Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.
Affichage des articles dont le libellé est démographie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est démographie. Afficher tous les articles

samedi 16 novembre 2013

"Son oeil poché lui donna envie de manger une omelette". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

$$$
Pensées pour nous-mêmes:

(RENDS TON ÂME TRANSPARENTE
COMME L'EAU DU LAGON)

$$$


Nouveau court récit au long cours (15)


LE LIBÉRÉ 
DU 
CLUB MAD

   Rachel en apprend toujours un peu plus sur le fonctionnement interne du Club.




   Il a dû avoir un sérieux choc, Daniel. Quand les CRS cognent, ils n’y vont pas de main morte. A Gênes, les Italiens avaient fait fort dans le genre. La plupart des anti-mondialistes voulaient manifester pacifiquement et pareil à Bruxelles. Quoiqu’en dise Daniel, il est doux avant tout. Son nom de famille a déteint sur lui. Rachel le voit mal se lancer dans de véritables actions terroristes. A moins de porter en soi une souffrance dévastatrice, de n’avoir plus rien à perdre. Nos petites rébellions ne sont rien à côté, juste un moyen de se donner bonne conscience. On a tellement cautionné… et on continue.

   Voilà, ça y est presque. Son sac est plein à craquer. Elle portera sa trousse de toilette et ses … Nike à la main.

   - Daniel, c’est bon, je suis prête !

   Ils parcourent deux cents mètres sous les oliviers. Ce sont des mêmes identiques, plus en contrebas vers la mer, donc isolées de la sono. Le sol en ciment semble légèrement surélevé. Dedans, c’est pareil, avec en sus des lampes-appliques au dessus de chaque lit. Chouette, Rachel se dit qu’elle pourra lire un peu le soir, écrire à ses amies.

   La tête de Daniel se glisse dans l’entrebaîllement de la porte.

   - Ca te va ?

   - Nous sommes traités comme des VIP.

   Avoir retrouvé un confort sonore l’apaise plus que tout. Elle ne supporte plus le bruit depuis que son frère s’est laissé surprendre par le feu. Ils l’ont appelé, ils ont crié, fait sonner son portable pour l’avertir que les flammes étaient là, qu’il sorte vite, mais à cause de cette foutue musique qu’il écoutait toujours à fond dans son casque, il n’a rien entendu. Mais c’est son histoire à elle, et si ça les amuse, tous ces jeunes vacanciers, de s’en mettre plein les oreilles avec leur techno, ça les regarde. Du moment que ça ne déborde pas sur le silence auquel elle aspire. Elle est là pour être en paix, goûter aux plaisirs de ce lieu magique. Point final.

   - Ce doit être ouvert, le restaurant…J’ai un appétit d’enfer !

   Et aussitôt elle s’en veut. Pourquoi soudain évoque-t-elle l’Enfer ? Elle voudrait ravaler le mot, annuler cette expression populaire comme si elle faisait, en l’employant, offense aux propos du pêcheur. Cet homme l’a impressionné, nul doute.

(A suivre)

$$$

"Heu, Madame la Baronne, l'expression
Venez comme vous le sentez,
n'était pas à prendre au pied de la lettre"

Robert Mcginnis. 
the exhibition. 001

$$$

(Ces deux portions d'Allemagne

s'entendaient comme larronnes en foire
pour s'amuser un peu aux dépends
de l'Europe)



"L'Allemagne est une poule
qui aurait trouvé un couteau"
entretien avec Guillaume Duval
 rédacteur en chef d'Alternatives économiques
et auteur de Made in Germany, Seuil, 2013

   (...) / Dans votre livre Made in Germany, consacré au modèle allemand, vous vous montrez très critique vis-à-vis des réformes du marché du travail réalisées par le prédécesseur d’Angela Merkel, le chancelier social-démocrate Schröder. Pourquoi ?

