Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.
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mardi 16 juillet 2013

"Elle se cassa la voix et renonça à en acheter une autre". Benoît Barvin. "Pensées pensées."

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Pensées pour nous-mêmes:

(PAR TA PENSÉE
TU REJOINS LES ETOILES)

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Long Texte au long cours (2/11). 
Blanche Baptiste

   Le père Mirales a appris que l'espagnol qui travaille dans les vignes fait partie de sa famille. Ce secret de famille étant éventé, il se sent de plus en plus mal...


HAUTES DILUTIONS

ocaranza-Travesuras-amor

4

   Aurore est en nage. Une de ses moufles est tombée et son autre joue est toute labourée de sang. 

   - Tu n’es pas raisonnable ! Comment pourrais-tu l’être d’ailleurs ? Je n’en finis pas de me leurrer à ton égard, et d’espérer. Tu ne comprends peut-être pas ce que je te dis, mais qui sait ? En tout cas, j’en ai assez de cette vie. 

   Lucie lui lave le visage et la main. Et entre les doigts crispés, elle trouve un petit tube de comprimés homéopathiques. 

   - Alors ça ! Comment as-tu fait ? Tu ne sais pas faire ce geste d’habitude. 

   Elle se demande si c’est un réflexe volontaire, le hasard, ou le résultat d’une intention précise. Elle ne saura jamais. En attendant, il faut qu’elle prépare la petite. A dix-huit heures, l’association passera la prendre pour le week-end. Ce sera un soulagement passager mais qui lui redonnera assez de courage pour aller jusqu’au mois suivant et ainsi de suite. Mieux vaut ne pas y penser ! 

*** 

   Elle voit partir le minibus sous les premières gouttes de l’orage. Elle respire comme on dit et pourtant elle se sent oppressée. 

   Quand les vendangeurs étaient rentrés le soir, il faisait lourd à nouveau. De gros nuages montaient de la mer, menaçants. Elle guettait Tonio depuis la fenêtre de sa chambre. Elle pensait aller le rejoindre tout de suite, mais son père avait abordé le garçon, pas plutôt descendu de la camionnette. Il avait réfléchi tout l’après-midi à ce qu’il allait lui dire, et soudain il craignait de ne pas trouver les mots. 

   - Je veux te voir dans mon bureau. Suis-moi ! 

   Ils étaient entrés dans la pièce assombrie par la lourde treille qui pendait là devant. Lucie aurait voulu se précipiter, ne pas les laisser en présence. Elle savait que son père pouvait être violent. Mais elle resta figée sur place, le front contre les carreaux. 

   Mirales avait pris sur une étagère, deux verres et une bouteille de Banyuls entamée. 

   - C’est du bon. Tu aurais peut-être préféré du Champagne, hein ? Pour des retrouvailles ç’aurait été tout indiqué. Mais je ne pouvais pas prévoir la surprise, qu’un ange me tomberait du ciel... 

   Il avait rempli les verres à ras-bord. 

   - Tiens, bois un coup, ça détendra l’atmosphère. 

   Il y avait de la froideur chez Mirales et de l’émotion chez son fils qui réalisait à ses dernières allusions qu’il était démasqué. 

   - Je voulais vous connaître, savoir qui vous étiez, c’est tout. 

   - Ta mère a dû t’en dire des saloperies sur moi, la garce. Parce que c’est pas ce que l’on croit… 

   Et il lui raconta la véritable histoire. Cette belle fille de dix-sept ans qui lui avait fait du charme comme elle en faisait à d’autres dans le camp. Il avait été fier qu’elle le choisisse lui, pour finir. Et puis… 

   Les mots avaient du mal à venir. Il avait la gorge sèche et si peu l’habitude de faire de longs discours. Il porta son verre à ses lèvres. Sa grosse moustache trempait à moitié dans le liquide. Il avala d’un coup une rasade, en renversant la tête en arrière. Un trait de feu traversa sa bouche, son œsophage. Il tenta de recracher. Il porta les mains à son cou, se leva et sortit en hurlant. 

   Des hurlements que tous entendirent dans la ferme. Mirales s’était mis directement sous la pompe et plus il buvait, plus ça le brûlait. Il finit par tourner de l’oeil. 

   - Il faut le transporter à Perpignan, dit Tonio. Il s’est empoisonné avec le vin. Ca a l’air très grave. 

