuent encore toujours un travail de leurs mains et huit autres millions travaillent dans un bureau, dans la vente, ou au service de clients. Cela veut donc dire bien plus que la moitié des salariés ... ».

   Néanmoins la résistance sociale reste coriace. En dépit des ces incessantes campagnes de diffamation et des comptes-rendus ouvertement unilatéraux sur les conflits sociaux, les syndicats sont toujours les plus grandes organisations sociales du pays. Le nombre de leurs adhérents a fortement baissé, passant de 13 millions en 1979 à juste un peu plus de 7 millions aujourd’hui. Mais ils sont toujours là. (...) 

   (...) « Le recul est encore plus odieux quand on sait que plus de la moitié des salariés du secteur public sont membres d’un syndicat, contre 15 % seulement dans le secteur privé. Les nouveaux emplois dans le secteur des services sont une zone quasiment privée de syndicats » Aujourd’hui seuls les Roumains et les Bulgares travaillent encore plus longtemps que les Britanniques.

   S’ils n’ont pas de travail, ce sont des profiteurs. Un des ingrédients obligatoires de la diabolisation est le mythe selon lequel les « chavs » sont tous des fainéants qui profitent de la sécurité sociale. Ici aussi, il apparaît que la réalité est différente. L’évasion fiscale en GB coûte au Trésor environ 70 milliards de £ par an (83 milliards d’€). C’est 70 fois plus que le total des fraudes aux allocations. (...) 

   Ce n’est pas que les solutions possibles ne sont pas connues. On sait depuis des dizaines d’années ce qui peut aider les plus pauvres à avancer. « Les perspectives pour les enfants d’ouvriers s’améliorent énormément grâce à la sécurité des rues où ils jouent ; à de bonnes écoles et de bons logements ; à des membres de la famille qui soient aidants, sous l’une ou l’autre forme ; à de bons équipements locaux ; et à une économie locale forte avec un éventail d’offres d’emplois décents pour la classe laborieuse.

   Mais selon Jones, cela ne s’arrête pas là. Ce qui est en cause, c’est bien plus que les circonstances externes. La classe dans laquelle on grandit enfant détermine encore de tant d’autres façons les chances qu’on recevra dans la vie. (...)

   (...) Le mythe veut que la classe moyenne et l’élite supérieure sont ce qu’elles sont parce qu’elles ont « travaillé » pour y arriver. Celui qui est pauvre l’a vraiment choisi. C’est là une théorie bien utile. Elle dispense le contribuable d’obligations envers son prochain. Elle permet aussi de couper sans pitié dans la sécurité sociale sans avoir l’air d’être sans cœur. Le mythe du travailleur méritant n’a pas grand-chose à voir avec la réalité.

   Tout commence avec le fait que les enfants de la classe moyenne reçoivent un meilleur départ, qui ne repose pas sur de meilleurs prestations, sauf si « être né dans une certaine classe » s’appelle un mérite. « Les enfants de milieu privilégié profitent hors de toute proportion du réseau et des contacts de leurs parents. Beaucoup obtiennent l’emploi qu’ils souhaitent autant par une recommandation ou par des amis d’amis que par leurs qualifications personnelles. Un enfant d’ouvrier de Glasgow ou de Liverpool ne peut que rêver de tels pistons » (...) 

   Owen Jones donne un autre exemple très typique de l’inégalité des chances sur le marché du travail. Aujourd’hui, faire un stage est une des manières les plus courantes pour les jeunes de faire leurs premiers pas professionnels après leurs études. « … rien n’a davantage contribué à faire des professions les plus importantes un bastion fermé réservé à la classe moyenne que la montée des stagiaires … surtout dans la politique, la justice, les médias (!) et la mode. Ce n’est pas seulement de l’exploitation. Cela veut dire aussi que seuls des jeunes ayant les moyens et vivant aux crochets de papa-maman peuvent se permettre ce premier pas das la chasse à un emploi rémunéré ». (...) 

   Entre-temps « les gens … ont plus peur du crime, alors que les chiffres montrent qu’il est en baisse. Tout cela est en rapport avec le journalisme à sensation et avec le langage provocateur des hommes politiques ».

   « Aujourd’hui les politiciens des grands partis ne sont pas disposés à émettre le moindre doute sur les présupposés fondamentaux du système économique moderne. Au lieu de le faire ils attirent l’attention sur des choses accessoires, ce qui a l’avantage de mieux coller aux préjugés de la population et aussi de bénéficier de l’appui tonitruant des médias de droite ».