  - C’est plutôt malgré Schröder que grâce à Schröder que l’Allemagne s’en sort plutôt bien aujourd’hui. Il faut bien comprendre qui fut Schröder. Nous, Français, avons tendance à considérer l’Allemagne comme un grand pays social-démocrate, sur le modèle scandinave. Cette vision est totalement fausse. L’Allemagne est un pays très conservateur, qui a été gouverné presque sans discontinuer par la droite. Le SPD est un parti puissant, mais qui a très peu exercé le pouvoir. Il l’a exercé, par exemple, avec Helmut Schmidt et Willy Brandt après la Seconde Guerre mondiale, mais toujours en association avec des partis de droite, CDU et FDP.

   Lorsque Schröder arrive au pouvoir, c’est donc la toute première fois que la gauche – SPD et Verts – est vraiment majoritaire. Mais paradoxalement, cette situation a surtout été l’occasion d’une politique très antisociale, comme n’en avait jamais connue l’Allemagne. Schröder a donc réussi une performance, en sept années d’exercice du pouvoir : il a fait de l’Allemagne un pays plus inégalitaire que la France, alors qu’elle l’était initialement moins.

   C’est évidemment pour cette raison que la droite, en Europe, l’utilise comme référence. Mais je ne crois pas du tout que Schröder ait servi les intérêts à long terme de l’Allemagne. Au contraire, il a affaibli l’un des principaux points forts du modèle allemand : son fort niveau de cohésion sociale.

   Par ailleurs, s’il a pu faire cette politique, c’est en exerçant une pression très forte sur les dépenses publiques. Sous sa direction, le SPD a renoncé à mettre en œuvre une partie importante de son programme, consistant à remédier à l’absence de structures pour accueillir les jeunes enfants. En Allemagne, faute de ces structures, de nombreuses femmes sont contraintes de choisir entre exercer un métier ou avoir des enfants. Ce qui contribue au lourd problème démographique que connaît aujourd’hui ce pays.

   Autre conséquence de cette pression à la baisse sur les dépenses publiques : l’Allemagne est le seul pays de l’OCDE qui soit en situation de désinvestissement public. Autrement dit, les dépenses d’entretien des routes, des bâtiments publics, sont insuffisantes pour pallier l’usure des équipements. Depuis le début des années 2000, le niveau des investissements publics allemands est plus de deux fois inférieur à celui de la France. On peut douter que cela soit une bonne manière de préparer l’avenir d’un pays…

   Finalement, cette politique a généré de très importants déficits publics. Durant les douze premières années d’existence de la zone euro, l’Allemagne a été incapable d’atteindre le critère de 3% de déficit public pendant 7 ans, et celui de 60% de dette publique pendant 11 ans. Un très mauvais élève du pacte de stabilité, en somme. Et c’est un comble que Schröder, qui a ajouté près de 39 milliards d’euros à la dette allemande, soit aujourd’hui présenté comme un modèle pour la gestion des finances publiques !

   / Pourtant, quand François Hollande se rend en Allemagne à l’occasion des 150 ans du SPD, il s’empresse de louer les réformes « courageuses » de Schröder…

   - Oui. Je mets ça sur le compte de la politesse. Mais si c’est davantage, s’il était convaincu que de telles réformes sont souhaitables en France, il nous engagerait alors sur une très mauvaise pente.

   Les réformes Schröder ont coûté très cher aux salariés allemands en termes de salaires : ils retrouvent tout juste aujourd’hui leur pouvoir d’achat de 2000. Elles ont aussi coûté cher en termes de niveau d’emploi : l’Allemagne n’a retrouvé qu’en 2010 son niveau d’emploi de 2000, si l’on comptabilise les seuls emplois qui génèrent des cotisations sociales.

   Car outre ceux-ci, se sont aussi développées, sous la houlette de Schröder, des formes de sous-emploi, notamment les fameux mini-jobs, qui consistent, lorsqu’un salarié gagne moins de 400 euros par mois, à l’exonérer presque entièrement de cotisations sociales. En contrepartie, il ne touchera aucune retraite… Aujourd’hui, environ 5 millions de personnes subissent ce régime.

   / Au bout du compte, est-ce qu’Angela Merkel ne serait pas en train de faire mieux que son prédécesseur ?