   Josefa était là immobile comme une statue. Lucie regardait la scène sans rien dire. Quant à Marcel, il était déjà reparti chez lui au village. 

   - Bon, on doit se décider vite ! Je peux conduire la camionnette, on le couchera derrière. Madame Mirales, vous resterez à ses côtés. 

   - Non, je ne peux pas voir ça ! Vas-y toi Lucie. 

   Le trajet, ils l’avaient fait sans se parler, avec le bruit des gouttes qui martelaient la carrosserie. Lucie lui indiquait juste le chemin le plus court. Finalement, elle était montée à côté de Tonio. Derrière, elle n’aurait pas pu. Ca lui faisait peur de voir son père baver comme un agonisant. Peu avant l’hôpital, il avait repris connaissance. Sa voix n’était plus qu’une plainte rauque. 

   Pendant qu’on le prenait en charge, Tonio avait expliqué à Lucie ce qui s’était passé. 

   - Il venait d’apprendre qui j’étais… Il allait me parler plus longuement… Quelqu’un l’a empoisonné… 

   - C’est peut-être juste une erreur de bouteille, un accident. Il y a toujours des tas de produits dans son bureau, un vrai débarras. 

   - Non, la bouteille était en hauteur, à côté des verres, déjà entamée. Je suis sûr de ce que je dis. 

   - Eh bien, si on t’interroge, tu diras qu’il l’a prise par terre la bouteille, parce que, s’il y a soupçon d’empoisonnement, c’est toute notre famille qui sera inquiétée, et toi avec. Car, si les gendarmes apprennent qui tu es, cela pourrait même retomber sur toi ! 

   - Je me demande comment il a compris qui j’étais ? Quand il est venu à la cave dans l’après-midi, il ne t’a pas questionnée ? 

   - Non, il est monté me voir dans ma chambre et il m’a parlé violemment. Il m’a dit qu’il ne fallait surtout plus que je te fréquente. A mon avis, il savait déjà qui tu étais ou du moins, il s’en doutait. C’est que tu lui ressembles, par les yeux, les cheveux… 

   - Et ta mère, elle ne se doutait de rien ? 

   - Je ne sais pas. Elle sait cacher ses sentiments. Elle est très observatrice en tout cas. 

   - C’est le flou total, si je comprends bien. 

***
(A Suivre)

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"Vous nous relogez chez un banquier?
- Comment t'as deviné?"


The Expulsion of Adam and Eve from Parad - 
Francesco Curradi

“La Cour constitutionnelle 
suspend le décret du gouvernement andalou 
contre les expulsions”

   (...) La Cour constitutionnelle a décidé de suspendre de manière préventive le décret anti-expulsions du gouvernement régional andalou, en vigueur depuis le 12 avril.

   Ce décret permettait d'expropier les biens immobiliers appartenant aux banques et de les attribuer à des familles en situation de précarité et incapables de rembourser leur crédit hypothécaire. Jusqu'à présent, précise le quotidien, 12 familles avaient profité de cette mesure.

   La Cour, qui dispose désormais de cinq mois pour se prononcer, avait été saisie par le gouvernement central, qui considérait que ce décret était inconstitutionnel et qu’il accentuait les incertitudes juridiques pour le secteur bancaire espagnol (pauvre, pauvre petit secteur bancaire...) , une position partagée par la Commission européenne. (étonnant...) (...)


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"Madame la Baronne, si je puis me permettre...
le portrait de votre soeur est admirable...
- Ce n'est pas ma soeur, c'est ma maîtresse...
- Glub!"


Francesco Beda

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(Document prouvant que Monsieur Hitler
était un brave homme et qu'il ne voulait
pas la guerre. Son chien, par contre...)


Pourquoi la guerre ?
Michel WEBER

   (...) Une société sans guerre(s) est peu probable. Une société capitaliste sans guerres est impossible.On peut le montrer très facilement en systématisant les éléments d’analyses parfois épars que l’on retrouve chez Orwell et Mumford, mais également chez des auteurs contemporains comme Noam Chomsky, Jacques Pauwels et Annie Lacroix-Riz. (Afin de proposer une démonstration courte, je n’examine pas la définition du capitalisme par la "croissance".)