   Cela revient à ceci : « la diabolisation des gens de la classe ouvrière est une manière rationnelle de justifier un système irrationnel ». (...)

   L’auteur voit l’avenir du système politique sous de sombres couleurs. Les « chavs » ne trouvent plus aucune adhésion à la politique parlementaire. Cette politique est redevenue une lutte entre factions de l’élite politique à propos de trivialités, tandis que le reste est totalement extérieur et regarde, apathique, comme au XIXème siècle. La couche inférieure est réduite à une masse passive et doit évidemment se résigner à son sort naturel, c’est ce que cela revient à dire.

   Il y a encore tant de choses dans ce livre qui, de plus, se laisse dévorer – ce qui est exceptionnel pour un livre politique de non-fiction. L’auteur met aussi en pièces une idée en vogue, ici comme ailleurs : mettre les écoles en concurrence sur base de leurs résultats, du nombre d’élèves qui passent avec succès à l’université. Le technique ou le professionnel ? (...) 

   Cela favorise encore plus la classe moyenne. Donc les formations techniques et professionnelles tomberont encore davantage dans la zone tabou, alors que ce sont des orientations où tant de talents pourraient se déployer. Au lieu de cela elles deviennent le dépotoir des malheureux que l’on persuade qu’ils ne sont bons à rien de mieux.

   Ce livre est une lecture obligatoire pour tout parti politique qui ose encore se qualifier de gauche et social. Ce n’est un livre joyeux, les perspectives sont sombres. Il peut néanmoins contribuer à une vision rénovée dans l’intérêt de la lutte sociale pour une société équitable et légitime, où chacun a droit à une existence dans la dignité.

   Pour conclure : celui qui lit ce livre avec un esprit ouvert reconnaîtra en lui-même des parts du succès de la diabolisation des plus pauvres d’entre nous. L’auteur lui-même de cette recension doit avouer qu’il a quelquefois tiqué en reconnaissant en lui-même certaines choses qu’il lisait ...cette tendance inconsciente à considérer presque automatiquement les valeurs de la classe moyenne comme des normes universelles.

Un livre très riche d’enseignements ! (pour nous autres Français également...)


PS: La version originale est parue chez Verso en 2012 sous le titre : « Chavs. The Demonization of the British Working Class », et c’est déjà devenu un classique indispensable de la non-fiction sociale.
La traduction néerlandaise de « Chavs » est parue le 23 septembre chez EPO, préfacée par le Belgo-Britannique Nigel Williams.

Source originale : Dewereldmorgen


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(Plan secret du Résident actuel 
pour une meilleure gouvernance)



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Luc Desle

lundi 17 juin 2013

"Les Anonymes Anonymes étaient un Association très très secrète". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(CHACUNE DE TES PENSÉES
EST UN ACTE)

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LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/40)
pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste


   Chez Maître Pavèse, Angélus confectionne des baumes destinés à calmer sa chair martyrisée..

ANGÉLUS 
ou 
LES SECRETS DE L’IMPALPABLE



L-apothicaire-reproduction-en-couleur-d-une-gravure-sur-bois-
de-la-serie-des-metiers-imagerie-Pellerin-milieu-20e-siecle


   Alors commença pour Angélus une période de fiévreuses recherches, agrémentée du fait que Giorgio n’était autre que le jeune homme rencontré à Rodez. Ce dernier ne le reconnut pas. Par contre Angélus avait gardé de lui une impression très vive et il sut, en le revoyant, pourquoi : Giorgio avait une carnation d’ange, une peau à faire pâlir d’envie toutes les jeunes filles de Florence. 

   Le jeune italien était par contre très maladroit. Il se coupait sans cesse en maniant les lamelles et les instruments en verre. Angélus remarqua bien vite qu’il cicatrisait avec une rapidité extraordinaire. Là où d’autres auraient eu une profonde cicatrice, il avait le derme intact, aussi lisse qu’avant. C’était là chose incroyable, tout autant diabolique que ce qui arrivait aux brûlures d’Angélus. 

   Cette semaine-là, Giorgio se fit une entaille au pouce gauche en coupant menu des feuilles d’eucalyptus. Angélus, qui se trouvait à ses côtés, se proposa pour le soigner. Ce qu’il fit avec adresse car il savait non seulement arrêter les hémorragies, mais encore la douleur qui en l’occurrence était très vive. 

