Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

lundi 15 juillet 2013

"il ne retrouva patience qu'après un long moment d'énervement". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LA VOIX DU SAGE
TOUT LE MONDE PEUT L'ENTENDRE)

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Long Texte au long cours (2/10). 
Blanche Baptiste


   La jeune Lucie se rend compte que le bel Espagnol dont elle est tombée amoureuse est, en fait, son frère...


HAUTES DILUTIONS



   Pedro, vexé que son second ait à lui dire ce qu’il devait faire, se mit à donner des ordres et des contre ordres. Il n’était pas à ce qu’il faisait. C’était évident. Il pensait à ce Tonio. Ca le turlupinait depuis tout à l’heure. Alors, il fit une chose qu’il n’aimait pas faire. Il alla fouiller dans le blouson de ce jeune, posé là sur le talus avec ceux des autres. Et il trouva les papiers et la vraie carte.

   Un long moment, il resta assis dans l’herbe, abasourdi.

   - Oh, Mirales ! Je t’ai dit qu’on était à la bourre. Qu’est-ce que tu as ? Tu es malade ?

   - Fous-moi la paix !

   - Si t’es plus bon pour commander, tu sais que je peux m’en charger. Il suffit de le dire !

   - Tu m’empoisonnes, Marcel ! Seconde-moi et point final, tu m’entends ! Pour qui tu te prends ?

   Marcel était retourné à son tracteur en bougonnant tout bas.

   - Tu le verras un jour pour qui je me prends et y’en a pas pour longtemps !

   Le vieux ne bougeait pas de son talus, sous un soleil redevenu de plomb. Alors, ce Tonio, c’était son fils ! Qu’est-ce qu’il lui voulait ? Jamais il n’aurait pensé avoir l’occasion de le voir. Mille questionnements lui venaient. Il ressentait un élan qui l’aurait poussé à appeler cet Angel, là, auprès de lui, à lui parler, et en même temps une retenue qui lui disait qu’il allait foutre sa réputation en l’air en avouant sa paternité. Toute sa vie il avait porté ce poids et maintenant cet homme qui lui était plus étranger que familier, s’immisçait carrément chez lui, sans crier gare, en se cachant, et qui plus est en flirtant de près avec Lucie. 

   Quelle intention malsaine poursuivait ce garçon ? Quelle vengeance l’habitait ? Mirales aurait pu jouer la carte de la franchise avec ce Tonio d’apparat, mais une fois de plus il choisit la méfiance et le mensonge. Il allait faire comme s’il ne savait rien et l’observer un peu. Pour cela, il fit ce qu’il ne faisait plus depuis des lustres. Il se mit à couper un moment avec les autres.

   - Qu’est-ce qui te prend ? lui demanda Josefa. Je peux faire mousseigne sans toi.

   - Je vais mener, vous traînez trop. Je vais vous redonner le rythme.

   Les Espagnols riaient sous cape, parce qu’avec Mirales comme chef de colhe, ils étaient sûrs de ne pas trop forcer. Josefa ne comprenait pas son attitude. Il était devenu cinglé !

   Lui, savait ce qu’il faisait. Il approchait Angel. Il le voyait aller et venir avec les seaux. Il notait sa maladresse. Comment n’avait-il pas remarqué auparavant combien il s’y prenait mal pour vider. De toute évidence, ce garçon n’avait jamais vendangé. Il revit la main lisse qui lui avait tendu les faux papiers l’autre jour. Il venait de la ville. Il fallait vraiment qu’il ait quelque chose de précis en tête pour avoir si bien manigancé sa venue.

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(A Suivre)

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(Ver de terre faisant l'expérience traumatisante
d'être étêté par un méchant n'oiseau)

La tête d’un ver décapité repousse… 
avec sa mémoire
Pierre Barthélémy 

   (...) Visant à fabriquer de nouveaux organes pour remplacer ceux qui se révèlent défectueux, la médecine régénératrice est un domaine en pleine expansion. Un domaine qui pose aussi des questions inattendues lorsqu'il touche au cerveau : pour les personnes souffrant d'une maladie neurodégénérative comme la maladie d'Alzheimer, qu'arrivera-t-il aux souvenirs stockés depuis l'enfance lorsqu'on repeuplera le cerveau avec des neurones tout neufs issus de cellules souches ? Les informations seront-elles perdues comme des archives brûlées ou bien parviendront-elles à être conservées grâce à une sorte de mémoire dynamique en constant remodelage ?