   Le pourquoi de la croissance, c’est la possibilité de mettre en œuvre une politique d’obsolescence sous ses formes cardinales. Force est cependant de constater que l’obsolescence ne parviendrait pas, à elle seule, à rencontrer le défi de la surproduction — qui est énorme et qui demande un moyen bien plus radical, un moyen qui travaillera à la fois en amont et en aval, un moyen qui formatera et le producteur et le consommateur. Ce moyen, c’est la guerre.

   Je ne parle pas de la guerre économique que tous les acteurs sont censés se livrer en permanence ; je ne parle pas non plus de la guerre sociale larvée dans laquelle vivent les individus conformes et atomisés (à la Machiavel ou à la Hobbes) ou de la guerre des classes (de Marx et Engels) ; je parle de la guerre en tant que production industrielle capitaliste. On ne trouvera rien de métaphorique ici.

   La stricte corrélation qui existe entre capitalisme et guerre a été pressentie entre autres par Karl Marx, Jean Jaurès, Georges Sorel et William James avant d’être analysée par Werner Sombart et Vladimir Lénine, mais surtout par Lewis Mumford (1932) et George Orwell (1949). Du point de vue de ces analyses, justifier la croissance équivaut à légitimer la guerre. On distinguera à leur suite trois types de fonction martiales, étagées selon leur degré d’évidence. Remarquons que chaque degré est directement corrélé à l’importance factuelle de la fonction, la moins évidente étant la plus fondamentale.

   Primo, les fonctions visibles sont stratégiques et tactiques. Il s’agit bien sûr de la défense nationale, mais cette notion simple est en fait susceptible de subir certains aménagements cosmétiques. S’agit-il de défendre son territoire stricto sensu (à la suisse) ou ses intérêts stratégiques (sur le mode us-américain) ? Le premier est clairement défini et la mission des armées de même ; les seconds peuvent porter sur des enjeux très éloignés dans l’espace et dans le temps, au point qu’une guerre sans fin contre « l’empire du mal », « la drogue » ou « la terreur » est tout à fait concevable.

   Ensuite, l’attaque préventive pour des motifs oiseux ou simplement fictifs est maintenant pratiquée en dehors de tout cadre juridique international – à moins que celui-ci ne s’avère manipulable sans efforts.

   Enfin, depuis 1971, l’attaque délibérée pour des motifs « politiques » peut être baptisée « guerre humanitaire » sans soulever aucun tollé chez les observateurs avertis. La guerre c’est la paix.

   Secundo, les fonctions liminales nous mettent en présence de trois grands archétypes. Par définition transhistoriques, on les retrouve dans toutes les sociétés et quasiment dans toutes les communautés.

   La religiosité renvoie au sacrifice tragique du guerrier et aux mythes primitifs ; mourir et donner la mort mettent en contact avec l’Ultime. La pratique de la guerre est proprement sacramentelle (cf. Eliade).

   Ensuite, les vertus martiales nous renvoient à un ensemble de valeurs mâles, soi-disant morales, fondatrices de l’État : la discipline de fer, l’intrépidité, le mépris de la douceur et de l’intérêt personnel, l’obéissance aveugle, etc.

   Enfin, cette abnégation assure la cohérence sociale (cf. Girard) et constitue une réponse efficace, à défaut d’être élégante, au danger malthusien (sous forme d’eugénisme de sa population et de génocide de l’adversaire). La liberté, c’est l’esclavage.

   Tertio, les fonctions invisibles portent plus directement encore sur les mécanismes de contrôle et de stabilisation de la société capitaliste.

   Il y a d’abord les fonctions politiques : créer l’unanimité par la distraction et, surtout, préserver les inégalités en exigeant la subordination en face de la menace extérieure, réelle ou imaginaire, immédiate ou annoncée.

   Ensuite viennent les fonctions économiques : la guerre permet bien sûr d’assurer l’accès aux matières premières et d’ouvrir de nouveaux marchés si les « partenaires commerciaux » s’avèrent peu sensibles aux arguments purement mercantiles (à la Ricardo) . Elle permet aussi d’écouler la surproduction de tout une série de biens et de services qui n’améliorent pas le sort des masses : il serait impossible de préserver le statu quo politique si les investissements portaient sur des biens socialement utiles (soins de santé pour tous, école démocratisée, infrastructures culturelles et sportives accessibles, autonomie énergétique, …) en lieu et place du socialement inutile.