   En mettant de l’ordre sur la paillasse et en prenant le scalpel pour le nettoyer, Angélus avisa un morceau de chair collé sur la lame. Il sut aussitôt ce qu’il devait faire. Il isola ce spécimen dans un tube à essai, et lui concocta une mixture de trempage capable de conserver en vie les cellules qui le composaient. A l’heure du repas, il resta seul dans le laboratoire et se livra à un ballet dont lui seul connaissait la chorégraphie. Il parvint à décoller chaque fine couche de cellules, à les différencier et à leur fournir le moyen de se reproduire au plus vite et aux mieux. Il calcula de façon exponentielle qu’en exactement vingt-huit jours, il aurait assez de matière pour greffer sur sa peau abîmée une pellicule de tissus naturels. 

   Angélus passa, malgré cette sensation d’étouffement que ressentaient tous ses membres, une nuit de paix morale totale. Le lendemain, voyant que ses cultures se développaient comme prévu, il demanda à Maître Pavèse d’interrompre son congé pour le remettre à plus tard, quand il aurait pu récolter le fruit de son expérience, qui serait à n’en pas douter une réussite. 

   Exalté par sa prochaine victoire, il inventa coup sur coup trois baumes aux huiles essentielles dont il testa les effets sur l’avant-bras de ses collègues. L’un d’entre eux se retrouva, à cet endroit-là, bronzé comme au plus fort de l’été ; le second avec la peau comme décolorée et Giorgio, le troisième, à jamais imberbe. 

   Maître Pavèse, alerté, pensa immédiatement que ces produits allaient révolutionner la cosmétologie, mais qu’ils risquaient d’attirer plus de plaintes que de compliments, si leurs effets demeuraient permanents. Car il savait combien les clients sont versatiles et les modes changeantes. Angélus promit qu’il allait étudier plus avant la question. 

   Cependant, Giorgio le supplia de lui préparer un pot de cette crème dépilatoire, car il rêvait depuis longtemps de se débarrasser du fin duvet qui recouvrait ses bras et ses jambes. Angélus, qui savait tout ce qu’il lui devrait bientôt, ne se fit pas prier, et le corps de Giorgio n’en fut que plus lisse et délicat, chose à laquelle le commis semblait tenir plus que tout. 

   A la vue du résultat, Angélus, dont la soif du beau et du diaphane n’était pas prête d’être assouvie, trouva sa création digne du plus grand intérêt et les craintes de Maître Pavèse peu justifiées quant à l’accueil qu’en ferait la clientèle florentine. Mais, comme il était son hôte et qu’il l’estimait, il n’insista pas, ayant pour l’instant en tête des pensées plus narcissiques. 

   L’attente fut longue, mais quelle joie après les premiers essais, de constater que les greffons parvenaient à redonner à son épiderme toute sa fraîcheur ! Il demeurait malgré tout sur sa main gauche, désespérément insensible, des plaques plus brillantes que les autres, et sur le visage, une certaine fixité des traits. La partie était cependant presque gagnée. 

   Au bout de quelques mois, il s’en revint à Nice. L’été resplendissait sur la ville. Monsieur Fumel fut enchanté de le revoir et très étonné de la métamorphose : Angélus rayonnait maintenant d’une beauté farouche, les pommettes hautes, les yeux profondément intenses, l’allure distinguée et désinvolte à la fois. Bref, à peine fut-il de retour, que le magasin ne désemplit pas. Toutes les clientes voulaient avoir un conseil de ce jeune homme si brillant qui les subjuguait d’un regard. 

   Le mois d’août fut hélas un calvaire. A plus d’un titre. 

   Tout d’abord, il fut repris par des démangeaisons pour lesquelles ni le soleil ni les bains de mer ne furent efficaces. Au contraire, tous ces traitements aggravèrent le processus et des lambeaux de peaux commencèrent à se flétrir, entraînant une desquamation générale des tissus greffés. 

   Angélus garda la chambre une semaine, n’osant se montrer. Madame Fumel, qui depuis son retour l’entourait de mille prévenances, s’inquiéta devant son refus de voir quiconque. Angélus espérait bien une rémission. Il se recouvrait de lotions, d’emplâtres de toutes sortes mais, cette fois, rien n’y faisait. 