   La réponse à ces questions fascinantes pourrait bien venir de... vers. Plus précisément des planaires, des vers plats d'eau douce qu'affectionnent les biologistes pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que ces organismes, malgré leur aspect rudimentaire, ont avec nous plus de points communs qu'on pourrait l'imaginer : les planaires sont dotées d'un cerveau centralisé, avec une transmission synaptique et une gamme de neurotransmetteurs que l'on retrouve chez les vertébrés. Ensuite, elles peuvent percevoir assez finement leur environnement. 

   Certes leurs yeux sont assez peu perfectionnés mais ces animaux sont également sensibles aux variations chimiques, aux vibrations, aux champs électrique et magnétique. Enfin – et c'est le point que les scientifiques préfèrent chez les planaires –, ces invertébrés sont capables, grâce à de formidables cellules souches, les néoblastes, de se régénérer entièrement, y compris à partir d'une toute petite portion de leur corps. Ainsi, quand leur tête a été amputée, elle repousse en quelques jours.

   On commence à voir où les chercheurs veulent en venir car qui dit tête, dit cerveau et mémoire. Dans une étude publiée le 2 juillet par le Journal of Experimental Biology(JEB), une équipe de l'université Tufts (Massachusetts) a voulu tester de manière radicale la dynamique du souvenir : une fois que sa tête a repoussé, la planaire décapitée se rappelle-t-elle quelque chose de sa vie d'avant ? La question peut sembler insolite mais elle a déjà été posée il y a plus d'un demi-siècle, en 1959, par un chercheur nommé James McConnell, qui y avait répondu par l'affirmative

   Sa découverte avait, on s'en doute, suscité beaucoup d'effervescence dans le monde de la biologie et, au cours des années 1960, de nombreuses équipes avaient travaillé sur le sujet, sans toujours parvenir à reproduire le résultat de McConnell. Faute d'un protocole suffisamment robuste, cette voie de recherche avait par la suite été abandonnée. Toute la difficulté tient dans le fait que l'on doit prouver que la planairese souvient de ce qu'elle savait avant qu'on lui coupe la tête. La meilleure manière de s'en assurer consisterait à lui apprendre quelque chose. Mais autant il est aisé d'enseigner à des humains, autant cela devient compliqué avec un ver...

   C'est ce tour de force qui est décrit dans l'article du JEB. Ses auteurs ont mis au point des plateformes expérimentales pour entraîner les planaires et tester leur mémoire. Pendant que des groupes témoins vivaient leur vie dans de classiques boîtes de Petri, rondes et entièrement en plastique, plusieurs dizaines d'individus étaient placés dans de petites "arènes" dodécagonales, au sol rugueux et aux parois mélangeant le plastique et le métal. L'idée consistait à leur faire reconnaître cet environnement particulier et à leur apprendre à y trouver de la nourriture, sous forme de minuscules morceaux de foie de bœuf (les planaires sont carnivores). 

   Alors que ces vers préfèrent d'ordinaire rester sur les parois des récipients et évitent la lumière, ils devaient apprendre à vaincre ces réticences pour manger car la nourriture était placée au milieu de la boîte et éclairée de manière assez vive par une diode électroluminescente. Avec un tel protocole, les chercheurs s'assuraient que le comportement de ces animaux résultait bien d'une décision prise par le cerveau et qu'il ne s'agissait pas d'un quelconque réflexe. Au bout d'une dizaine de jours d'entraînement, les planaires habituées aux "arènes" trouvaient beaucoup plus vite leur pitance que celles qui ne connaissaient pas cet environnement.