   Enfin, il y a le keynésianisme militaire en tant que tel (que Chomsky a baptisé le « Pentagon system ») : en investissant massivement dans la recherche, le développement et la commercialisation de produits militaires, de leurs précurseurs et dérivés, l’État capitaliste stimule l’innovation technologique, l’emploi et la production industrielle. De plus, il offre des débouchés sûrs : le gigantesque marché militaire est garanti par l’État et financé par les impôts (payés par les pauvres) et les prêts (bénéficiant aux « marchés financiers »). La réticularité de cette pratique digne de la Russie soviétique (qui, soulignons-le, n’a fait que s’adapter, par la force des choses, au militarisme occidental) est tellement profonde et puissante que sa quantification est virtuellement impossible. 

   Un exemple suffira : en 1955, lorsque Chomsky est titularisé comme professeur de linguistique au MIT (Massachussetts Institute of Technology), l’Institut était financé à 100% par trois corps d’armée. Le lecteur naïf s’étonnera d’abord que des travaux aussi abscons que la grammaire générative et transformationnelle soient entièrement financés par le Pentagone. Il ajoutera peut-être que le MIT était à l’époque le centre principal de résistance du mouvement anti-guerre et que, de fait, Chomsky n’a jamais épargné ses efforts pour dénoncer le militarisme impérial des USA. On admettra en effet que certaines recherches semblent fort éloignées d’une application militaire directe, mais dans le cas de la linguistique, il n’en n’est rien : comprendre la structure fondamentale du langage permettrait en effet de formaliser toutes les langues et de créer des logiciels de traduction universelle (et donc panoptiques) ; du reste, la programmation d’ordinateurs complexes, d’automates performants, de drones et de droïdes passe également par la création de nouveaux algorithmes. 

   Que le MIT soit au surplus un nid de contestataires importe peu — à la condition expresse que ces universitaires contribuent par leurs travaux à alimenter la machine militaire et qu’en tant que contestataires leurs voix se noient dans le bruit médiatique. Si d’aventure elle se faisait entendre très brièvement, l’oligarchie s’empresserait d’y voir la preuve de la liberté d’expression qu’elle autorise avec la bienveillance qui la caractérise.

En dernier lieu, on doit épingler les fonctions psychologiques : la militarisation de la vie sociale renforce l’infantilisation en exigeant l’obéissance – et la confiance – aveugles ; la guerre, lorsqu’elle éclate, brise l’ennui de la vie dans une société mécanisée qui ne propose plus aucun sens à l’existence. Le choc de la réalité est alors vécu comme libérateur. Vivre sur le pied de guerre, c’est vivre vraiment, c’est vivre aux extrêmes. 

   Tout ceci ne présage en rien de la fonction dernière de l’entraînement militaire en général et de la guerre en particulier : prédation, agression et violence constituent des jouissances primitives (au sens de Lorenz, pas de Lacan). La libération du sadisme des oligarques, qui implique la possibilité d’enlever, de violer, de torturer et d’assassiner en dehors de tout cadre culturel (les mots manquent pour nommer cette logique qui n’est rationnelle qu’au sens pervers) sont l’alpha et l’oméga du fondement guerrier de nos sociétés. L’ignorance, c’est la force.

Dernier ouvrage paru : De quelle révolution avons-nous besoin ? (Sang de la Terre, 2013)


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Luc Desle

dimanche 7 juillet 2013

"Au-delà des mots, la contrée était dangereuse". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LEVE-TOI LE MATIN
AVEC DES AILES)

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Long Texte au long cours (2/2). 
Blanche Baptiste

   La jeune Lucie commence à enquêter sur ses aïeux comme l'y pousse la discipline qu'elle a étudiée... 
HAUTES DILUTIONS



   - Si je considère cet arbre avec attention, je vois de toute évidence que le sept septembre est pour vous une date clef, et je ne peux que vous conseiller de chercher de ce côté-là. 

   Lucie est ressortie ébranlée de la séance avec son psychothérapeute. Pourtant, il ne lui a rien appris de nouveau. Elle le savait que ce jour-là, il s’était passé quelque chose de crucial pour elle et pour sa proche famille. Elle n’a aucun mal à retrouver ses souvenirs. 

   Elle avait alors tout juste dix-huit ans et venait de réussir son bac. En octobre, elle allait rentrer à l’école de laborantine de Perpignan. Elle entretenait avec la chimie un rapport étrange fait d’attirance et de répulsion, l’attraction étant cependant la plus forte. 

