Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

mercredi 13 juin 2012

"La vie vaut la peine d'être vécue, surtout avant de mourir". Benoît Barvin in "Propos de mes voisins"

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Pensées pour nous-mêmes:

(LE MAÎTRE TRAVERSE LE GUET 
SUR LE DOS DE SON SERVITEUR.
LE SAGE LES REGARDE FAIRE
DEPUIS LA BERGE)

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COURTS RECITS AU LONG COURS(24)
pcc Benoît Barvin

La fourchette

   Je l'avais héritée, en même temps que la maisonnette, de ma grand-mère. Je parle d'une fourchette car, effectivement, cette chère femme, si elle m'avait couchée sur le testament pour que je puisse habiter sa petite demeure, avait par contre - semblait-il - donné meubles (sauf ceux de la cuisine), vaisselier, tableaux et bibelots, jusqu'à ses vêtements à une association caritative. Dans la lettre qu'elle m'avait laissé, d'une main ferme elle avait marqué: "j'espère que tu te plairas dans ce lieu où, si j'ai perdu mes illusions, j'ai gardé, pour la vie, un attachement viscéral. Tu comprendras..."
   A part le fait que la petite maison était vide, elle était coquette, ouvrant sur un jardin aux herbes folles et aux fleurs sauvages. Je m'y sentis instantanément chez moi. Ma grand-mère et moi n'avions jamais été très proches mais, lorsque nous nous voyions, un lien invisible renaissait, à chaque fois, et je l'embrassais en partant, avec l'impression que je laissais derrière moi une part essentielle de mon âme.
   La fourchette, donc... 
   Je la découvris en tirant le frigo fatigué, coincée sous le meuble. Il s'agissait d'un vieil ustensile au manche de vieux bois ouvragé. Les dents étaient solides et, une fois que je l'eus entièrement nettoyée, je remarquai que le métal n'avait pas "subi des ans l'irréparable outrage". Je la rangeai soigneusement dans le tiroir de la table de cuisine que j'achetai pour l'occasion. Elle déparait, bien sûr, avec les autres couverts, flambant neufs. Mais il s'agissait du seul souvenir que me laissait l'ancienne habitante des lieux et, comme tel, j'y étais attachée.
   Le soir-même, alors qu'éreintée je me glissais avec volupté dans des draps frais, sur un matelas tout juste livré, j'entendis un bruit métallique venant de la cuisine. Puis il y en eût d'autres, comme si plusieurs objets tombaient sur le sol. Je me précipitai et constatai que le tiroir était tiré - alors que je me souvenais de l'avoir poussé, et qu'une partie de ma vaisselle jonchait la surface carrelée de la pièce. Comme j'approchais, couteaux, cuillères et fourchettes giclèrent du tiroir, se répandant autour de moi. J'eus un sursaut puis fixai mon regard sur la fourchette, seule dans son casier. L'ampoule du plafond se reflétait crûment sur ses dents...
   J'aurais pu ramasser les couverts achetés, les replacer dans le compartiment coulissant et aller me recoucher. Je n'en fis rien, ayant déjà compris "l'attachement viscéral pour la vie" qu'avait évoqué ma grand-mère. Je jetai les couverts dans la poubelle et tournai les talons. Derrière moi, je perçus le glissement feutré du tiroir qui s’emboîtait dans le meuble.
   Dans la chambre, sur le lit, je distinguai la forme d'un déshabillé que je reconnus: c'était le préféré de ma grand-mère. En le portant à mon visage, alors que les larmes embrumaient ma vue, son odeur de jasmin vint me caresser subtilement l'odorat. Je savais déjà ce qui m'attendait, dans cette maisonnette où une vie délicate affleurait de chaque interstice.
   Le lendemain, face au lit, un tableau représentant ma grand-mère apparut, signé - je l'appris plus tard dans cette galerie d'art - par un très grand nom de la peinture dont elle avait été la muse discrète...

(En souvenir de Thomas Owen)

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« C'est très reposant d'être sourd. 
On ne vous dit que l'essentiel. »
Sacha Guitry

Bake Jizo Trail in Nikko, Japan, 1925

"Alors, c'est au sujet de ma maîtresse... Ma femme
en est jalouse et je ne sais plus quoi faire...
Oh Vous, Maîtres de la Destinée, avez-vous
un conseil à me donner?"

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« Il n'y a plus, de nos jours, 
que deux sortes de piétons : 
les rapides et les morts. »
Jean Rigaux

Zoltan Vancso

"Est-ce que les jolies pieds de Maman, à la morgue,
ont encore besoin de ces si jolies bottines?"

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« Un incinéré ne peut pas 
se retourner dans sa tombe. »
José Artur

Young Farmers by August Sander

"C'est quoi, cette question idiote? Quand on est mort,
c'est pour longtemps, non? Ah ces Français..."

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« Cécité : point de vue. »
 Michel Laclos

MUSIC HARMONY by Elena Gromova

"Ne te retourne surtout pas, sinon elle va
te demander si elle a fait des progrès..."

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Benoît Barvin

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