   Ensuite les chercheurs ont laissé leurs bestioles tranquilles pendant deux semaines, puis les ont testées de nouveau, avec succès. Pourquoi deux semaines ? Parce que c'est le temps qu'il faut à la tête d'une planaire pour repousser. Si l'on veut tester sa mémoire après une décapitation, il faut en effet déjà être certain que l'animal est capable de garder un souvenir ! Comme c'était le cas, on est entré dans le vif du sujet. Les têtes ont été coupées de manière à ce que plus un milligramme de cerveau ne subsiste. 
   Une fois que la repousse a été complète, les vers sont retournés dans l'"arène". Lors de la première séance, les résultats ont été "décevants" dans le sens où les planaires qui y avaient auparavant séjourné réussissaient le test à peine mieux que celles qui n'avaient jamais fréquenté cet environnement. Mais dès le test suivant, le niveau de leurs performances est remonté à celui qu'il était avant la décapitation. Une fois rafraîchie, la mémoire leur était revenue !

   Le résultat est extraordinaire en ce sens qu'il défie le sens commun. Comment les souvenirs ont-ils pu être sauvegardés lors de la décapitation ? Ainsi que le résume Michael Levin, un des auteurs de cette étude, "nous n'avons pas la réponse à cette question. Ce dont nous apportons la preuve, c'est que, de manière remarquable, la mémoire semble être conservée en dehors du cerveau." L'article évoque l'idée que le savoir né de l'entraînement a réussi à "s'imprimer" dans les néoblastes, ces cellules souches à partir desquelles l'animal va recréer la partie amputée... et notamment les neurones du cerveau. Un peu comme si le cerveau tout neuf démarrait à partir d'un disque de sauvegarde.

   Comme bien souvent en science, la découverte apporte plus de questions que de réponses et elle est encourageante dans la perspective de la régénération des neurones à partir de cellules souches. Ceci dit, je ne peux m'empêcher de trouver que ce résultat résonne de manière étrange avec un autre de mes récents billets, celui où je parlais de ce médecin italien prêt à greffer des têtes humaines sur le corps d'un donneur. A la lumière de ce qui précède, qui dit que ce corps ne conservera pas la mémoire de qui il était autrefois et que ses souvenirs n'entreront pas en conflit avec ceux de la tête ? (...) 

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(Parmi ces "dames" se trouve un... Hem...
Monsieur... Sauras-tu le retrouver?)



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(Archer européen s’entraînant à conquérir le monde)


album.aufeminin.com

"La géopolitique classique a de l’avenir", 
entretien avec Gérard Chaliand

   / Nonfiction.fr - Votre dernier ouvrage démarre sur le constat selon lequel, ce début de siècle verrait une parenthèse se clore : celle de la domination de l’Occident sur la scène mondiale. De ce point de vue, assistons-nous à un retour à la normale au regard du temps long de l’histoire ?

  -  Gérard Chaliand - Nous sommes en train de retrouver la norme multipolaire qui a prévalu avant l’expansion occidentale. Pour bien l’appréhender, il est nécessaire de porter sur l’histoire longue un regard où l’Occident général et l’Europe en particulier n’occuperaient plus le premier rôle. A cet égard, quelques vérités utiles doivent être rappelées. L’essentiel de l’histoire humaine s’est joué sur la masse eurasiatique qui, traversée par les routes de la soies, est le véritable espace historique des échanges commerciaux et ce bien avant l’Atlantique. Avant même l’émergence du commerce triangulaire, la Méditerranée telle qu’elle est observée au prisme déformant de l’histoire occidentale prend une place excessive. C’est l’Océan Indien qui constitue l’espace maritime de la première mondialisation, mondialisation que l’on doit d’abord aux marchands musulmans qui circulent de l’Espagne à l’Asie centrale et jusqu’en Indonésie en passant par la côte orientale de l’Afrique. 