   Depuis toute petite, elle avait la manie des expériences et des mélanges. Sa sœur Pépita en avait un jour fait les frais et avait bien failli mourir après absorption d’un breuvage comme en concoctent souvent les petites filles en guise de dînette. Depuis ce jour, on l’appelait la espécialista et quand son père devait préparer les dosages pour les vignes, il faisait toujours appel à elle qui maniait la règle de trois avec une aisance qui peu à peu lui faisait défaut à lui qui allait vers ses cinquante-six ans. 

   C’était un fait, le régisseur Pedro Mirales, employé depuis plus de vingt cinq ans sur le domaine des Guirandes, n’était plus vraiment à la hauteur. Certains, secrètement, convoitaient sa place et se réjouissaient de ses moindres erreurs de gestion, de ses nombreux oublis et de son incompétence face à la modernité qui arrivait au galop et le dépassait, lui qui marchait encore au pas du cheval. Le tracteur, la camionnette, c’était Marcel qui les conduisait le plus souvent et bientôt, ce serait aussi la propriété qu’il conduirait si Mirales n’y prenait pas garde. 

   Le vieux Pedro se foutait bien pas mal des manigances de son second. Il savait qu’il avait encore neuf ans à tirer et que personne ne pourrait le déloger. Il avait la confiance de son patron, le propriétaire, monsieur Delmas, ambassadeur en Espagne qui ne venait en France que pour les vacances et qui appréciait les services non seulement de Mirales mais aussi de sa femme Josefa, excellente ménagère qui entretenait à merveille le manoir jouxtant la ferme. 

   Josefa n’avait alors que cinquante ans et montrait une force et une volonté à l’ouvrage peu communes. D’origine andalouse, encore fraîche et pulpeuse, elle savait mener son monde, mine de rien, tout en ayant l’air de laisser à son mari le choix des décisions. Les mensonges étouffés, la soumission feinte, les compromissions auxquelles elle avait consenties depuis son mariage avec Mirales, avaient fait d’elle, au fil des ans, une femme de tête qui exerçait sur ce dernier un ascendant sournois. 

   Depuis quelques jours, elle se démenait pour rendre un peu plus salubres les logements dévolus aux vendangeurs espagnols qui venaient chaque année de Murcia. Mais elle avait beau faire, tout cela se dégradait et elle avait honte de ces taudis mis à disposition par monsieur Delmas. Il n’y avait ni eau, ni toilettes, ni chauffage. Pourtant, un poêle aurait été bien utile, surtout à la fin septembre quand les jours se font plus venteux et qu'il vient du Canigou des senteurs de neige et de glace. Au lieu de cela, elle voyait depuis sa fenêtre ces braves gens, ces habitués de longue date, aller se laver au bassin dans la cour et courir sous la pluie jusqu’au WC de fortune. 

   Et cette année encore, ils allaient arriver avec leur chargement de vêtements et surtout de victuailles. Des kilos de chorizo, de riz, de poisson séché, de pois chiches, et tout cela serait mis en commun par ces trois familles élargies et ils mangeraient tous autour de la grande marmite. Et sa fille Lucie voudrait comme à chaque vendange se joindre à eux. Alors, le père Mirales se mettrait en colère. Il ne supportait pas que la gamine veuille se mêler à ces espagnols. C’était depuis toujours sujet à dispute violente. 

   - Tu n’as pas à traîner avec eux ! 

   - Et quand je viens vous aider à vendanger, je suis bien avec eux aussi et vous ne dites rien. 

   - Ne discute pas ! Rien ne t’autorise à partager leurs soupers ni leurs soirées. Surtout à ton âge ! Avec ces jeunes, et moins jeunes, qui n’attendent que ça ! 

   Alors la mère intervenait avec des sous-entendus et un ton perfide. 

   - Oh toi, bien sûr, vieux dégoûtant, tu sais de quoi tu parles ! 

   Le père levait la main dans un geste avorté en injuriant Josefa. Il ne restait plus à Lucie qu’à sortir de la pièce, à les laisser ressasser leur passé, à parler de cet Angel, cet enfant que son père aurait fait à une jeune femme réfugiée comme lui en France dans un camp près d’ici. Que ce n’était que des racontards. Que cette fille avait tout inventé. Bref, des histoires sordides qui dégoûtaient Lucie et Pépita parce qu’elles sentaient qu’il y avait là-dessous une part de vérité et beaucoup de souffrances laissées dans l’ombre, quelque part, des êtres qui pouvaient en vouloir à leur famille, des ennemis capables de resurgir un jour et d’apporter la honte sur les Mirales. 