   Sur ce, de fidèles clientes vinrent se plaindre à la boutique : les produits dont elles se servaient régulièrement ne semblaient plus se comporter de la même façon sur leur épiderme où des rougeurs apparaissaient à la moindre application. 

   On crut qu’il s’agissait d’un lot défectueux, mais des courriers de Paris et des quatre coins de France firent écho à ces plaintes : des centaines d’habituées remarquaient avec plus ou moins de véhémence que ce qu’on leur avait vendu leur créait des brûlures, des picotements, voire un début de vieillissement cellulaire. 

   Monsieur Fumel pensa alors que les fortes chaleurs qui sévissaient sur le pays avaient dû faire tourner les produits, et il voulut s’en confier à Angélus. Ce dernier émit quelques réticences à rencontrer son hôte, mais il s’exécuta, non sans avoir fardé son visage et dissimulé toutes les parties visibles de sa peau. 

   - Je vous prie de m’excuser d’interrompre votre repos, d’autant plus que vous me semblez bien mal en point, mais de graves préoccupations m’amènent, commença Monsieur Fumel. 

   Et il lui conta toute l’affaire. Angélus comprit aussitôt qu’il se jouait là quelque chose qui les dépassait tous, quelque chose qui avait à voir avec ce qui lui était arrivé l’année précédente à Fontseranne. Il demanda à analyser des échantillons des crèmes vendues dernièrement, et il y découvrit des molécules parasites fort étranges qu’il isola immédiatement, mais dont il ne put dire comment elles étaient parvenues à se développer, ni d’où elles provenaient. 

   Pour l’instant, il se savait impuissant à lutter contre un tel phénomène. Trop de choses le préoccupaient. Il voyait ses efforts annihilés d’un coup. Un mauvais sort s’acharnait contre lui. Il ne pouvait demeurer à Nice plus longtemps. 



   Le lendemain il embarqua pour l’Amérique, où il pensait trouver des antidotes à ces virus. Monsieur Fumel ne devait plus jamais le revoir, ni commercialiser ses produits car, même en suivant scrupuleusement les formules qu’il lui avait laissées, elles donnaient toutes, désormais, des résultats impropres à l’utilisation. 

***
(A Suivre)

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(Faucheurs fauchant volontiers
la tête chenue du Capitalisme mondialisé)

heinrich-Kley-other-cats-


AlterSummit : l’autre Europe
 Benoît Borrits

   (...) Station de métro Eirini : ancien stade des Jeux Olympiques d’Athènes de 2004. Le lieu paraît abandonné, l’herbe pousse désormais entre les dalles, souvent cassées. Une grande nef de métal blanc longue de plusieurs centaines de mètres nous conduit au vélodrome, là où se tiennent les différentes réunions de l’AlterSummit.

   L’AlterSummit européen est une initiative d’un nouveau format destiné à présenter une alternative globale aux politiques d’austérité menées en Europe et qui, toutes, mènent à la récession. Alors que les Forums sociaux ne prennent pas de décisions collectives, l’AlterSummit rassemble autour d’un manifeste co-élaboré par diverses organisations syndicales et mouvement sociaux. Et c’est ici que se situe le changement.

   Alors que les syndicats ont plus ou moins déserté le mouvement altermondialiste, de nombreux poids lourds ont signé ce manifeste. La totalité des syndicats britanniques (Trade Union Congress), le syndicat espagnol CCOO, la puissante fédération allemande de la métallurgie IG Metall, la CGIL italienne, la CGTP portugaise et les deux centrales grecques des travailleurs du public (Adedy) et du privé (GSEE). Côté français, la CGT, la FSU ainsi que l’Union syndicale Solidaires côtoyaient les classiques du mouvement altermondialiste tels qu’Attac, l’AITEC ou encore la Marche mondiale des femmes. 

   Cette présence de nombreux syndicats européens dans ce sommet ne serait-elle pas une conséquence de la décision de la Confédération Européenne des Syndicats de rejeter, le 25 janvier 2012 et pour la première fois de son histoire, un traité européen, celui « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’union économique et monétaire » ?