   L’Europe est structurellement marginale sur le temps long. Si l’on jette un œil sur la carte politique du monde XVIIe siècle, on voit dans quatre états comptent dans l’espace européen: la France, l’Angleterre, l’Empire d’Autriche et la Russie qui n’a pas encore amorcé son expansion en Asie. Or l’essentiel de la puissance se trouve ailleurs. L’Empire de Chine arrive au faîte de son rayonnement sous la dynastie Qing. Du Bengale à l’Afrique du nord en passant l’Europe orientale, trois empires musulmans contigus – l’Empire moghol en Inde, la Perse et l’Empire ottoman – forment une immense continuum territorial irrigué par d’intenses relations commerciales, politiques et culturelles.

   /Le poids de l’Europe doit donc être relativisée ?

   - En effet, elle ne devient hégémonique que très tardivement. Encerclés du VIIIe au Xe siècle, les états européens ne projettent leur puissance vers l’extérieur que lors de la parenthèse des Croisades au XIIe et XIIIe siècles. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que l’Europe qui ne formait auparavant qu’un groupe de puissances parmi d’autres se distinguent progressivement grâce au faisceau d’innovations techniques et politiques qui l’on comprendra plus tard sous le vocable de modernité. La conquête de l’Amérique mise à part, leur expansion dans le monde eurasiatique se coule dans les canaux de la première mondialisation musulmane et se limite d’abord à l’ouverture de comptoirs sur les façades maritimes. 

   Cela commence avec les Portugais qui investissent l’océan indien au début du XVIe siècle. Les hinterlands ne sont maîtrisés de manière plus progressive et l’occupation des terres n’est pas effective avant la toute fin du XIXe siècle. Cependant, à mesure que l’ordre colonial s’installe un profond changement des mentalités s’opère. Les idées occidentales se diffusent parmi les populations colonisées et en particulier le nationalisme. Leurs élites retourneront bientôt cette arme qui a déjà éliminé les vieux empires multinationaux comme l’Empire ottoman et l’Empire austro-hongrois, contre les Empires coloniaux européens.

   / L’Occident, par ce décalage de puissance, par l’hégémonie qui en résulte, crée donc, et de manière paradoxale, les conditions d’un rééquilibrage. Cependant, ce nationalisme ne peut s’appliquer en tout lieu de la même manière. L’usage généralisé qui a été fait, au XXe siècle, de ce concept issu d’une histoire des idées politiques singulière, celle de l’Europe occidentale, donne nécessairement lieu à de nouveau décalages…

   - En effet. Les Etats-nations issus de l’effondrement des empires, anciens ou modernes, furent souvent des constructions boiteuses où la construction d’identités communes ont nécessité l’occultation de pans entiers de l’histoire par les récits officiels, l’épuration ethnique ou religieuse et la sacralisation de frontière arbitraires. Le caractère précaire de certaines de ces constructions nous apparaît avec force et cruauté en Syrie mais les exemples tirés de l’histoire récente sont innombrables. 

   Les frontières tardivement tracées sont souvent restées poreuses, surtout là où elles prétendaient pouvoir trancher au milieu d’ensemble démographiques et culturels cohérents. C’est le cas de la ligne Durand qui après avoir séparé l’Inde britannique de l’Afghanistan marque la frontière entre ce dernier et le Pakistan, en plein pays pashtoune, servant de centre de gravité à l’AfPak, un des foyer d’instabilité de l’espace mondial.

   / Avatar de la modernité politique, la suprématie de l’Etat nation est-elle donc vouée à prendre fin en même temps que la domination occidentale qui l’a consacrée ?

   - Les constructions stato-nationales sont bancales. Les Etats ne sont plus les seuls acteurs des relations internationales. Milices, mercenaires, réseaux intégristes, grand groupes industriels, financiers et criminels: une foule d’entités privés les concurrencent en jouant à plein des outils de la mondialisation. Cependant il ne faut pas sous-estimer les capacités de résilience des structures étatiques. Aussi artificielles soient-elles, elles profitent toujours à ceux qui les contrôlent et captent par elles des ressources. Mais plus encore, les Etats restent, sans qu’en face d’eux se présentent d’opposition sérieuse les véritables détenteurs de la puissance. (...)

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Luc Desle

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