   Il avait été si difficile de se faire une place. Cela avait demandé un travail acharné, beaucoup d’orgueil rentré. Et peu à peu, ils s’étaient fondus dans la masse des gens du coin, mêlant leur accent à l’accent roussillonnais, parlant un français teinté d’hispano-catalan. Et Mirales avait su se faire apprécier, véritable bête de somme, il était devenu régisseur, sa fierté. Et son fils aîné, Pierre, employé des Postes à Paris. 

   Pépita, coiffeuse, bien installée au village. Et Lucie, la dernière, bientôt laborantine, presque docteur en somme. Oui, ils avaient bien réussi. Pour les filles, leur jeunesse n’avait été qu’une succession de brimades, de restrictions et de privations, mais le résultat était là. Il ne s’agissait pas de tout foutre en l’air au dernier moment avec des gamineries ! 

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(A Suivre)


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(Adulte jetant son rêve d'un monde meilleur aux orties)


Vaclav Brozik (Czech painter)

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(Démocratie en deuil... depuis trop longtemps)


Enigme, Alfred Agache


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(Cet homme était si timide qu'il payait
pour rester seul avec des cadavres féminins
afin de leur réciter ses poèmes d'amour)


The Autopsy ~ Enrique Simonet 1890


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"Oh toi, ch't'aime, tu sais... Mmmm...
Kiss, kiss...
- Mais... Enfin! Madâme! On nous regarde!!!"


Kiss of the Sphinx (1895), Franz von Stuck

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Blanche Baptiste

vendredi 23 novembre 2012

"Cet accent aigu faisait mal aux oreilles". Benoît Barvin in "Pensées inconvénientes"

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Pensées pour nous-mêmes:

(L'ENFANT QUE TU N'ES PLUS
OU DONC SE CACHE-T-IL?)

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"La... lalala... Moi je fais l'équilibriste...
- Fais gaffe, tu vas te prendre une gamelle..."


(A-t-on besoin de parler de la prescience du Peuple Noir
et où ce jeune garçon a été enterré?)

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"C'est... kof, kof... pour ton bien...
- Oui... kof, kof... pour ton bien..."


Vaccins : 
devrait-on avoir le choix ?
(quel titre!)

ALEXANDRA BOGAERT

   (...) « C’est comme si j’avais été battue, rouée de coups, laissée pour morte. » Suzette Fernandes-Pires, 52 ans, a vécu un enfer qui a « détruit » sa vie. Suzette est atteinte d’une maladie au nom aussi barbare que les douleurs qu’elle fait endurer à ceux qui la contractent: la myofasciite à macrophages. Cette inflammation grave des muscles qui se traduit par un épuisement chronique, des douleurs musculaires et articulaires très fortes et des troubles de la mémoire, serait la conséquence de l’hydroxyde d’aluminium présent, comme adjuvant, dans un certain nombre de vaccins (60% de ceux présents sur le marché en contiennent).

   Suzette avait 36 ans en 1996 quand elle a répondu à la grande campagne de vaccination nationale. Rappels de DT Polyo, hépatite A et B, elle a tout refait. « Deux mois après, je suis tombée malade. J’avais de fortes douleurs aux membres et une grande fatigue, jusqu’à une crise en 1997. » Paralysée par la souffrance, cette infirmière vétérinaire à Maisons-Alfort erre de médecin en médecin. Jusqu’à ce que, enfin, le diagnostic tombe. C’était en 2000. (...)

   Son organisme a de grandes difficultés à digérer les particules d’hydroxyde d’aluminium contenues dans les vaccins qu’on lui a injectés dans les muscles, particules qui sont captées par les macrophages. Ces grosses cellules qui jouent le rôle d’éboueurs de l’organisme ont pour propriétés de pouvoir circuler partout dans le corps et d’englober les particules avant de les détruire. Sauf que, dans le cas précis de l’hydroxyde d’aluminium, le macrophage est rendu immortel tant qu’il n’a pas réussi à éliminer la particule.

