Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

dimanche 20 janvier 2013

"En plein sevrage, l'écrivaine Françoise Sangan sniffait les pages de ses livres". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(CE QUE TU VOIS N'EST PAS FORCEMENT
CE QUI EST)

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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(67)
pcc Benoît Barvin


love crime detective 1942

Jeux

   Nous nous étions mariés sur un coup de tête. Nous étions jeunes, plein d'allant, persuadés que l'avenir nous appartenait. Quinze ans plus tard, alors que j'étais devenu commercial et elle laborantine, la fièvre était retombée et une haine tenace - bien qu'insidieuse - me taraudait. J'avais en horreur cette femme à la blondeur écoeurante, aux manies infantiles, à la voix trop haut perchée, aux "idées" dont même un brocanteur n'aurait pas voulu. Je décidai donc de la supprimer car laisser une telle erreur de la Nature en vie, c’était impossible.

   J'achetai de la mort aux rats - chez un dealer qui en possédait avec l'ancienne formule, celle contenant du trioxyde d'arsenic - et en glissai dans sa tisane préférée, attendant avec impatience les gesticulations de son corps, les grimaces de ce visage que j'avais, autrefois - il y avait des siècles - baisé avec passion. Rien ne se passa, pourtant. Elle ne se roula pas par terre, en bavant et en me vouant aux gémonies. Elle resta digne et, bien que j'entendis des bruits suspects qui ressemblaient à des vomissements dans les toilettes, elle en ressortit, certes bien pâle, mais souriante. Elle me fit un clin d'oeil et continua, comme si de rien n'était, sa journée insipide dans ce dimanche mortel.

   Quelque chose avait foiré, mais quoi? Je le sus lorsque je vis le titre du livre qu'elle avait laissé, certainement à mon intention, sur le buffet du salon: "Les anti-poisons". Cette garce devait avoir trouvé le moyen de contrer les effets d'un empoisonnement... Peut-être même avait-elle imité les Anciens en prenant une petite dose quotidienne de toxiques pour se prémunir? Il me fallait tout recommencer.

   Par le biais du même dealer, je pris contact avec un "éradicateur", autrement dit un exécuteur de basses oeuvres. Je lui donnai la moitié de la somme en liquide, le reste viendrait quand il aurait supprimé mon épouse. Je me fabriquai un alibi béton en jouant aux cartes avec des collègues de travail, et j'attendis l'heure prévue pour "découvrir" le corps de ma femme, lardée de coups de couteau.

   Vers les deux heures du matin, il y avait pas mal de monde autour et dans ma demeure. Beaucoup de flics, bien sûr, des gens de la Criminelle qui m'apprirent qu'un type avait voulu pénétrer chez moi pour me voler, certainement. Mon épouse, "dotée d'un sang-froid à toute épreuve", lui avait bondi dessus et, dans la lutte qui s'en était suivie, le suspect avait chuté dans les escaliers et s'était rompu le cou. Je compris tout de suite où elle allait, tous les jeudi, cette femme du Diable: à un cours de self défense, sans aucun doute, cours qui lui avait appris comment lutter efficacement contre un assaillant deux fois plus grand et lourd qu'elle. Je ne pus m'empêcher d'éprouver pour mon épouse un certain respect.

   Une fois les différentes paperasses signées, nous nous retrouvâmes face à face. Ma femme avait des griffures sur le visage et le cou violacé. Je la réconfortai, persuadé qu'elle ne se doutait pas de mon rôle dans l'affaire, puisque c'est elle qui, pour la première fois depuis des années, me déshabilla. Nous fîmes l'amour comme lors de notre rencontre, de sorte que je faillis bien renoncer à mon funeste projet. Mais, au matin, en la découvrant, corps vautré, alangui, blanchâtre, visage terni par une nuit de débauche, je recouvrai mes esprits: il fallait que j'aille jusqu'au bout...

   Par prudence, j'attendis un long mois avant de me décider. C'est au petit matin, alors que j'entrais dans la voiture pour partir au boulot, que je l'appelai. La porte du garage s'était ouverte automatiquement. Le moteur ronronnait. J'avais le pied sur l'accélérateur. Je n'attendais qu'une chose: que sa silhouette surgisse devant le museau du véhicule... Je n'aurais qu'à appuyer brutalement et tout serait dit.

   Elle apparut, son corps nimbé dans la lumière du matin. Je m'exécutai. Un grand choc, la voiture qui poursuit sur quelques mètres, mon coeur est prêt à exploser et... Un cri - ou plutôt un hurlement - se vrilla dans ma cervelle. Dans ma surprise, je lâchai la pédale de l'accélérateur, provoquant l'arrêt instantané du véhicule meurtrier, sur un dernier hoquet. Je sortis, me précipitai vers le corps que j'avais heurté, avec une belle violence, du moins l'espérai-je. Autour de moi, des silhouettes apparaissaient. Les voisins étaient déjà là et...

   En me penchant sur la femme qui gisait, dans une drôle de position, au milieu d'une mare de sang qui s'élargissait tel un drap funèbre, je compris que j'étais cuit. Il s'agissait de notre voisine immédiate. Et, dans la foule des gens qui s’agglutinaient, j'aperçus mon épouse et son téléphone portable, qu'elle agitait à mon intention, avec un sourire sardonique. 

   La garce était certainement en conversation avec la voisine quand je l'avais appelée. Se doutant de mes intentions - comment avais-je pu en douter un seul instant? - elle lui avait donné rendez-vous devant le garage. Et, stupidement, j'avais appuyé sur ce maudit champignon. C'était le crime parfait. A mon encontre. Car il m'était absolument impossible de l'accuser, elle, à moins de révéler mes motivations. J'avais essayé, j'avais perdu, elle ramassait la mise.

   Beau joueur, je lui envoyai un baiser, juste avant que le mari de la victime ne m'envoie son poing dans la figure, lui...

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"T'inquiète, qu'il disait... Ce pont je le ferai
quand ce sera nécessaire... Pour l'instant,
tu peux traverser sans problème... T'as
simplement qu'à t'entraîner..."

Thomas Henri Joseph

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"Chérie, tu sais ce que m'a dit ce crétin d'Alfred?
Chérie? Tu m'écoutes?
- Comme je te vois, mon Amour"

Wingate Paine

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"Oui, je suis une greluche... ET ALORS?
- Heu... Ben rien, Madame... Nous, 
d'abord, on n'a rien dit, vous savez..."

Jean Patchett wearing a gown by Dior, 1953. Photo by Horst P. Horst.
Source: pinterest.com

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(Le costume en peau de boudin et en cloches à fromage
fit un tabac auprès de la gente animale)

CHU CHIN CHOW_Samuels. Photo F. W. Burford 
Source: flickr.com


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Jacques Damboise

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