Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

mercredi 18 avril 2012

"Ce médiocre batteleur de foire avait décidé de se présenter en tant que Résident, bien que son cousin soit déjà en place". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet"

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Pensées pour nous-mêmes:

(SOUVIENS-TOI QUE L'AUTRE
N'EST QU'UN DE TES INNOMBRABLES ROUAGES)
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COURTS RECITS AU LONG COURS(10)
pcc Benoît Barvin

La femme


   Pour Sherlock Holmes, son prénom était Irène. En ce qui me concerne, je n'avais pas eu envie de la nommer, afin de lui donner une matité rassurante. Je l'avais vue pour la première fois à l'âge de 5 ans, lorsque mon frère était décédé dans un accident de la circulation, à un carrefour que je lui avais ordonné de traverser, sans se soucier du trafic. Elle était grande, pâle, la chevelure longue et d'un noir de jais, le tout recouvert d'un suaire transparent qui ne dissimulait rien de ses charmes vénéneux. 
   Je la revis à 13 ans, au moment où j'observais cet avion de tourisme qui se fracassait sur une montagne, le pilote - certainement inexpérimenté - ayant été ébloui par le faisceau lumineux que j'avais pointé dans sa direction. Elle se tint près de moi, surgie d'on ne savait où, et nous regardâmes un moment, après la terrible explosion, le feu qui mordait la végétation puis qui glissait, tel un serpent, vers le petit village voisin qu'il finit par consumer entièrement. Cette fois, je notais que son corps avait forci, que ses cheveux était taillé en forme de casque. Elle arborait cependant un sourire satisfait, se permettant même de ma tapoter la tête avec bienveillance.
   De temps à autres, au cours de ma courte vie, je la revis ainsi, à chaque fois qu'une catastrophe se produisait, catastrophe dans laquelle je n'étais pas pour rien. A la félicité de voir s'additionner les morts d'étrangers stupides, se mêlait cependant un vague regret, qui se métamorphosa en tristesse infinie: les années passaient et l'allure de l’apparition se modifiait.
   La femme éthérée, quoique très féminine, fit place à une matrone mal fringuée, aux cheveux rares, à la lippe vulgaire. Elle venait de surgir alors que je m'apprêtais à lancer une roquette contre un bus d'écoliers d'une nationalité à problème. J'hésitais, aussi apparut-elle, furieuse, en m’exhortant à accomplir mon geste. "Tu n'es qu'un instrument, cracha-t-elle. Tu n'as pas de libre arbitre". Je posai sur le sol l'arme et croisai les bras, lèvres étrécies en un sourire moqueur.
   Les troupes d'élite qui n'étaient pas loin me farcirent de plomb. Avant de fermer définitivement les paupières, je saisis l'expression de l'apparition, inexplicablement soulagée, et j'entendis, dans un murmure, la phrase qu'elle me destinait: "mieux vaut tard que jamais..." 



La rivière

  J'étais un nageur hors pair. Toutes mes vacances se déroulaient à la mer, ou près de l'océan, en tout cas aux alentours d'un milieu aquatique. Je ne pouvais m'épanouir en dehors de cette eau qui m'était aussi indispensable que l'air que j'inspirais, à grosses gorgées, emplissant mes poumons de sportif vigoureux. Lorsque je plongeais dans l'élément liquide, je perdais mes repères, je devenais un hybride, mi-homme mi-poisson, qui retrouvait le ventre de Mère Nature. 
   Cependant, une nuit je m'éveillai, ruisselant de sueur. Je venais de faire un horrible cauchemar au cours duquel je me noyais dans ce liquide que, pourtant, je n'avais jamais redouté. Ma mort fictive avait été effroyable. Je tremblais encore de cette terreur qui m'avait saisi alors que, comme d'habitude, je nageais souplement entre deux eaux. J'avais eu envie d'inspirer longuement et, oubliant l'endroit où je me trouvais, j'avais aspiré une grande quantité d'une eau soudain fétide... 
   J'avais jailli du cauchemar au moment où mes poumons se remplissaient d'un liquide sirupeux et pestilentiel. J'étais terrifié et j'eus le plus grand mal à trouver le sommeil. Je dus désormais m'aider, au seuil de chaque nuit, de remèdes toujours plus puissants. En vain. Le cauchemar m'attendait à l'orée de mes paupières, lourdes d'angoisse.
   Cette angoisse cessa enfin, lors de la traversée d'un banal ruisselet, au centre duquel je fus pris d'un impitoyable étourdissement. Je tanguai et tombai, tête la première, dans quelques centimètres d'une eau dans laquelle je me noyai en un rien de temps. 
   Une eau putride, puisqu'il s'agissait de celle de mes égouts que, par négligence, je n'avais jamais réparés et qui venaient de déborder... 


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(Par pure provocation, parfois Soeur Gudule
jouait les femmes fatales, au grand dam des
Instances ecclésiastiques)
Sofia Sanchez & Mauro Mongiello 


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(Traumatisé par une enfance exhibitionniste,
ce tueur fou découpait systématiquement
le sein de ses victimes)
Sergei Kaptilkin

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(La femme au visage déformé par la cirrhose
avait encore de beaux restes)
Photographer Filippo Fortis
Stylist Marzia Fossati
Make up & Hair Fabio Lo Coco

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(Enfant, Soeur Gudule ne se déplaçait jamais sans ses malles
pleines de textes malséants)
Lewis Carroll
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Stacey Kent "Désuet"



Désuets
Ces petits bancs de square
Pris entre les boulevards
Et les nuages gris
Dénués
De toute fantaisie
Mais tellement jolis

Désuets
Les costumes "ans cinquante"
Les chansons que l'on chante
Dans les vieux clubs jazzy
Délivrés
De toute nostalgie
Tout simplement jolis

Pendant que s'écroulent
Les modes et les tours
Pleins de certitudes
Seul le désuet
Ne tombe jamais en désuétude

Désuets
Les mots que tu me souffles
Et qui font battre en boucle
Mon grand cœur trop petit
Dénués
De toute effronterie
Mais tellement jolis

Désuet
L'amour que l'on se porte
Qui dure, et peu importe
La fureur et le bruit
Délivré
Des éternels non-dits
Tout simplement joli

Pendant que se rident
Temples et pyramides
Pleins de lassitude
Seul le désuet
Ne tombe jamais en désuétude

Désuets
Les mille craquements
De la pointe de diamant
Sur nos vinyles chéris
Dénués
Des progrès dernier-cri
Mais tellement jolis

Désuets
Les pavés qui recouvrent
La cour Carrée du Louvre
Et tout le vieux Paris
Délivrés
De toute nostalgie
Tout simplement jolis

Pendant que s'écroulent
Les modes et les tours
Pleins de certitudes
Seul le désuet
Ne tombe jamais en désuétude

(Grazie a Clara per questo testo)
[ Ces sont Désuets Paroles sur http://www.parolesmania.com/ ] 

Jacques Damboise (avec la romantique Nadine Estrella)

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