   Le manifeste ? Centré sur la nécessité de mettre fin à l’austérité avant que celle-ci ne détruise la démocratie. Organisé en quatre volets, « En finir avec l’esclavage de la dette », « Pour une Europe écologique et sociale : stop à l’austérité ! », « Des droits pour toutes et tous : non à la précarité et à la pauvreté ! »,« Pour la démocratie économique : les banques au service de l’intérêt général », il aboutit à un catalogue de 17 propositions. Mettre fin aux mémorandums et aux plans d’austérité est la base de départ qui se conjugue avec une fiscalité plus redistributive et la possibilité pour la Banque centrale de prêter aux Etats. 

   La nécessité d’engager une transition écologique et sociale est affirmée conjointement avec l’instauration de salaires minimums dans tous les pays, la reprise des négociations collectives, le droit au logement, l’égalité homme-femme et la protection des migrants. Le contrôle social du secteur bancaire constitue en quelque sorte la clé qui permettra que tout ceci se réalise. Ce manifeste est à la fois un compromis entre les différents signataires, ce qui explique le flou dans certaines propositions, et une avancée réelle en terme d’articulation entre les syndicats et les mouvements sociaux.

   La séance plénière de ce sommet s’est tenue dans la soirée du 7 juin. Outre les diverses prises de parole des syndicats et des comités d’organisation nationaux de l’AlterSummit, celle-ci a permis de faire connaître aux participants internationaux les combats menés en Chalcidique contre les ventes à prix bradé des terres aurifaires et la reprise en autogestion de l’entreprise Vio.Me. de Thessalonique. 

   Une minute de silence a été observée à la mémoire de Clément Méric. Invité par l’AlterSummit à titre personnel – les partis politiques n’ayant pas droit de cité – Alexis Tsipras, président du Synaspismos a clôturé cette séance en expliquant l’importance de forger un mouvement social européen dans l’hypothèse d’une arrivée d’un gouvernement de rupture dans un pays de la taille de la Grèce.

   Au-delà des plénières, trois séries de cinq assemblées thématiques simultanées se sont tenues. A noter une forte présence des dispensaires sociaux de santé auto-organisés et des différentes initiatives grecques pour faire face à l’austérité rassemblées dans un village alternatif. Une manifestation en direction de la Place Syntagma a clôturé cet événement.

   Nous sommes ici très loin du bouillonnement des Forums sociaux où chaque mouvement a la possibilité d’organiser seul ou avec des partenaires son atelier. Est-ce ce qui explique une fréquentation de quelques milliers de personnes, bien moindre que celle des anciens Forums sociaux européens ? L’AlterSummit a eu, quoiqu’il en soit, le mérite de coaliser toute une série de mouvements syndicaux et sociaux pour construire de la politique, démarche novatrice qu’il convient de saluer. (...)



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(Pauvresse cherchant désespérément le soleil 
dans son gourbi de 5m2 payé une fortune)


(blackteeeから)


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"Depuis que les pauvres ont été chassés de la plage,
on se sent mieux entre-nous...
- Ça, vous pouvez le dire, ma grosse dame.
- Grosse?"


Illustration by Heinrich Kley, from the series The Family at the Sea Shore


Services publics : 
« Fermez tout, ils sont nuls ! »

Le Yéti

   (...) La fermeture brutale d’ERT, le service public grec de radio et de télévision, a entraîné de drôles de réactions sur les forums. En gros, bon débarras, ils étaient nuls, les Grecs vont enfin pouvoir se nettoyer la tête et réfléchir dans leurs coins. Luigi, un commentateur fidèle de mon blog, abonde dans ce sens. A sa façon...

   « B’soir à tutti,

   Bon, finalement la propagande fonctionne très bien, non ? Les Grecs avec leur moussaka et leurs feuilles de vigne n’ont que ce qu’ils méritent. Et na ! P’feu, que leur gouvernement ferme toutes les télés et radios publiques, c’est normal.

   D’ailleurs chez nous, les socialistes de droite devraient s’en inspirer. Je partage l’avis quasi-général. La télé et la radio, ce n’est plus ce que c’était, alors à quoi bon en avoir encore, c’est sûr. » (...)

   « A ce sujet, il faudrait même pousser l’avantage, supprimer tout ce qui est public, hein, parce que ça ne marche pas terrible : les hôpitaux, EDF, GDF, les écoles, les théâtres... Tiens le Parlement aussi et puis les mairies, les Conseils régionaux, la Poste... Tout, quoi, en un seul paquet.

   On ferait des économies et avec ça on rembourserait la dette en une seule fois. Le FMI, la BCE, la Commission européenne, les agences de notation et les banques nous adresseraient des louanges. On serait les meilleurs du monde, que dis-je, les champions du monde. “We are the champions, we are the champions !”