   - Oui, paradoxalement. Sa politique est un peu moins antisociale. Elle a corrigé certains excès, comme ceux, par exemple, de la réforme Hartz IV. Elle a également mis la pédale douce, à ses débuts, sur l’austérité budgétaire. Dans la période récente, on lui doit des efforts non négligeables, notamment pour mettre en place des crèches ou des modes d’accueil dans les écoles qui permettent aux gens qui ont des enfants de continuer à travailler.

   / Son actuelle popularité dans les sondages n’est donc pas tellement surprenante…

   - Pendant la période Schröder, l’économie allemande est allée très mal. Il y avait plus de 5 millions de chômeurs quand il a quitté le pouvoir. En revanche, l’économie a commencé à se redresser en 2005 environ, et elle a plutôt bien résisté pendant la crise de 2008-2009. Il est tentant pour les Allemands de l’attribuer à Mme Merkel. Je vois pour ma part d’autres éléments qui expliquent cette bonne santé économique, dont trois choses déjà présentes avant la crise, et trois choses qui se révèlent durant la crise.

   Avant la crise – et paradoxalement – c’est sa dépression démographique qui permet à l’Allemagne d’aller plutôt bien. En effet, si les Français tendent à ne voir que les bons côtés de la natalité, il faut savoir qu’élever des enfants a un coût. Il faut les nourrir, les loger, les habiller, les soigner, les éduquer… Autant de dépenses privées et publiques auxquelles les Allemands n’ont pas eu à faire face.

   La principale conséquence se fait sentir dans un domaine en particulier : celui du logement. L’Allemagne, qui a perdu plus de 500 000 habitants depuis le début des années 2000, a un marché de l’immobilier beaucoup moins cher que la France. Depuis 1995, les prix de l’immobilier ont été multipliés par 2,5 en France, alors qu’ils ne bougeaient pas d’un iota en Allemagne. Un logement à Paris vaut 8 000 €/m², contre 2 300 €/m² à Francfort.

   Ces deux facteurs – dépenses de logement contenues, moindres dépenses liées aux enfants – expliquent finalement pourquoi les Allemands ont supporté des politiques de modération salariale prolongées. Autre facteur de bonne santé économique avant-crise : la chute du mur de Berlin. Les Allemands pleurent beaucoup sur le coût de la réunification. C’est vrai, ça a coûté cher et ça a été difficile. Mais ça n’a pas eu que des inconvénients pour l’Allemagne. D’abord, ça lui a donné un marché intérieur plus vaste. Ensuite, nous, Européens, avons largement financé la réunification via les politiques peu coopératives menées à cette occasion par la Bundesbank.

   Enfin et surtout, les Allemands ont été les grands gagnants de la réintégration des pays d’Europe centrale et orientale dans le concert européen. Ils les ont incorporés très rapidement dans leur tissu productif. Avant la chute du mur, le principal pays à fournir l’Allemagne en sous-traitance était la France. Désormais, ce sont la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie. Et si l’on considère qu’il existe encore un écart de 1 à 5 entre le coût du travail en Pologne et en France, on mesure ce que l’Allemagne a gagné en termes de compétitivité/coûts de ses produits.(...)

Lire la suite sur:


$$$

"Vous êtes sûre que cela ne me fera pas trop mal?
- Sûre... Et puis, il vaut mieux perdre un doigt
qu'autre chose, non?"


Washington, 1918. “U.S. Navy Intelligence Bureau. 
Fingerprint department clerks James A. Noonan,
 Mrs. G.G. Boswell.” Harris & Ewing glass neg.

$$$
Benoît Barvin

samedi 9 novembre 2013

"Ils ne s'aimaient pas assez pour se détester". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

°°°
Pensées pour nous-mêmes:

(LA VOLONTÉ N'EST PAS LA SAGESSE)

°°°
Nouveau court récit au long cours (8)

LE LIBÉRÉ
DU
CLUB MAD



   Les relations entre Rachel et Daniel prennent peu à peu un tour plus intime...

sarana2007.centerblog.net

   Le lever de soleil en direct sur la mer plate et les rayons qui chauffent la peau, chaque seconde un peu plus. Daniel fait une série de postures et à chaque étirement se mêle la caresse de l’air ensoleillé.