   Ainsi squattés, les macrophages se baladent dans l’organisme pendant des mois après l’injection, voire pendant des années. « Quand ils finissent par pénétrer dans le cerveau, où ils s’accumulent progressivement, ils provoquent des perturbations suffisantes pour induire un syndrome de fatigue chronique », expose le professeur Romain Gherardi, de l’hôpital Henri Mondor de Créteil.

   Avec son équipe de l’Inserm (l’Institut national de la santé et de la recherche médicale), ce spécialiste des maladies neuromusculaires est celui qui a identifié, dans les années 1990, cette nouvelle pathologie qui affecte une personne sur 10 000. « Il n’y a plus aucun doute sur la relation directe entre l’hydroxyde et les lésions musculaires et cérébrales », avance Romain Gherardi qui fait l’hypothèse que la myofasciite à macrophages touche des personnes génétiquement prédisposées pour mal digérer les sels d’aluminium. (Ben alors, oui, on doit avoir le choix de se faire ou non vacciner... ) (...)
Lire l'article sur:


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(Le syndrome de la chaise vide,
dans ce hameau, était patent)



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"Du sang, du labeur...
- Des larmes et de la sueur...
- Da... Da..."


Pas de sacrifices sans espoir !

Michael Marder
PROJECT SYNDICATE PRAGUE

   (...) Le président français François Hollande a récemment souligné l’idée essentielle, pourtant souvent occultée, selon laquelle il y aurait des limites au degré de sacrifice qui peut être demandé aux citoyens des pays du sud de l’Europe en difficulté financière. Afin d’éviter de transformer la Grèce, le Portugal et l’Espagne en véritables "maisons de correction" collectives, a-t-il fait valoir, les peuples ont besoin d’espoir, au-delà des perpétuels horizons lointains de réduction des dépenses et de mesures d’austérité. Les notions de psychologie les plus élémentaires appuient le point de vue de Hollande. Renforcement négatif et report répété des retours positifs ne peuvent aboutir à un objectif qu’à condition de la perception d’une lueur au bout du tunnel – la récompense future des sacrifices d’au­jour­d’hui.

   Le pessimisme public régnant en Europe du Sud est en grande partie attribuable à l’absence d’une telle récompense. Tandis que la confiance déclinante des consommateurs et le pouvoir d’achat des ménages aggravent la récession, les prévisions de fin de crise sont sans cesse repoussées, et les peuples soumis au fardeau de l’austérité en arrivent à perdre espoir.(...) 

   (...) Tout au long de l’histoire, le concept de sacrifice a mêlé théologie et économie (ben voyons...). Dans le monde antique, les peuples procédaient à des offrandes souvent sanglantes auprès des divinités, dont ils pensaient qu’elles les récompenseraient au travers, par exemple, de bonnes récoltes ou d’une protection contre le malheur. Le christianisme, et sa croyance selon laquelle Dieu (ou le fils de Dieu) se serait sacrifié afin d’expier les péchés de l’humanité, a inversé l’économie traditionnelle du sacrifice. Ici, la souffrance divine constitue une illustration de l’humilité désintéressée avec laquelle les mésaventures terrestres devraient être endurées (re Ben voyons...).

   Malgré la sécularisation, la croyance selon laquelle récompenses ou accomplissements exigeraient un sacrifice est devenue partie intégrante de la conscience culturelle européenne. Le concept de "contrat social" – apparu au siècle des Lumières afin d’appréhender, sans recours au droit divin, la légitimité de l’autorité de l’Etat sur ses citoyens – repose sur le postulat selon lequel les individus renonceraient à un certain degré de liberté personnelle dans le but de garantir paix et prospérité pour tous (quel degré? Quelle paix? Quelle prospérité?).

   Ainsi, les dirigeants politiques ont souvent demandé aux citoyens de sacrifier libertés personnelles et confort au nom d’entités spirituelles sécularisées, telles que la nation ou l’Etat – requête à laquelle les citoyens ont très largement accédé. Dans son premier discours à la Chambre des communes en tant que premier ministre du Royaume-Uni, Winston Churchill avait inspiré l’espoir d’un pays assiégé au travers de sa déclaration célèbre affirmant que lui – et donc l’Angleterre – n’avait "rien à offrir, que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur". (...)

Lire la suite sur:

http://www.presseurop.eu/fr/content/article/3040151-pas-de-sacrifices-sans-espoir
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Benoît Barvin (avec l'appui de Jacques Damboise)