   Oh excusez-moi, on frappe à ma porte. Non, on défonce ma porte ! Oh merde, on me frappe, on m’empoigne et on m’emmène manu militari. Hé, les gars, j’suis avec vous, déconnez pas ! J’ai tout fait comme vous avez demandé. Je suis d’accord avec vous à 180%, faites pas les cons, bon dieu ! C’est pas bien de relire Brecht. Il était pas un peu grec, ce type-là ? » (...)


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Benoît Barvin

samedi 2 février 2013

"Les petites souris, transformées en valets par la Bonne Fée, comprirent ce qu'était la Lutte des Classes chez les Humains". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

°°°
Pensées pour nous-mêmes

(TU NE RATTRAPERAS JAMAIS
TON OMBRE)

°°°
"Oulà! Tu as vu ces chaussons?
- Lesquels?
- Ceux de cette pimbêche de danseuse étoile...
- Oui, et alors?
- Ils sont u-s-é-s, je te dis pas...
- C'est pas vrai... Déjà?"


°°°
"Mon Papa et ma Maman?
Le premier est en prison,
la seconde dans la rue,
elle dit bonjour à des Messieurs"

Cosette dans "Les Misérables"

°°°

La communauté de la haine : 
essai de typologie
Antoine GAUDIN
(extraits)

   (...) Prenez n’importe quel discours d’un opposant au mariage pour tous, il entrera (au moins) dans une des dix catégories suivantes :

   - 1. Les insultes ouvertes, propos de comptoir et autres ricanements de corps de garde sur fond de clichés associés à l’homosexualité, célébrant en creux le profond satisfecit de leurs auteurs, qui se réconfortent ainsi, implicitement, de leur appartenance à une norme dominante.

   - 2. Les comparaisons avilissantes (le rapport homosexuel apparenté à la pédophilie ou la zoophilie par exemple) qui, associées aux prospectives dégradantes sur les effets d’une évolution législative vers le mariage entre personnes de même sexe ("et si demain j’ai envie de me marier avec mon téléphone ?", etc.), en disent beaucoup plus long, hélas, sur l’univers psycho-sexuel propre à leurs auteurs (cette incapacité apparente à saisir le concept d’une relation affective entre adultes consentants est le signe d’une immaturité sexuelle inquiétante, au fond) que sur les conséquences effectives qu’entraînerait une telle évolution sur les mœurs contemporaines.

   - 3. La hiérarchisation décomplexée des identités sexuelles, associée à l’emphase millénariste de la menace du "chaos" civilisationnel ("à quand la légalisation de l’inceste ou de la polygamie ?") : au nom de visions simplistes et délirantes de l’histoire de notre "civilisation" et de son possible effondrement, plusieurs députés FN et UMP ont, par exemple, fait publiquement mention d’une supposée infériorité morale de l’homosexualité sur l’hétérosexualité. (Ce n’est évidemment pas le seul domaine, aujourd’hui, où la parenté idéologique entre ces deux partis apparaît clairement.)

   - 4. La convocation rassurante de la "tradition", grand classique du conservatisme, doublée dela référence désespérée à une supposée "essence" de la famille ("un papa et une maman"), que tout contredit par ailleurs : l’anthropologie historique des structures de parenté, l’observation sociologique des évolutions contemporaines de la famille (divorces, systèmes monoparentaux), etc.

   - 5. L’expression naïve et arbitraire d’un système de valeurs fondé sur la base de textes religieux (autrement dit, dans une République laïque, sur rien), qui a d’ailleurs amené les représentants de certaines minorités (juive, musulmane) à prendre une position, sans doute évaluée par eux comme "stratégique", dans la grande vague de l’Ordre moral qui investira les rues ce dimanche.

   - 6. L’homophobie chrétienne-compassionnelle (avec en figure de proue l’inoxydable passionaria anti-PACS Christine Boutin), qui, sous couvert d’une hypocrite et condescendante bienveillance (la soi-disant "souffrance" des personnes homosexuelles, vues comme des brebis égarées), répand une vision idéologico-normative extrêmement violente des rapports entre les êtres et des structures de filiation. Cette idéologie s’oppose ainsi, de façon virulente, à tout (égalité des droits, sensibilisation à l’homophobie dans les milieux scolaires, etc.) ce qui pourrait, dans les faits, atténuer la dite-souffrance possiblement ressentie par les homosexuels en raison des phénomènes d’exclusion dont ils sont victimes. 