   Rachel dort dans le creux de son coude. C’est bon de la voir dormir ainsi. Qu’elle en profite ! Il sait que les animateurs de voile n’arriveront que vers 9h30, s’ils arrivent, car avec cette mer d’huile, la voile c’est râpé une fois de plus. Il sait aussi qu’il n’ira pas faire du ski nautique ce matin. Trop d’attente au seul ponton ouvert. Il a vérifié hier qu’il tenait encore sur l’eau, mais ça ne l’intéresse plus de faire le mariole devant des monos qui te poussent à la compétition. Et puis, il n’est pas là pour ça.

   Pour quoi est-il là d’abord ? Est-ce la bonne question ? Il devrait plutôt se demander pour qui est-il là ? C’est peut-être cela la vraie question. Et il pense bien avoir la réponse , là, sous ses yeux, en train de s’éveiller

   Rachel s’étire, ouvre les paupières et met ses mains en visière pour regarder la mer.

   - Daniel, vous savez, j’aimerais continuer à vous dire vous. C’est étrange, cela n’a rien à voir avec un quelconque sentiment social normatif. Il y a quelque chose en vous qui m’intrigue, qui me fait vous placer un peu à part, dans le domaine de l’inclassable. Comme si vous étiez un extra- terrestre, bien incarné tout de même…

   Il éclate de rire.

   - C’est que tu ne sais pas grand chose de moi et moi-même je me fais quelques nœuds à mon sujet.

   - Qu’est-ce que vous voulez dire ?

   - Eh bien, je crois avoir eu récemment de petits problèmes cérébraux. Du moins, c’est ce qu’on m’a laissé entendre

   - Pourtant, vous paraissez en pleine forme, aussi bien de corps que d’esprit.

   - Oui, c’est paradoxal. Il est vrai que j’ai fait dernièrement des rêves bizarres et que je crois à ces rêves par moment, au point de m’y investir à fond.

   - Quels genres de rêves ?

   Il ne sait pas s’il va répondre. Ce serait comme trahir une part de lui-même. Il sent le ridicule de sa position, mais c’est encore plus fort que lui.

   - Je te raconterai cela plus tard. On va d’abord ranger les matelas...

   - Et se baigner avant le petit déjeuner.

   Rachel n’est pas du genre compliqué. Elle dit que c’est autour d’elle qu’elle sent les complications. Et plusieurs années d’études d’ethno-psycho-socio lui ont appris que les embrouilles n’étaient pas prêtes de disparaître de sitôt.

   Elle envoie balader son tee-shirt, va tout au bout du ponton et s’élance. Elle plonge profond dans l’eau claire, frôle les algues et le banc de sable, seule à nager dans cette immensité marine d'où a disparu, comme Daniel l’a constaté hier après-midi, toute faune aquatique.

   - C’est un délice matinal. Un peu frais quand même. Vous ne venez pas ?

   C’est tentant. Juste pour se coller une fois de plus contre ce corps gracile qui évolue là, simplement, tout simplement. Et tant pis s’il se gèle un peu. Ce n’est pas souvent que l’on rencontre des personnes simples dans leur comportement. Disons que la façon de se comporter de Rachel lui va comme un gant Ca fait partie des miracles des affinités sélectives. Chimiquement, physiquement parlant, il doit y avoir des causes logiques à ces rapprochements subtils. En tout cas, c’est un plaisir total.

   Cela fait longtemps qu’il croit avoir trouvé le secret de l’harmonie, qui consiste pour lui à ne rien désirer de plus que ce que lui offre chaque instant. Et l’instant présent est tout bonnement extraordinaire, débordant de sensations, d’une netteté lumineuse en ce matin de juin.

   La falaise abrupte, sculptée de figures minérales, se détache sur le ciel. Chaque roche étincelle au bord de l’eau salée. Les cheveux de Rachel ruissellent sur ses épaules pales.

   Ils remontent vers le Village endormi. Le sol ne gronde plus sous leurs pieds. Tout est calme. 