   Ce n’est pas la moindre des contradictions d’une pensée très étroitement religieuse (la foi est ici vidée de toute spiritualité, réduite à un petit vade-mecum moral) qui met en avant, théoriquement, les notions d’amour et de tolérance à l’égard des "déviants", pour mieux les piétiner au nom du respect de textes "sacrés".

   - 7. La sociologie sauvage et intuitive d’un "monde homosexuel" fantasmé (associé, en vrac, à la luxure, à l’individualisme décadent post-mai 68, à la consommation de stupéfiants, etc.) et/ou réduit à une poignée de témoignages tirés de l’expérience personnelle et haussés à valeur de loi générale ("j’ai croisé un gay lors d’une soirée, et il m’a dit qu’il ne souhaitait pas se marier", etc.).

   - 8. La camaraderie de sortie de boîte, qui entend reléguer le rôle social des personnes homosexuelles à celui de gentils transgressifs nocturnes, sympathiques, drôles, originaux et décoratifs, en assurant (à leur place) qu’ils ont bien de la chance d’être "différents", et qu’ils ne souhaitent pas vraiment s’embarrasser de cette "institution bourgeoise" qu’est le mariage. Notons que cette dernière posture manque ainsi gravement le fond du problème, qui n’est pas le mariage lui-même, mais l’égalité des droits.

   - 9. L’"homophobie de l’agacement" (dont le fameux "Messieurs les homosexuels, laissez-nous tranquilles !" du député UMP Jacques Myard pourrait constituer le parangon) , qui s’indigne de constater que les Français homosexuels d’aujourd’hui (pourtant beaucoup mieux tolérés que leurs "ancêtres" des périodes passées ou leurs "congénères" d’autres aires géographico-culturelles), loin d’être reconnaissants envers la société qui ne les emprisonne pas et ne les classe plus dans la catégorie des malades mentaux, ont l’outrecuidance de réclamer encore et toujours plus de droits – un peu comme s’ils étaient pressés d’être reconnus comme des citoyens à part entière. 

   Reposant souvent sur l’idée que l’homosexualité relève d’un "comportement" choisi (et non d’une donnée naturelle de l’individu, comme la couleur de peau par exemple), cette "homophobie de l’agacement" s’incarne souvent dans des phrases-type telles que : "L’Etat n’a pas à valider les caprices d’une minorité", et s’accompagne en général de jugements dépréciateurs à l’égard des homosexuels lorsque ces derniers outrepassent le caveau underground que la norme hétéro-tolérante leur avait alloué (on dit alors, parce qu’ils exposent leurs vies de couple ou qu’ils s’embrassent dans la rue, qu’ils "s’affichent", et que cela est "obscène").

   - 10. La manifestation d’une inquiétude pour la condition psychique et morale des enfants élevés par des couples de même sexe. On touche ici à l’un des arguments les plus volontiers avancés par les discours des anti- (notamment par tous ceux qui débutent avec l’expression "Je ne suis pas homophobe, mais… ") : l’invocation d’un "principe de précaution" visant à la protection de nos chères têtes blondes est sans nul doute ce que les opposants au projet de loi considèrent comme leur argument le plus efficient, et surtout comme le plus "présentable". Le fait que leur sollicitude envers les enfants s’arrête bien souvent au seuil des foyers hétérosexuels dysfonctionnels, qu’elle repose sur une vision caricaturale à souhait de l’archétype oedipien et des fonctions sexuées au sein du couple, et qu’elle choisit d’ignorer le nombre important des études sérieuses menées dans les pays qui nous devancent sur la question de l’homoparentalité (et dont les conclusions rassureront tous ceux qui se posent réellement la question du bien-être des enfants), empêche cependant d’accorder un crédit suffisant à leurs préoccupations. 