(A Suivre)


°°°
(Chuchotant)
"Tu as vu le médiocre noeud pap' qu'il arbore?"

(La jeune femme, pensant)
"Moi j'ai surtout vu sa belle moustache...
et sa bouche tentante..."


The Opera - Clarence F. Underwood

°°°
"S'il n'y a plus de forêts...
Comment je vais faire de l'escarpolette, moi?"


Girl on a Swing by Raimundo de Madrazo y Garreta


Le marché ne sauvera pas
 les forêts tropicales
Romain Pirard

   (...) Près de treize millions d’hectares de forêts tropicales sont détruits chaque année, entre bassin amazonien, Afrique centrale et Asie du Sud-Est. Le chiffre est certes en partie balancé par des efforts de reboisement dans certains pays d’Asie (Chine, Vietnam) ou dans le monde développé, mais cela ne compense pas la perte de biodiviersité tropicale.

   Ce phénomène n’est pas nouveau. En réponse, on va vu depuis vingt cinq ans se propager des discours volontaristes sur les mérites des marchés, comparativement à des approches plus coercitives associées au pouvoir régulateur des gouvernements. Cette tendance s’est trouvée renforcée par l’émergence plus récente d’une rhétorique sur les « services environnementaux » : il s’agit des bénéfices dont jouissent les populations lorsque l’environnement est bien géré.

   Par exemple, la conservation d’un espace boisé en amont d’un bassin versant permet non seulement de lutter contre l’érosion des sols, mais aussi de garantir un débit plus régulier des cours d’eau dont les populations et industries en aval peuvent bénéficier.

   Ainsi, de nombreuses tentatives visent aujourd’hui à promouvoir des instruments adossés au marché pour atteindre des objectifs environnementaux , par exemple des programmes de certification type FSC (Forest stewardship council) ou les très médiatisés « Paiements pour Services Environnementaux » (PSE). Ceux-ci recouvrent des instruments hétérogènes mais qui partagent certaines caractéristiques : transactions bilatérales où un bénéficiaire d’un service rémunère ceux dont les décisions d’usage des sols permettront de garantir la fourniture du service, la rémunération étant conditionnée à la fourniture du service (ou aux moyens mis en œuvre pour atteindre cet objectif).

   Dans le même temps, les négociations au sein de la Convention Climat ont abouti à la création d’un mécanisme appelé REDD+, qui vise à financer la réduction de la déforestation tropicale. Ce financement peut passer par les marchés carbone, par les contributions des pays industrialisés (la Norvège notamment) ou par tout autre moyen, que celui-ci relève des passagers d’un vol aérien souhaitant compenser leurs émissions, des organisations philanthropiques ou encore des agences onusiennes.

   Quels sont les résultats obtenus par ces approches ? Les attentes sont très loin d’être satisfaites aujourd’hui, et les discours l’ont emporté sur les réalisations. Je ne rentrerai pas ici dans des considérations morales sur ces approches ; celles-ci font déjà l’objet de nombreux débats où les peurs souvent irrationnelles d’une « marchandisation de l’environnement » se confrontent à des présupposés idéologiques sur les avantages théoriques des marchés.

   Par contre, il est important de souligner le peu d’impact de ces mécanismes adossés aux marchés. Un gouffre sépare leur conceptualisation de leur mise en pratique, et il est clair que ces instruments dits « innovants » se fracassent contre la réalité du terrain. Entre l’instrument pensé par l’économiste ou le décideur et celui qui est déployé dans les espaces forestiers, il existe peu de points communs.

   Autrement dit, la montagne a accouché d’une souris. Les inerties sont bien trop puissantes sur le terrain, ainsi que les agendas politiques divers et variés. La Norvège promet un milliard de dollars à l’Indonésie pour REDD+ ? Quelques années après, seulement 3 % sont versés en raison de l’absence d’actions concrètes.

   Les marchés volontaires constitueraient une solution transitoire avant que les marchés carbone sortent renforcés d’un accord global de réduction des émissions ? Là encore, ces transactions ne concernent que 0,3 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre dans le monde !