   Dans l’écrasante majorité des cas, ces dernières dissimulent assez mal le lien direct entre "l’inquiétude pour les enfants" et le préjugé dégradant à l’égard des homosexuels. Le rapport de couple homosexuel, souvent appréhendé sous l’angle du seul génital, est alors considéré comme une forme "impure" d’existence, un mode d’"être-ensemble" inférieur au rapport hétérosexuel. Certains discours de sollicitude contournent cet écueil en affirmant regretter l’existence d’un préjugé dévalorisant à l’égard des couples homosexuels, tout en faisant de l’existence regrettable de ce préjugé un argument pour combattre l’éventualité de l’adoption : les enfants élevés par des homosexuels risqueraient de souffrir, pendant leur développement, de l’homophobie ambiante de la société française. Il s’agit alors d’un renversement spectaculaire des priorités : l’urgence n’est plus de faire reculer l’homophobie en donnant aux homosexuels les mêmes droits qu’aux autres citoyens, mais de protéger les enfants qu’ils pourraient avoir de cette homophobie justement entretenue par l’absence de reconnaissance légale de leur structure familiale.

   On touche ici à un cas de pure aberration rhétorique, une constante dans les arguments des opposants au projet de loi ; un autre de leurs arguments, consistant à démontrer l’inexistence d’une discrimination au motif que "les homosexuels ont, comme les autres, le droit de se marier… avec une personne de sexe opposé", en représente sans doute l’exemple le plus "abouti". (...)

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"Merci... Merci bien...
Je vous aime..."


(Dans cette assemblée de derviches,
cette danseuse eut un certain succès)

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(Accord social: 
Patronat et syndicats
étaient prêts à aider... heu... 
à gruger les travailleurs)


Droit social à la moulinette
Martine Bulard

    (...) Historiquement régressif. On a beau chercher les mots les plus nuancés, on ne peut en trouver d’autres pour qualifier l’accord concocté par, d’une part, le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), et, d’autre part, trois des cinq syndicats salariés invités autour de la table : la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération générale des cadres (CGC) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Deux syndicats — la Confédération générale du travail (CGT) et Force ouvrière (FO) — ont rejeté l’accord. La Fédération syndicale unitaire (FSU), Solidaires (Sud) et l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) étaient d’emblée hors course, car considérés comme « non représentatifs » selon la nouvelle loi.

   Salué quasi unanimement par les commentateurs politiques et par la presse, l’accord « historique » n’en est pas moins signé par des « partenaires » (un mot qui sonne doux aux oreilles patronales) ne représentant pas plus de 38 % des voix aux élections prud’homales de 2008. Autrement dit, il reste minoritaire. Cela n’empêche pas M. François Hollande et, à sa suite, les médias, de vanter la méthode et ses résultats. Et d’exiger des députés de la majorité (socialistes et verts) de ne pas toucher une ligne du texte quand il sera examiné au Parlement. On pourrait aussi se faire une autre idée de la démocratie sociale et politique.

   Il est vrai que les mots tendent à perdre leur sens. Déjà, on parlait de « plans sociaux » pour dire licenciements ; désormais, « sécurisation de l’emploi » désigne la flexibilité. Si sécurisation il y a, c’est bien celle des profits — expression totalement bannie du texte. Qu’on en juge à l’aune des principales dispositions de l’accord.

   1. Le maintien dans l’emploi. Dans la novlangue patronale, cela s’appelle : « trouver un nouvel équilibre dans l’arbitrage global temps de travail/ salaire/ emploi ». Traduit dans la vraie vie, cela devient : quand l’activité baisse, le temps de travail baisse et les salaires suivent. C’est le chômage partiel généralisé... sans indemnités chômage. Ainsi, le travailleur peut voir son temps de travail diminuer d’un quart ou de moitié et son salaire se réduire d’autant, quand le patron le décide. (...)

   (...) 2. La mobilité de l’emploi. Cela sonne jeune et dynamique — mais cela renvoie des générations en arrière. L’entreprise peut décider d’envoyer le salarié ou un service entier n’importe où dans le groupe, dès lors qu’elle ne modifie pas sa qualification. Ce n’est plus la loi qui régit ce droit patronal, mais un simple accord d’entreprise. Le contrat de travail ne fait rien à l’affaire, et toute personne qui aurait le front de refuser serait licenciée « pour motif personnel ».

   3. Les règles relatives au licenciement. Désormais, les procédures de licenciement ne sont plus celles fixées par la loi mais « par un accord d’entreprise » (majoritaire, c’est bien le moins) ou par un « document produit par l’employeur et homologué par la Direccte » (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) (et de l'enfumage?) et non l’inspection du travail, en vingt-et-un jours maximum. Dans le cas contraire, le plan est réputé acquis. (...)

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Benoît Barvin