   L’Equateur veut mettre en place un appel à contributions internationales pour compenser les coûts d’opportunité de la non-exploitation des ressources pétrolières afin de préserver les forêts tropicales du Parc Yasuni ? Le projet est finalement abandonné en septembre 2013.

   Ce n’est pas le lieu ici de décrire la complexité des causes de la déforestation tropicale, entre infrastructures routières, besoin de satisfaire la demande alimentaire, gouvernance défaillante… Mais le fait est que les rustines que représentent les approches adossées au marché ne sont pas une solution au problème.

   La solution ne pourra passer que par une redéfinition de nos trajectoires de développement afin que la consommation par habitant diminue drastiquement (voire la démographie). Cette prise de conscience se heurte à des inerties là aussi puissantes, puisque la croissance économique reste dans nos esprits associée à plus de production de biens manufacturés.

   Elle continuera aussi de nous poser des problèmes intellectuels puisque l’on ne peut blâmer, à titre d’illustration, l’expansion des plantations de palmier à huile sans faire également l’effort d’admettre qu’avec une croissance de la demande alimentaire, les mêmes terres seraient de toute façon défrichées et cultivées pour y répondre, quel que soit le type de culture. (...)


°°°
(Élégante hésitant entre un hideux chapeau français
et un inesthétique bonnet russe)



°°°
Luc Desle (et Jacou Damboise)

vendredi 18 octobre 2013

"Les idées du roi du gadin ne tenaient pas debout". Jacques Damboise in "Pensées inconvénientes".

°°°
Pensées pour nous-mêmes:

(LE VALET DU MAÎTRE
N'EST PAS UN DISCIPLE)

°°°

"Heu... L'expression 'Notre amour est plus haut 
que la plus haute des montagnes" n'est pas
forcément à prendre au pied de la lettre, chéri..."


from RJ Shaughnessy’s book ‘Stay Cool’
Tags: COMPANION

°°°
"Toc, toc, toc!
- Y'a personne...
- Mais ouvre, enfin... 
T'es ridicule avec ton agoraphobie...
Ce n'est que moi..."


voustombezpile.wordpress.com

Arrêtons de nous gargariser
de notre taux de fécondité !

Jean Matouk
Economiste

   (...) La croissance démographique qui résulte de notre taux de fécondité[PDF] (nombre d’enfants par femme), au « top » de l’Europe avec l’Irlande, serait un « atout » dans la mondialisation, par rapport aux autres pays de l’Union européenne... Dans son blog, récemment, l’Office français des conjonctures économiques (OFCE) fait litière de cette idée fausse, qui nous leurre, comme je l’ai fait moi-même récemment ici-même.

   Pour que le dynamisme démographique soit un atout, pour qu’il y ait un dividende démographique, il faut que les citoyens d’âge actif créent de la valeur ajoutée sur une vie de travail suffisamment longue pour financer les retraites, il faut que les enfants soient bien formés, et il faut enfin qu’un nombre suffisant d’entreprises créent suffisamment d’emplois. Hors de ces conditions, le soi-disant « dividende démographique », est en réalité une perte. (...)

   (...) Il y a encore un siècle, la puissance d’un pays pouvait se mesurer au nombre de ses habitants de 18-40 ans, aptes à le défendre en cas de guerre, quand celle-ci dépendait encore de la « chair à canon » disponible. Mais la guerre elle-même est devenue très technologique – on y tue plus de civils que de militaires–, et de toutes façons, elle n’est pas d’actualité en Europe.

   Sur le plan économique, les natalistes ont soutenu, de leur côté, une succession d’arguments. Le plus anciens étaient les mercantilistes pour lesquels l’essentiel était de disposer de main d’œuvre pour les « fabriques » naissantes. En manquant déjà, la France fit venir et retint des « ouvriers » de divers pays. Un moment Malthus eut l’intelligence de montrer aux ouvriers qu’un excès de fécondité était problématique, les « ressources » croissant en progression arithmétique face à la progression géométrique de la population.

   Puis revint la thèse nataliste moderne, celle qui prévalait il y a cinquante ans, et trop souvent encore aujourd’hui. En dehors de l’argument précité de la « chair à canon », elle affirmait que la natalité crée des agents économiques supplémentaires qui, à travers leurs parents, puis plus tard, d’eux-mêmes, créent une demande, laquelle stimule la production. Par ailleurs la jeunesse insufflerait un esprit permanent d’innovation. Aujourd’hui, tous ceux qui se sont opposés plus ou moins à la réforme des retraites, ajoutent que plus il y a de jeunes, moins sera lourd, plus sera supportable, le poids relatif des retraités. (...)

   (...) Tous ces arguments sont simultanément balayés par le chômage de masse qui prévaut depuis vingt ans sans notre pays. Les jeunes expriment une « demande », certes, des biens courants nécessaires à la vie, mais aussi de tous les biens électroniques et informatiques, et des marques de vêtement, rendues psychologiquement « nécessaires » par la publicité et le mimétisme de consommation particulièrement élevé chez eux. Or d’une part, ces biens ne sont plus produits en France – alors que dans la logique nataliste cette demande devrait être satisfaite par le travail de ces jeunes – et alourdissent donc la balance commerciale.

   D’autre part, pour « solvabiliser » très partiellement cette demande, et maintenir le « climat » social, les systèmes d’aides diverses, sur fonds publics, sont de plus en plus sollicités, en sus des prestations chômage. Enfin, pour la part qui ne l’est pas, certains jeunes recourent aux trafics divers, ce qui augmente la délinquance.

   On remarquera au passage que notre taux de fécondité de 2,01 (2008, mais inchangé depuis), se décompose en 1,9 quand il s’agit de mères née en France ou françaises, et 3,99 de mères étrangères. Les quartiers sensibles ou le taux de chômage des jeunes 15-24 ans atteint 50%, sont donc aussi ceux ou la natalité est la plus élevé portant en germe un chômage encore plus important.

   Ces jeunes sont certes imaginatifs et de nombreuses réussites d’entreprises de jeunes de ces mêmes quartiers, ou d’autres, après études brillantes, illustrent leur potentiel d’innovation. Mais ce potentiel doit être activé par des financements spécifiques qui ne se développement vraiment, sous incitation publique, que depuis quelques années. En France, les « business angels », les épargnants « risquophiles », prêts à parier sur une idée présentée par un de ces jeunes, sont bien plus rares que dans les pays anglo-saxons

   Par ailleurs, depuis vingt ans, il y a eu un déficit important d’investissements réellement productifs – si l’on élimine les hypermarchés, les banques et les investissements publics–, ce qui est la clé d’un développement de l’emploi, donc de la création de valeur ajoutée permettant de payer les retraites. Le patronat n’a pas complètement tort quand il attribue cette carence d’investissements productifs à l’excès des cotisations sociales. Mais ce poids sur la compétitivité-prix n’en explique qu’une partie. Du côté de la compétitivité technologique, de la recherche, le même patronat a fait preuve d’un piètre dynamisme.(...)

   (...) Enfin, sous le poids-même de cette masse de jeunes, souvent socialement très handicapés, notre système scolaire ne fait plus face. Sa qualité a considérablement baissé comme le montrent les enquêtes PISA (Programme international de suivi des acquis des élèves). Phénomène cumulatif : il est de moins en moins capable de former cette jeunesse si « vantée » pour qu’elle soit apte à créer de la valeur ajoutée, ce qui est facteur d’aggravation de leur chômage

   Bref, il est absurde de se gargariser d’un taux de fécondité élevé. Comme l’explique l’OFCE, le dividende démographique est un leurre. Un gouvernement courageux devrait le reconnaître et annoncer une suppression des allocations familiales, pour les enfants à naître dans un an – les allocations étant évidemment maintenues pour les enfants en vie. Quitte à rétablir des allocations dans dix ans, si la démographie l’exigeait ! (...)


°°°

(L'Homme au cœur d'artichaut avait la main verte)



Growing cabbages, Wairarapa, 1890s
(Source: SISTERWOLF, via HAREMOFPEACOCKS)

°°°
Benoît Barvin